M. Tremblay suivra une thérapie pour son impuissance!
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Le Dr Luc Valiquette montre l'applicateur du système
MUSE. Il suffit d'introduire dans l'urètre un mini-suppositoire
de prostaglandine pour que survienne une érection. Taux
d'efficacité: de 45% à 70%. |
M. Tremblay (nom fictif) souffre de troubles
érectiles depuis 18 mois. Âgé de 49 ans,
ce père de deux enfants, divorcé et remarié,
dit avoir une libido normale mais, depuis un an, il ne se souvient
pas avoir eu des érections nocturnes ou matinales. Il
ne prend aucun médicament pas plus qu'il ne vit de problèmes
financiers ou conjugaux. Mais il est aux prises avec une légère
obésité et il fume un paquet de cigarettes par
jour. Quel traitement serait indiqué pour ce patient?
La vingtaine de personnes présentes
à la conférence sur les troubles érectiles,
tenue au Palais des congrès dans le cadre des Huitièmes
Journées de la Faculté de médecine, ont
pensé que les problèmes de M. Tremblay étaient
d'ordre physique. Le diagnostic de Luc Valiquette, professeur
à la Faculté et urologue à l'hôpital
Saint-Luc du CHUM a été plus nuancé. "La
dysfonction érectile peut avoir des causes psychologiques
ou organiques. Le plus souvent, ce problème est caractérisé
par une combinaison des deux."
Si M. Tremblay se présentait à
son cabinet, l'urologue lui poserait d'abord des questions sur
la nature de son problème. Cette première étape
aide à préciser la cause de l'impuissance, mentionne
le Dr Valiquette. "Par exemple, une perte subite d'érection
survenant de façon épisodique suggère un
problème psychologique, alors qu'un trouble érectile
évoluant depuis plusieurs années semble d'ordre
physiologique."
Vient ensuite le bilan médical. Une
étape essentielle, selon le Dr Valiquette, car l'usage
de certains médicaments comme les antihypertenseurs ou
antidépresseurs peut également expliquer la dysfonction.
Quelquefois, il suffit de modifier la médication pour
régler le problème. Mais la réalité
est rarement aussi simple, admet l'urologue.
La petite pilule bleue: une solution miracle?
Dans le cas de M. Tremblay, il a été jugé
opportun de faire une évaluation plus poussée.
"L'évaluation clinique permet entre autres de dépister
des anomalies du métabolisme des sucres", souligne
Luc Valiquette. Les statistiques révèlent que le
diabète est responsable de 10% à 15% des troubles
érectiles d'origine physiologique. L'athérosclérose,
maladie artérielle généralisée, est
aussi souvent associée à ce problème.
Alors, quel traitement prescrit-on à
M. Tremblay? "Du Viagra", ont décidé
à l'unanimité les médecins et étudiants
présents dans la salle. Selon le Dr Valiquette, le patient
montre des facteurs de risques organiques, mais un trouble psychologique
peut également être lié à son impuissance.
"Avant de prescrire du Viagra, professe-t-il, il faut s'assurer
que l'étiologie n'est pas psychologique. Rien ne sert
de traiter par la pharmacologie un problème qui peut potentiellement
se régler en thérapie sexuelle. La petite pilule
bleue n'est pas la solution à tous les problèmes
érectiles!"
Ce à quoi un participant a ajouté
qu'à 15$ le comprimé il en coûtait cher pour
faire l'amour trois fois par semaine à sa conjointe. Un
argument qui ne semble pas rebuter les hommes. Une étude
américaine révèle que ceux-ci trouvent le
coût du produit acceptable puisqu'il leur permet de retrouver
dans 80% des cas leur vigueur sexuelle. Un taux d'efficacité
qui s'élève à 57% chez les diabétiques
et à 43% chez ceux qui ont subi une prostatectomie radicale,
peut-on lire dans un article paru dans la revue Le Clinicien.
Encore un sujet tabou
La fidélité au Viagra ou "sildenafil",
selon son appellation scientifique, est très élevée.
La médiatisation d'un lien possible entre la prise du
médicament et le risque de mortalité n'y a rien
changé. Surprenant? Pas pour le Dr Valiquette. "Le
Viagra est un traitement simple et efficace contre l'impuissance,
estime l'urologue. Il n'y a pas lieu d'établir un lien
de cause à effet entre l'utilisation de ce médicament
et l'incidence de la mortalité ou d'incidents cardiovasculaires.
Les patients qui souffrent de dysfonction érectile présentent
souvent des facteurs de comorbidité élevés",
rappelle-t-il.
À son avis, la prudence doit néanmoins
être de mise. Le Viagra est à proscrire chez les
patients qui prennent, même occasionnellement, des dérivés
de nitrate. "L'utilisation combinée de nitroglycérine
et de sildenafil peut s'avérer fatale", signale l'urologue.
D'autres types de traitements sont disponibles
pour ces patients. Parmi eux, le système MUSE (Medicated
Urethral System for Erection). Ce traitement, approuvé
par Santé et Bien-être Canada en 1998, consiste
à introduire dans l'urètre un suppositoire de prostaglandine
de la grosseur d'un grain de riz. Une érection survient
en 7 à 20 minutes après l'application chez 45%
à 70% des patients. "L'effet secondaire le plus incommodant,
rapporté dans 6% à 36% des cas, est une douleur
ou une sensation de brûlure à l'urètre",
signale l'urologue.
Dans le cadre de cette conférence,
une panoplie de traitements ont été présentés
et ouvertement discutés. Preuve que, de nos jours, ce
sujet est moins tabou? Pas sûr, semble dire le Dr Valiquette.
"Les patients et les médecins ne sont pas toujours
à l'aise d'aborder ce problème, constate-t-il.
Chose certaine, il est important que les médecins connaissent
bien les nouveaux produits sur le marché, car, avec la
couverture médiatique, il est probable que les patients
oseront davantage demander un traitement. La dysfonction érectile,
rappelons-le, touche à différents degrés
trois millions de Canadiens."
Dominique Nancy
"Ça prend aussi des caresses!"
Un jeune homme en santé peut avoir
de quatre à six érections nocturnes par nuit. Un
homme âgé: de deux à trois. Dans les deux
cas, leur durée varie de 20 à 40 minutes chacune.
Au cours de son sommeil, un homme peut donc passer de deux à
quatre heures en érection!
Ce phénomène physiologique est
encore peu connu aujourd'hui. Mais il existe un appareil, poétiquement
baptisé pléthysmographe, qui permet d'enregistrer
la teneur, le nombre et la durée des érections
nocturnes. Grâce à lui, il est possible de déterminer
la cause du trouble érectile, l'absence d'érections
durant le sommeil étant le symptôme d'un problème
physique. Mais quelle que soit la nature de la dysfonction, il
n'y a pas de traitement miraculeux. "Ça prend aussi
des caresses!" rappelle le Dr Valiquette.
L'urologue a également profité
de l'occasion pour déboulonner un autre mythe. "Le
processus de l'érection est un phénomène
complexe, indépendant du désir, de l'orgasme et
de l'éjaculation. L'incapacité d'obtenir ou de
maintenir une érection n'empêche pas un homme de
ressentir du désir, d'avoir un orgasme ou même d'engendrer
un enfant."
D.N.
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