Line Grenier, qu'on voit ici entourée de Christine Rolland (étudiante au doctorat) et d'Isabelle Richer (étudiante à la maîtrise), s'ennuierait de l'enseignement si elle quittait la vie universitaire. Abandonnés dans les méandres de la méthodologie, ses étudiants s'ennuieraient aussi... |
"Bravo à la professeure qui est beaucoup plus intéressante que la matière qu'elle enseigne!" "Personnalité enjouée, Line donne le goût d'aller à son cours malgré le fait que la matière est très... méthodologique." "Le professeur réussit à bien faire passer une matière relativement ardue. Enseignement dynamique, offre un suivi personnalisé et très apprécié. Travail de session concret et donc intéressant. Bravo!"
Voilà quelques commentaires d'étudiants inscrits à un cours obligatoire du programme d'études de premier cycle en communication. Aussi bien le dire tout de suite: s'ils avaient eu le choix, la grande majorité de ces étudiants n'auraient pas suivi ce cours COM 1100, "Méthodologie de la recherche". Si Line Grenier pousse un soupir de soulagement à la lecture de tels propos, elle sait que le travail est à recommencer chaque trimestre. Chaque fois qu'elle se présente devant un nouveau groupe, rien n'est gagné d'avance...
"Pour les étudiants au premier cycle, ce cours est inutile, inintéressant, inapproprié, confie-t-elle le sourire aux lèvres. C'est pour moi un beau défi à relever. Je veux leur communiquer une partie de ma passion pour la recherche. Puis, je veux leur faire comprendre que la méthodologie leur sera toujours utile, peu importe leur cheminement ultérieur, peu importe les emplois qu'ils occuperont."
Sociologue et communicatrice
D'abord sociologue, Line Grenier s'est beaucoup intéressée
à la culture populaire, particulièrement à
la chanson québécoise. Elle a été
formée à l'Université de Montréal
avec les Marcel Rioux, Gilles Houle et autres figures marquantes
de l'histoire du Département de sociologie. Lorsqu'elle
a accepté un poste au Département de communication,
en 1991, elle n'a pas renoncé à cet axe de recherche
(elle prépare actuellement un livre sur le phénomène
Céline Dion), mais elle a compris que ce qu'elle aimait
le plus dans son travail d'universitaire, c'était... l'enseignement.
"À la suite d'une année sabbatique, c'est curieux, je me suis rendu compte que l'enseignement en classe était essentiel pour moi. C'est une chose que je ne peux pas "couper". C'est ce qui me fait rester dans cet établissement!"
Manifestement, cet enthousiasme est contagieux. Les étudiants du cours de méthodologie qu'elle donne depuis sa création, il y a cinq ans, l'ont souligné à maintes reprises dans leur évaluation. Et elle a également reçu des éloges des étudiants de troisième cycle. Par exemple, à la suite d'un séminaire de doctorat sur l'analyse de discours: "Professeure passionnée, maîtrise bien sa matière, ce qui donne le goût à chacun d'aller plus loin et de faire d'autres lectures complémentaires." Dans les commentaires généraux, on demande aux étudiants de suggérer des points à améliorer. L'un d'entre eux répond:"Aucun, sinon que j'aimerais suivre ce cours encore une fois!"
Cette compétence lui a valu le prix Orange du meilleur professeur du Département en 1996, puis, en 1999, le Prix d'excellence en enseignement de l'Université de Montréal dans la catégorie des professeurs agrégés. Ce prix, assorti d'une bourse de 10 000$, exprime "la reconnaissance d'une contribution exceptionnelle à l'enseignement". Il est décerné par le vice-rectorat à l'enseignement de premier cycle et à la formation continue dans quatre catégories: professeurs titulaires, professeurs agrégés, professeurs adjoints et chargés de cours.
"Je suis très flattée d'être ainsi reconnue par mes pairs, dit Mme Grenier. C'est très positif de voir que l'énergie investie dans l'élaboration et la présentation des cours est valorisée par l'Université. Mais je dois dire que là où cette reconnaissance est la plus encourageante, c'est quand elle vient des étudiants eux-mêmes."
De bonnes conditions d'enseignement
Cela dit, Mme Grenier déplore que l'enseignement universitaire
ne soit pas plus soutenu dans la vie de tous les jours. "Donner
des prix, c'est bien, mais la qualité de l'enseignement,
ça passe aussi par des locaux adéquats, du matériel
convenable, des groupes qui ne sont pas excessifs..."
À titre d'exemple, elle relate qu'à son arrivée au Département de communication une "grosse classe" comptait 60 étudiants. "Aujourd'hui, 60 étudiants, c'est tout juste la moyenne. Une grosse classe, c'est 80 ou 90 personnes. Je donne mon premier cours demain, dit-elle. Il y a 74 inscriptions."
Devant elle, une liste des cours de premier cycle est affichée. Elle peut y lire le nombre d'étudiants qui se présenteront dans différents locaux: 78 ici; là, 72. Dans un autre local, 82 étudiants assisteront au cours, puis 93, 89, 71... "On ne fait pas avec 80 étudiants par classe ce qu'on fait avec 30, déplore la sociologue. À cause des corrections, les professeurs sont tentés de préférer les examens à choix multiple aux dissertations individuelles. Mais vous savez, la méthodologie, ça se prête moins aux examens objectifs."
Dans ses cours, Mme Grenier privilégie le travail d'équipe. Dans sa classe, de 15 à 18 équipes constituées de quatre ou cinq étudiants sont formées afin de mener différents projets qui exigeront trois ou quatre rencontres avec la professeure. Cela exige d'elle une grande disponibilité. "Je ne rencontre pas les étudiants la fin de semaine, mais mes heures de dîner y passent et mes journées finissent souvent à 19 h 30. La disponibilité du professeur, c'est important. On ne peut pas limiter nos rencontres à un ou deux avant-midi par semaine."
Femme totalement dévouée à son travail, Mme Grenier reconnaît qu'elle n'a pas un ou deux enfants qui l'attendent à la garderie ou à la maternelle. Elle avoue toutefois avoir un "petit côté missionnaire" qu'elle attribue en partie au manque de ressources. "Je n'accepte pas de baisser les bras en disant que nous n'avons pas les moyens d'en faire plus."
Cela dit, le Département de communication est en pleine expansion et semble même connaître une période de croissance, souligne- t-elle. Actuellement, seulement 12 professeurs réguliers assurent quatre programmes de premier cycle, un programme de maîtrise et un programme de doctorat (en collaboration avec une autre université). "C'est le minimum vital", dit Mme Grenier.
Mais elle admet du même souffle qu'il ne faut pas se plaindre de connaître une telle affluence alors que d'autres programmes d'études disparaissent, faute d'intéressés.
Mathieu-Robert Sauvé