Sociologie et sociétés a 30 ans

Marcel Fournier dirige la revue qu'il qualifie d'institution.

"Les institutions ne meurent pas", répond le sociologue Marcel Fournier lorsqu'on évoque devant lui la disparition des revues savantes. Tout au plus est-il disposé à envisager la transformation de la revue qu'il dirige depuis quelques mois, Sociologie et sociétés, pour voir son édition sur papier perdre du terrain au profit de sa version électronique.

Et signe des temps, les Presses de l'Université de Montréal ont reçu des subventions spéciales pour propulser cette revue à l'avant-garde de l'édition électronique. Les archives ont été entièrement numérisées et peuvent être consultées avec une souris et un terminal. De plus, la dernière livraison de la revue, portant sur l'interdisciplinarité, était accessible gratuitement sur Internet avant que les abonnés reçoivent leur exemplaire. On peut donc s'attendre à ce qu'un certain nombre de lecteurs ne fassent imprimer, chez eux, qu'une partie de la publication plutôt que d'attendre leur reliure.

Mais tout cela n'est que forme. Lancée en 1969 par un professeur de l'Université de Montréal, Jacques Dofny, afin de concurrencer Recherches sociographiques, la revue Sociologie et sociétés voulait devenir une publication majeure dans la francophonie. Trente ans plus tard, ce but semble atteint.

"Sociologie et sociétés est une des revues les mieux cotées en sciences humaines, dit le professeur Fournier en feuilletant les deux premiers numéros, parus en 1969, qui présentaient des textes de Marcel Rioux et Alain Touraine notamment. Certains organismes subventionnaires canadiens ou québécois la considèrent comme la meilleure revue de sociologie."

Les ventes par numéro ont atteint 2000 exemplaires, ce qui est considérable en matière d'édition savante. Toujours publiée par le Département de sociologie de l'Université de Montréal, la revue est répertoriée par le Sociological Abstract et son comité de rédaction entretient des liens étroits avec l'Association internationale des sociologues de langue française. Plus de 30% des ventes sont d'ailleurs réalisées hors Québec, principalement en France, en Belgique et en Suisse.

"Il s'agit d'une revue universitaire, mais nous nous efforçons d'y aborder des sujets d'intérêt général. On peut parler d'une sorte de sociologie appliquée. Les prochains thèmes, par exemple, seront la science, le cyberespace et la toxicomanie", explique M. Fournier.

Certains numéros ont été particulièrement bien accueillis, notamment celui sur les femmes dans les années 1970 et, plus récemment, des numéros sur le sport et sur l'homosexualité.

Une stimulation intellectuelle
M. Fournier admet pourtant que la revue pourrait jouer un rôle plus actif dans la "dynamisation des débats" et dans la vie universitaire. C'est pourquoi, sous sa direction, les thèmes abordés feront l'objet de colloques qui souligneront les parutions.

Les 28 et 29 octobre, une rencontre sur le thème "Citoyenneté et identité sociale", célébrant le 30e anniversaire de la revue, aura lieu à l'Université de Montréal. Elle réunira des spécialistes du Québec, des États-Unis et d'Europe. Plusieurs anciens directeurs de la revue (Robert Sévigny, Louis Maheu, Nicole Laurin et Gilles Houle ont précédé M. Fournier à ce titre) seront présents. La conférence d'ouverture sera prononcée par Maurice Agulhon, du Collège de France, et le colloque comprendra trois parties: "Questions de théorie", "Citoyenneté et pluralisme culturel" et "Exclusion et participation". La coordination de l'événement est assurée par Roxane Bernier et l'entrée est libre.

"Les institutions ne meurent pas, reprend M. Fournier. Mais parfois, il faut bien les relancer..."

M.-R.S.