Le multilinguisme à nos portes
Le Service des activités culturelles offre des
ateliers en cinq langues.
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Gustavo Garcia profite des ateliers du SAC
pour tester No hay problema, sa méthode d'espagnol
qu'il voudrait bien voir un jour sur le marché. |
À l'Université de Montréal,
l'heure est à l'apprentissage des langues. Le francophone
unilingue, voire bilingue par sa nature nord-américaine,
est en voie de disparition. Sous l'effet de la mondialisation
plutôt que du hasard, en trois ans, les cours de langues
se sont multipliés dans notre vénérable
établissement.
Le dernier-né? Le secteur Langues du
Service des activités culturelles (SAC), des ateliers
ouverts à tous, axés sur la conversation et fruits
d'une étroite collaboration entre le SAC et la Direction
de l'enseignement des langues de la Faculté des arts et
des sciences (FAS). Ils sont offerts, depuis 1998, en allemand,
anglais et espagnol et, depuis cet automne, en chinois (mandarin)
et italien.
C'est en toute logique que Marie-France Labelle,
coordonnatrice du secteur Arts et monde au SAC, s'est tournée
vers la FAS au moment où elle projetait offrir ces ateliers.
Loin de concurrencer l'estimable faculté, son idée
correspondait parfaitement aux objectifs de la nouvelle orientation
universitaire: donner une plus grande visibilité aux langues.
Créée en 1997, la Direction de l'enseignement des
langues a dans ce sens établi des programmes d'études
courts - les modules en langue et culture - facilement intégrables
dans les programmes réguliers.
Pour Angela Steinmetz, de la Direction de
l'enseignement des langues, la multiplication des cours est significative
de cette volonté qui a ouvert, par exemple, les HEC à
une entente avec la FAS. "Les gens se rendent compte qu'une
langue est un atout", constate-t-elle avec satisfaction.
Et organiser des cours ailleurs ne représentait aucun
risque.
Plus souples que des cours
"On ne leur enlève pas des clients, au contraire,
on leur en donne", soutient Marie-France Labelle, citant
les cas de deux participants aux ateliers aujourd'hui inscrits
en langues à la FAS. De toute façon, la comparaison
semble démesurée: au SAC, il n'y a ni travaux ni
notes et les 20 heures en 10 semaines d'atelier ne font pas le
poids devant les 90 heures de cours à la Faculté.
"Les gens sont surchargés, explique l'instigatrice
du projet. En venant au SAC, ils ne veulent pas se compliquer
la vie."
"Les ateliers sont une antichambre des
cours de la Faculté, croit Sébastien Bage, responsable
du chinois, niveau débutant. En 20 heures, on ne peut
pas tout voir. On se contente d'expliquer la logique de l'écriture
et des sons, de montrer à se servir de différents
outils."
Beaucoup plus souple qu'un cours crédité
de la FAS, l'atelier du SAC exige quand même un peu de
sérieux. Pour Sébastien Bage, vouloir connaître
une langue, c'est beaucoup plus que vouloir connaître un
pays. "Ceux qui désirent apprendre une langue ont
déjà un intérêt pour elle, dans ce
qu'elle constitue, dans ce qu'elle est. Ils sont conscients du
temps et de l'énergie qu'ils devront consacrer à
son étude."
Sachant qu'elle ne peut imposer de devoirs,
Josée Lamy, responsable du niveau débutant en allemand,
essaie quand même d'inculquer une certaine discipline.
"Il faut faire comprendre aux gens que les cours sont enrichissants
et stimulants quand on relit, quand on révise, dit-elle.
Je n'exige rien, mais il y en a qui mettent autant d'efforts
que dans un vrai cours. Ils me laissent des textes pour que je
les corrige."
Pour Gustavo Garcia, responsable des ateliers
d'espagnol, la conversation ne peut être le seul moteur
de l'atelier. "On ne peut pas seulement s'asseoir et parler."
Conjugaison, grammaire, il aborde tout, mais en l'intégrant
à des activités culturelles. Il ne se contente
pas de présenter en classe le Guatemala sur diapositives
ou la musique andine, il incite les gens à voir le dernier
Almodóvar en version originale. Il organise aussi des
sorties en groupe à Mi tierra, le meilleur restaurant
mexicain de Montréal, ou au Musée des beaux-arts,
pour voir l'exposition sur l'art mexicain.
Excellente école pour professeurs
Étudiants en fin de baccalauréat ou aux cycles
supérieurs, les animateurs sont sélectionnés
et encadrés par la FAS. Un choix judicieux, car le succès
des ateliers repose sur leur personnalité.
"Comme ce ne sont pas des cours magistraux,
je voulais avant tout des animateurs vivants et capables de transmettre
le goût de la langue", précise Marie-France
Labelle. "On cherchait des gens dont on connaissait le niveau
de langue et qui avaient une aptitude pour l'enseignement, dit
Angela Steinmetz. Pour eux, c'est une très bonne expérience."
"C'est la chance de ma vie", dit
Josée Lamy, pour qui animer au SAC est la première
étape, espère-t-elle, d'une carrière dans
l'enseignement. Si les ateliers sont pour elle et ses collègues
une excellente école, ils le sont aussi pour... les manuels.
C'est du moins ce que Gustavo Garcia s'est
dit, lui qui teste cet automne une nouvelle méthode pour
l'apprentissage de l'espagnol. Insatisfait des livres classiques
de grammaire et de ceux à la mode axés sur la communication
orale, il a décidé de rédiger lui-même
un ouvrage mêlant les deux types.
"Les méthodes de conversation
sont élaborées en Espagne et visent l'immersion.
Ici, le contexte est différent, les utiliser n'a pas de
sens." Plus universel et réaliste, son livre, No
hay problema, tient compte des variantes de langage du monde
hispanique et intègre théorie et conversation.
Angela Steinmetz, pour qui il n'y a pas de
manuel unique mais une multitude d'outils, ne voit pas d'inconvénient
à ce que l'atelier de Gustavo Garcia serve de laboratoire.
"Il a la liberté de tester des approches dans la
mesure où elles sont axées sur la conversation."
Véritable exercice pédagogique,
les ateliers du SAC satisfont tout le monde, y compris le public:
les ateliers - excepté ceux de chinois - roulent à
pleine capacité, avec 154 inscriptions pour 13 groupes.
Un succès qui a des chances de se poursuivre. Car demain,
nous ne serons plus appelés à être bilingues,
mais bien polyglottes.
Jérôme Delgado
Collaboration spéciale
Les ateliers de langues du SAC de l'hiver 2000 débutent
fin janvier. La période d'inscription a lieu du 17 au
21 janvier. Information: (514) 343-6524.
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