Vient de paraître
Édition critique de Marie-Didace
Le Survenant encore plus vivant dans le second roman de Germaine Guèvremont.
Si le Survenant est disparu du Chenal-du-Moine
à la fin du roman éponyme écrit par Germaine Guèvremont
en 1945, il est plus présent que jamais, au point d'influencer la
vie quotidienne des personnages, dans Marie-Didace, oeuvre publiée
deux ans plus tard.
Sans hésiter, Yvan Lepage, professeur de littérature et de
philologie à l'Université d'Ottawa et auteur d'une édition
critique de Marie-Didace publiée aux Presses de l'Université
de Montréal, affirme que le Survenant est le personnage principal
de cette histoire.
«Et ce, même si Marie-Didace est un roman de femme, par opposition
au Survenant, qui en est un d'homme, dit-il. C'est formidable de voir que
le Survenant est disparu et qu'on peut écrire tout un roman à
partir de sa mémoire.» Marie-Didace a transformé le Survenant
en mythe, avance-t-il dans l'avant-propos de son ouvrage.
En fait, la relation entre l'auteure et le héros de ses deux romans
est si étroite (presque filiale) que Germaine Guèvremont n'a
jamais plus été en mesure d'écrire de romans par la
suite.
Dans Le plomb dans l'aile, ébauche d'une suite à Marie-Didace
et dont le premier chapitre est publié dans l'édition critique
de M. Lepage, l'auteure a perdu toute forme d'inspiration.
«Pourquoi le personnage du Survenant a-t-il autant hanté Germaine
Guèvremont? Il y aurait toute une étude psychanalytique à
faire là-dessus», indique Yvan Lepage. Ce dernier propose une
piste: la fascination de l'auteure devant la liberté totale en opposition
avec mille et une obligations liées à sa vie quotidienne.
Spécialiste de la littérature française du Moyen Âge,
Yvan Lepage s'est intéressé à Germaine Guèvremont
et à son oeuvre à la suite d'une demande pour publier une
édition critique du Survenant dans la Bibliothèque du Nouveau
Monde, collection des PUM consacrée aux éditions critiques
d'oeuvres québécoises.
Dans cette foulée, il a poursuivi son travail en publiant cette seconde
édition critique. Il compte également publier la correspondance
et une biographie de Germaine Guèvremont d'ici la fin du siècle.
L'essentiel de cette correspondance a été entretenue avec
le poète et journaliste Alfred DesRochers, à qui l'auteure
adressa 111 lettres et billets dans lesquels
il est constamment question des deux romans. Germaine Guèvremont
soumet ses premiers jets, demande des conseils, s'inquiète des silences
de son mentor.
«S'il existe quelque part un modèle du Survenant, c'est d'abord
chez Alfred DesRochers qu'il faut le chercher», propose Yvan Lepage.
C'est d'ailleurs dans le fonds Alfred DesRochers des Archives nationales
du Québec à Sherbrooke que se trouvent les tapuscrits du Survenant
et de Marie-Didace.
Cette édition critique est intéressante et éclairante
à plus d'un titre. La longue introduction de M. Lepage permet de
situer l'oeuvre dans le contexte historique et géographique où
elle a été écrite, fait état de l'immense influence
d'Alfred DesRochers dans sa genèse et met en lumière un vocabulaire
riche en termes et expressions du terroir.
On s'étonne de consulter en bibliographie le nombre incroyable d'articles
et de conférences attribuables à Germaine Guèvremont
au cours de sa carrière. «Cette oeuvre cachée donne de
Germaine Guèvremont une image de femme de coeur», souligne M.
Lepage.
Les thèses, livres, chapitres de livres, articles, comptes rendus
et films consacrés à cette dernière se comptent également
par dizaines.
Tout comme Bonheur d'occasion, de Gabrielle Roy, Le Survenant a été
écrit en 1945; les deux livres constituent des pièces maîtresses
de la littérature québécoise, confirme Yvan Lepage.
Au regard de ces deux romans, Marie-Didace est une oeuvre marginale.
Mais elle n'en demeure pas moins un jalon de notre littérature parce
qu'avec sa publication, dit-il, «meurt» le roman de la terre.
