Des collections bien particulières

Le laboratoire de paléoanthropologie dévoile ses trésors cachés.

Michel Chartier tient un humérus de marmette de Brünick. À l'avant-plan, une mandibule de béluga, un pelvis de morse et deux tibias de phoque exhumés à la sablière de Saint-Nicholas. "Le laboratoire de paléoanthropologie recèle une variété insoupçonnée d'espèces", fait valoir l'étudiant.

Quand Michel Chartier s'est rendu pour la première fois à la sablière de Saint-Nicholas, site paléontologique situé en banlieue de Québec, il ne s'attendait pas à y découvrir un trésor. Une mandibule de béluga, un pelvis de morse datant de 9790 ans (confirmé grâce à la technique de datation au carbone 14), deux tibias de phoque ainsi qu'un humérus de marmette de Brünick - un oiseau marin de la famille des pingouins - figurent parmi les ossements qu'il a exhumés des gisements de la mer de Champlain.

"Ce site est à l'heure actuelle encore peu étudié, du moins en ce qui concerne les espèces vertébrées, souligne l'étudiant à la maîtrise au Département d'anthropologie, qui qualifie ce lieu de véritable mine d'or pour les paléoprimatologues comme lui. Mais il n'y a pas que les fouilles sur le terrain qui permettent de faire des découvertes, déclare-t-il. Le laboratoire de paléoanthropologie recèle une variété insoupçonnée d'espèces."

On peut y admirer entre autres plus de 150 moulages de divers spécimens de primates, dont l'Homo sapiens, et des crânes de cervidés et de chimpanzés. Le laboratoire possède également une collection d'ossements humains, dont une cinquantaine de crânes intacts ainsi que plusieurs autres os et fragments. Enfin, une soixantaine de crânes de macaques (collection personnelle du professeur Kenneth Jacobs, responsable du laboratoire) est accessible aux étudiants.

Un lieu macabre? "Certaines personnes se disent mal à l'aise lorsqu'elles viennent ici, admet Michel Chartier, mais grâce à ces ossements, ajoute-t-il, nous pouvons porter un regard sur le passé et mieux comprendre ce qui témoigne de la vie." Pour ce paléoprimatologue, la meilleure façon de savoir où l'on va, c'est d'abord de connaître d'où l'on vient. "Comme le dit un dicton, les gens qui ne connaissent pas leur histoire n'ont aucune idée de ce qui pourrait leur arriver dans le futur", signale-t-il.

Qu'est-ce que la paléoanthropologie?
Mais l'intérêt du laboratoire de paléontologie humaine et d'ostéologie ne s'arrête pas là. Il fournit aussi une foule de renseignements d'ordre pratique. "C'est un outil d'aide à l'enseignement et à la recherche, explique Michel Chartier. Il permet notamment aux étudiants de voir en trois dimensions les spécimens illustrés dans les livres et de mieux comprendre l'anatomie squelettique de notre espèce."

"De façon générale, explique l'étudiant, la paléoanthropologie est l'étude biologique des primates jusqu'à aujourd'hui. Par cette approche purement biologique, cette science complète l'archéologie, science qui cherche plus particulièrement à comprendre l'évolution et l'état présent de notre espèce à travers les restes matériels laissés par les sociétés."

Bref, il s'agit d'un vrai travail de bénédictin puisque, après avoir mis à jour les fragments enfouis dans la terre, toute une phase de travail en laboratoire reste à accomplir, dont un minutieux nettoyage à l'aide de pinceaux et d'aiguilles permettant de déloger les sédiments qui recouvrent les os. Pas étonnant que les ossements de dinosaures découverts dans le sud de l'Alberta en 1910 n'aient même pas encore été étudiés, souligne Michel Chartier, qui rêve d'un musée de paléontologie à Montréal.

Pour l'instant, ce projet hante les nuits d'une dizaine de personnes, dont Michel Bouchard, professeur de géologie à l'École Polytechnique. Et compte tenu de l'engouement croissant pour cette discipline, il est permis de rêver. En attendant, les intéressés peuvent toujours obtenir quelques frissons en se rendant au laboratoire de paléoanthropologie (local C-3041 du Pavillon 3150 Jean-Brillant).

Dominique Nancy