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Albert Adam, professeur de l'année au Canada

"Le premier devoir d'un universitaire, c'est de bien enseigner sa matière."

Albert Adam (à gauche) discute d'un protocole de recherche avec la technicienne Nicole Gervais (à l'avant-plan) sous les yeux des étudiants Patrick Leclair, Marie-Josée Dumoulin et Guiseppe Molinaro.

Il se lève à l'aube, avale un café noir et croque un morceau de chocolat tout en travaillant une heure ou deux avant de franchir, à pied, la distance qui sépare sa résidence à ville Mont-Royal de son laboratoire de biologie clinique de la Faculté de pharmacie. Et là, Albert Adam accomplit ce qui justifie sa raison d'être dans une université: il enseigne.

"Je me définis comme un professeur plutôt que de me considérer comme un chercheur, dit ce 'professeur de l'année au Canada', selon le prestigieux Council for Advancement and Support of Education, un organisme américain qui fait la promotion de l'éducation partout dans le monde. Bien sûr que je fais de la recherche. Elle n'est ni meilleure ni pire que celle de mes collègues, mais je crois que le premier devoir d'un universitaire, c'est de bien enseigner sa matière."

Albert Adam a gardé l'accent traînant et chaleureux de sa Wallonie natale, mais depuis qu'il s'est fait construire une maison "canadienne" en Estrie, depuis que ses enfants jouent au hockey et qu'il s'est lancé en affaires avec sa femme ("Les caprices de Marilou", confitures haut de gamme), il sent que ses racines sont de plus en plus profondes dans le Nouveau Monde. "Nous avons fermé boutique en Belgique en 1988 et nous sommes venus vivre ici. Pour la beauté de la nature et pour la qualité de vie. Nous ne l'avons jamais regretté."

M. Adam a emporté avec lui un petit côté vieille Europe qu'il ne cesse de chérir. "J'aime aller chercher mes chanterelles dans la forêt plutôt que les acheter au marché. J'aime voir les chevreuils gambader sur ma terre et aller à la chasse à la perdrix. Et comme tout bon Belge, j'ai un potager dans ma cour. Que voulez-vous, j'aime la bonne bouffe."

Son plus grand choc culturel? C'est quand il a constaté qu'aucun commerçant, dans son patelin, n'apprêtait le jambon salé fumé. Il s'est donc fait un plaisir d'initier un boucher de Sainte-Brigide à la salaison à la mode de Bastogne.

Un professeur apprécié
Sur les murs de son bureau, M. Adam n'a pas accroché son diplôme de doctorat en sciences biomédicales expérimentales de l'Université de Liège (portant la mention "Avec la plus grande distinction") mais le prix d'excellence en enseignement de l'Université de Montréal (1998) et les trois prix Rougier reçus en reconnaissance de ses qualités de professeur en sciences pharmaceutiques (1995, 1997 et 1999).

"C'est un professeur très stimulant. On sent qu'il n'est pas là seulement pour ses recherches, dit Patrick Leclair, qui poursuit une maîtrise sous la direction du professeur Adam. Je me souviens que, dans le cours 'Problèmes pharmaceutiques', au premier cycle, il nous encourageait à publier des textes dans des revues comme Québec Pharmacie. Ça nous donnait une première expérience de publication."

Pour Marie-Josée Dumoulin, Albert Adam est "exigeant mais juste". C'est également, à son avis, un homme "profond", "spirituel". "Il prend le temps de faire comprendre la matière, quitte à suspendre le cours afin d'animer une réflexion des étudiants sur le thème abordé", relate-t-elle.

"Je suis très intuitif dans mon approche, explique le pédagogue. Je suis très sensible à ce que les étudiants comprennent. Par exemple, si je me rends compte à l'examen qu'une proportion significative d'étudiants a mal réussi un chapitre, je m'efforce d'améliorer mes explications au groupe suivant."

Mais bien enseigner, c'est d'abord bien préparer son one man show. Pour un nouveau cours, il consacre jusqu'à 20 heures de préparation par heure de classe. Et il faut reprendre ce travail en profondeur chaque année. Bref, tout en étant un hédoniste, M. Adam admet qu'il travaille beaucoup.

Autre particularité appréciée des étudiants, M. Adam n'est pas un adepte des "questions à choix multiple". Ces "horreurs" ne sauraient aider les étudiants à bien exprimer leur pensée. Mais... corriger de tels examens prend du temps! "Oui, bien sûr. Eh bien le temps, on le prend."

La recherche sur les quinines
Lorsque le professeur Adam dit que ses travaux de recherche ne sont ni meilleurs ni pires que ceux des autres professeurs d'université, il se sous-estime. En réalité, son laboratoire a acquis une réputation internationale en ce qui concerne les quinines, une nouvelle classe de médicaments qui jouent un rôle dans l'insuffisance cardiaque et l'hypertension.

Un projet de recherche en cours porte d'ailleurs sur l'étude d'un médicament que s'apprête à lancer Bristol-Myers Squibb, le Vanlev, qui inhibe un enzyme important dans ces maladies. Lorsque le journaliste insiste sur les succès du chercheur Adam, celui-ci répond, presque gêné, qu'il est content de faire ce que les Américains appellent de la good science. Mais la lutte acharnée pour la gloire au panthéon de la recherche, très peu pour lui.

Il a d'ailleurs connu des années de vaches maigres à son arrivée en terre canadienne. Le financement de la recherche est différent de part et d'autre de l'Atlantique, et M. Adam s'est rendu compte que sa réputation d'outre-mer ne lui servait guère auprès des organismes canadiens. "Rétroactivement, je suis heureux d'être passé par ce purgatoire. Aujourd'hui, je suis reconnaissant envers mes collègues, qui n'ont jamais cessé de me soutenir."

On ne pourra pas reprocher au professeur de l'année de manquer de reconnaissance. Le photographe de Forum n'est jamais parvenu à croquer un gros plan d'Albert Adam. "Je tiens à figurer avec des étudiants. C'est grâce à eux si j'ai obtenu ce prix d'enseignement!"

Il a rendu également hommage à son maître aujourd'hui décédé, Jean Lecomte, professeur de physiologie à l'Université de Liège. En plus de lui avoir donné le feu sacré de la pédagogie, c'est lui qui a encouragé M. Adam à accepter l'offre de l'Université de Montréal en 1988.

Mathieu-Robert Sauvé


Un fonds créé par Albert Adam

François Lavoie et Farzad Ali, étudiants au doctorat à la Faculté de pharmacie, ont bénéficié cette année d'une bourse de 700$ pour aller assister à des congrès en Espagne et en Belgique. Ces bourses provenaient du fonds Québec- Wallonie, créé par M. Adam en 1991 afin de "favoriser les échanges scientifiques et humanitaires dans le milieu universitaire de la francophonie".

Mais comment un père de trois enfants qui n'est ni un président d'entreprise prospère ni un riche héritier en vient-il à verser 30 000$ dans un fonds de dotation? "J'avais organisé quelques congrès en Belgique et accumulé des surplus. Je n'ai pas de mérite. N'importe quel congrès bien administré se termine sur un solde positif. Cet argent n'était pas le mien. J'ai donc créé un fonds."

Le fonds Québec-Wallonie est destiné tout spécialement aux étudiants de la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal et à ceux de l'Institut de pharmacie de l'Université de Liège.

M.-R.S.


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