André Duchesne
La question du placement de l'enfant
Qui ne ressent pas un profond désarroi
devant les carences dont souffrent de nombreux enfants vivant des situations
familiales dramatiques? Nous savons qu'il n'existe pas de solution miracle
pour mettre fin à toutes ces peines, mais connaissons-nous vraiment
les mesures susceptibles d'être mises en place par les différents
intervenants et les réseaux de soins? Sommes-nous capables de prévoir
l'incidence du placement sur l'enfant et sur ses parents? Comment concevons-nous
le rôle des parents d'accueil ainsi que celui des intervenants et
des experts consultés?
Dans Le moindre mal, La question du placement de l'enfant, Paul D. Steinhauer
analyse en profondeur les divers aspects du problème, présente
des études de cas fort éclairantes et pose des balises qui
constitueront un apport précieux tant pour les intervenants en santé
mentale, les éducateurs, les avocats et les juges que pour les parents
et pour tous ceux qui sont confrontés à de telles situations.
Cet ouvrage, synthèse des recherches effectuées dans le domaine
et fruit de la vaste expérience de l'auteur, permettra d'orienter
l'immense travail qui reste à accomplir auprès de ces enfants
et de leur famille.
Paul D. Steinhauer est psychiatre et professeur de psychiatrie à
l'Université de Toronto.
Paul D. Steinhauer, Le moindre mal, La question du placement de l'enfant,
Les Presses de l'Université de Montréal, 1996, 460 pages,
44 $.
Circuit
«Si la personnalité d'un jeune compositeur
consiste à écrire des Nocturnes de Chopin, elle ne m'intéresse
pas. Je ne veux pas la développer. C'est un manque de personnalité.
La personnalité, elle est au-delà d'un certain effort, qui
veut dire l'abandon d'une certaine facilité de penser.
«Ma préoccupation principale en tant que créateur est
de rechercher d'abord un équilibre entre l'intuition, l'intelligence,
la technique, la sensibilité, et faire en sorte que la poésie
se niche au creux d'une réussite technique.»
Ces paroles sont de Serge Garant à qui Circuit consacre son dernier
numéro.
Circuit, Revue nord-américaine de musique du XXe siècle,
Serge Garant, volume 7, numéro 2, 96 pages, 18 $.
Tambours des dieux
Quelle est la nature des liens entre la musique
et la société? En l'occurrence, les battements de tambour
des cérémonies tamoules de la Martinique vont-ils au-delà
d'un simple accompagnement sonore de leurs phases? Les profils rythmiques
sont-ils déterminés par le contenu du rituel? Si oui, comment
s'opère le processus d'attribution symbolique? C'est à ces
questions, entre autres, que Tambours des dieux, Musique et sacrifice d'origine
tamoule en Martinique tente de répondre.
Les Tamouls sont venus à la Martinique comme engagés, après
l'abolition de l'esclavage, au milieu du XIXe siècle. Ils venaient
assurer la main-d'oeuvre dans les plantations alors désertées
par les anciens esclaves. S'ils ont aujourd'hui perdu l'essentiel de leurs
traditions d'origine, ils ont précieusement conservé une cérémonie
religieuse que les Créoles appellent «bon dyé kouli».
Une des particularités de cette cérémonie réside
dans la musique, dont la rythmie des tambours circulaires conduit à
la possession du prêtre et à l'immolation des animaux. Première
analyse ethnomusicologique de cette musique en aire créole, l'ouvrage
montre comment la musique structure le rituel et régit la communication
avec les dieux. Dans un chassé-croisé de considérations
sociales et musicales, Monique Desroches propose une démarche d'analyse
dont le cadre d'application pourrait être transposé à
d'autres cultures musicales.
Monique Desroches est, depuis 1987, professeure d'ethnomusicologie à
la Faculté de musique et directrice du Laboratoire de recherche sur
les musiques du monde. Elle y est aussi responsable de la Collection d'instruments
de musique du monde.
Monique Desroches, Tambours des dieux, Musique et sacrifice d'origine
tamoule en Martinique, Montréal, Harmattan, 1996, 180 pages.
Pour mieux cerner le «travail informel»
Leroy O. Stone et Marie-Thérèse Chicha, Le système
de comptes du travail total de Statistique Canada, Ottawa, Statistique
Canada, 1996, 100 pages.