La maison québécoise Nouveau Confort |
Le projet de François Brillant obtient le premier prix au concours de la maison Nouveau Confort d'Hydro-Québec. |
François Brillant |
Il est possible de construire des maisons écologiques, économiques, qui aient du style et qui cadrent avec l'environnement architectural et naturel du Québec. C'est ce qu'a montré François Brillant, architecte et chargé de cours à l'École d'architecture, avec son projet qui a remporté le premier prix au concours "Plans d'avenir pour un nouveau confort", lancé l'été dernier par Hydro-Québec.
Le concept Nouveau Confort désigne des habitations qui présentent une performance énergétique accrue ainsi que des qualités de construction supérieures du point de vue tant technique qu'architectural. Ces maisons doivent également recourir aux matériaux les moins polluants qui soient afin d'assurer la santé des occupants et la protection environnementale, tout en étant à prix abordable.
"Le fait de placer 50% des fenêtres du côté sud et d'orienter la maison en conséquence permet déjà d'économiser beaucoup d'énergie, soutient François Brillant. En associant cette orientation aux autres normes de construction, les maisons Nouveau Confort consomment 50% moins d'énergie que les maisons traditionnelles."
En lançant son concours, Hydro-Québec invitait les architectes à se préoccuper de l'aspect architectural de ces maisons de demain, aspect souvent délaissé au profit des éléments plus techniques de la conservation d'énergie. Les règles du concours stipulaient que les projets devaient présenter une architecture "audacieuse et rassurante" tout en s'insérant "dans un ensemble cohérent et esthétique qui se démarque nettement des courants stylistiques des derniers 15 ans".
François Brillant y a vu là une allusion à ce style néovictorien qui envahit nos banlieues. "Il s'agit d'une caricature du style victorien", dit-il à ce sujet. Il déplore aussi que le style moderne ait fait table rase des formes traditionnelles, comme le toit en pente, élément archétypal présentant à ses yeux un aspect protecteur et rassurant.
Adepte des "formes sobres qui résistent au temps et aux modes", il a donc cherché à renouer avec une architecture propre au Québec. En plus du pignon fortement prononcé, sa maison intègre un autre élément caractéristique de la maison québécoise, soit la large cheminée. Mais il ne s'agit ici que d'une interprétation de forme puisque, question d'écologie, les maisons Nouveau Confort ne doivent contenir aucun système de combustion. La "cheminée" est en fait la cage d'escalier, une innovation que le père Noël appréciera grandement.
François Brillant a de plus choisi la figure carrée pour sa maison. Non pas pour l'aspect archétypal de la chose, mais pour ses avantages écologiques. "Pour une même superficie, le carré a un périmètre moindre que le rectangle, explique-t-il. Comme il y a moins d'exposition, il y a moins de perte d'énergie."
Le carré permet également d'aménager les pièces intérieures avec un minimum d'espace de circulation, ce qui évite les corridors. Toujours question d'énergie, les fenêtres sud possèdent des "brise-soleil" qui produisent une ombre en été lorsque le soleil est haut, sans l'empêcher de pénétrer en hiver lorsqu'il est plus bas. De plus, les "pièces de vie", comme la salle de séjour, la salle à dîner et les chambres, sont placées du côté sud de la maison, où l'on retrouve 62% des fenêtres.
Ce qui peut à première vue surprendre le profane, c'est que l'architecte a conçu sa maison pour être située du côté sud de la rue: ainsi, le fenestrage est du côté cour, où se trouve le salon, plutôt que sur la façade. "Placer le salon à l'avant est une mode américaine", signale-t-il, tout en remettant en question la pertinence de baies vitrées qui donnent sur la rue plutôt que sur le jardin ou le paysage.
François Brillant a également innové sur le plan technique en proposant une nouvelle armature pour les murs et les planchers. Dans les habitations traditionnelles, le plancher est supporté par les murs de l'étage inférieur; en contact avec le mur extérieur, les pièces du plancher constituent ainsi un "pont thermique" causant une perte de chaleur et une entrée de froid en hiver.
Dans la maison que le professeur a conçue, les planchers sont plutôt accrochés aux murs. Il a d'ailleurs l'intention de tester cette nouvelle structure et d'en breveter le principe.
Même si l'estimation du coût de construction ne faisait pas partie des éléments du concours, François Brillant évalue que sa maison unifamiliale de 9 mètres de côté et d'une superficie habitable de 260,5 mètres carrés (une dizaine de pièces avec le sous-sol) pourrait revenir à 150 000$.
"Les maisons Nouveau Confort coûtent autour de 6% de plus qu'une maison comparable construite en dehors des normes écologiques, souligne l'architecte. Mais ce coût additionnel est récupéré par l'économie d'énergie et la certification Nouveau Confort constitue une excellente valeur de revente."
Un montant de 10 000$ était associé au premier prix de ce concours, mais ce qui a surtout motivé le professeur, c'est son intérêt pour le domaine résidentiel. "Le défi de concevoir une habitation audacieuse et rassurante qui répondrait aux exigences d'efficacité énergétique était très stimulant. Les architectes devraient cesser de se lancer dans des concepts trop originaux et occuper une place plus importante dans la conception résidentielle, actuellement laissée aux technologues. Quant au public, il ne devrait pas avoir peur de faire affaire avec un architecte; ça ne coûte pas plus cher qu'un avocat!"
Daniel Baril