FORUM - 17 AVRIL 2000

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HEC: création d'un laboratoire de calcul en finance et en assurance

L'École des HEC obtient un financement de 3,3 millions pour réaliser ce projet.

Selon Georges Dionne, titulaire de la Chaire de gestion des risques, et Robert Gagné, directeur du LACFAS, le Laboratoire est appelé à devenir un centre de recherche.

Afin d'estimer combien de vies la ceinture de sécurité a sauvées au Québec, François Bellavance a besoin d'ordinateurs très puissants. C'est que son projet de recherche nécessite la création d'une importante base de données et une gestion complexe. Faute de moyens technologiques, son étude est sur la glace.

Heureusement, le professeur de l'École des Hautes Études Commerciales (HEC) pourra dès l'automne 2000 lancer son projet. Il n'est pas le seul. Vingt-deux autres chercheurs, dont les activités de recherche sont axées sur le calcul en finance et en assurance, auront aussi accès à des serveurs et à des ordinateurs de haute performance.

C'est grâce à l'obtention d'un financement de 3,3 millions de dollars de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), du ministère de l'Éducation du Québec, de SUN Microsystèmes et de Cisco Systems que l'École des HEC mettra sur pied le Laboratoire de calcul en finance et assurance (LACFAS). L'acronyme n'est pas tout à fait un hasard. Il s'agit d'un clin d'oeil au professeur Georges Dionne, lauréat du prix Marcel-Vincent, attribué l'année dernière par l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS).

Le professeur de finance, de réputation mondiale, a été le premier à appliquer les concepts et les modèles issus de l'économie de l'information aux données de l'assurance. À l'origine de l'idée du Laboratoire, Georges Dionne a préparé, avec la collaboration de trois professeurs des HEC (Robert Gagné, Patrick Soriano et Narjess Boubakri), la demande de fonds FCI.

Caractéristiques du Laboratoire
"Le Laboratoire sera doté d'appareils reliés par fibre optique au Réseau québécois de calcul haute performance par le biais du Centre de recherche sur les transports de l'Université de Montréal, explique Georges Dionne, titulaire de la Chaire de gestion des risques. Les membres, qui proviennent de quatre services d'enseignement (finance, Institut d'économétrie appliquée, méthodes quantitatives et sciences comptables), pourront travailler en parallèle puisque le serveur principal comptera 32 processeurs et 1 unité de stockage de données de haute capacité. En matière de performance, le LACFAS deviendra ainsi le numéro deux en Amérique du Nord, derrière le laboratoire de l'Université du Texas."

Mais le rôle de ce laboratoire ne se limitera pas qu'à donner accès à des serveurs et à des ordinateurs qui permettent le calcul à performance élevée. Une part du budget, soit environ 300 000$, permettra l'achat des bases de données Compustat, DataStream, TSE-Western (indice boursier canadien), etc. Ces bases de données sont très populaires auprès des chercheurs, signale le directeur du LACFAS, Robert Gagné. Les nouveaux professeurs les considèrent même comme un critère lorsque vient le temps de signer le contrat d'embauche.

"Afin d'assurer une meilleure gestion de l'infrastructure et des données à long terme, deux gestionnaires seront recrutés, indique Georges Dionne. La première année, leur salaire sera payé par le Laboratoire. Une fois la phase d'implantation terminée, la direction de l'École assumera les salaires des deux professionnels et une partie des frais de mise à jour des données. En revanche, le directeur du LACFAS et les chercheurs géreront eux-mêmes leurs fonds de recherche. Nous croyons que le Laboratoire s'autofinancera à moyen terme."

Le LACFAS a d'ailleurs son premier client: l'Institut de finance mathématique de Montréal (IFMM), créé par le ministre des Finances Bernard Landry. L'IFMM paiera 50 000$ par année pour accéder aux bases de données. Outre la vente de services aux universités et aux centres de recherche, les projets de recherche du LACFAS deviendront eux aussi une source de revenus, fait valoir le professeur Robert Gagné.

Quelques exemples de projets
En collaboration avec la Société de l'assurance automobile du Québec, Georges Dionne veut élaborer une formule de tarification de l'assurance des parcs de véhicules. Le défi: offrir des mesures incitatives à la fois aux propriétaires et aux conducteurs. Pour y parvenir, le chercheur a besoin de traiter les données de 140 000 véhicules sur 10 ans.

"Pour l'instant, dit-il, le traitement des données est fragmenté, car les ordinateurs disponibles ne sont pas assez puissants pour gérer la base de données et pour effectuer les calculs."

Une autre étude, menée par les professeurs Dionne et Gagné, en collaboration avec un chercheur de Statistique Canada, vise à déterminer la productivité des assureurs. L'objectif est de quantifier divers aspects des coûts des assureurs canadiens en intégrant leurs activités financières dans la construction de l'indice de productivité. La méthode privilégiée par les chercheurs est celle de l'optimisation non linéaire. Le hic? Avec le matériel actuel et l'énorme volume des bases de données, le temps de calcul peut s'étendre au-delà de un mois.

Kodjovi Assoé, professeur au Département de finance, utilise de grosses bases de données dans la réalisation de son projet financier. Sa recherche, axée sur l'analyse des transactions et de la performance des investisseurs individuels sur le marché boursier canadien, requiert aussi des capacités de calcul imposantes. Toutes les transactions (près de 35 000 ménages canadiens) doivent être examinées pendant une période d'au moins cinq ans.

Au total, le Laboratoire compte actuellement 23 projets reliés à l'assurance ou à la finance. Outre les professeurs et leurs étudiants diplômés qui font partie du groupe, d'autres chercheurs pourront aussi utiliser les appareils, les données ainsi que le personnel selon des ententes avec la direction du LACFAS, souligne Robert Gagné. Ces chercheurs pourront accéder aux systèmes d'exploitation et de compilation à partir des postes de travail qui seront regroupés dans un local à l'École des HEC.

"L'infrastructure permettra entre autres d'améliorer de façon significative la qualité de la formation des étudiants et de recruter de jeunes professeurs motivés par la recherche quantitative en finance et en assurance, signale Georges Dionne. D'ailleurs, à la suite de l'obtention de ce financement, nous comptons participer prochainement au concours FCI-fonds de relève."

Dominique Nancy



Des contrats d'assurance qui incitent à la fraude

"Les compagnies d'assurances sont des voleuses!" Voilà l'opinion qu'ont plusieurs Québécois des assureurs. Cette perception amène certaines personnes à frauder. Mais le problème de la fraude à l'assurance ne se limite pas qu'à la moralité des propriétaires d'automobiles.

"Certaines caractéristiques des contrats d'assurance incitent à la fraude, déclare Georges Dionne, professeur au Département de finance de l'École des HEC. Le cas de la protection contre la dépréciation en est un bon exemple. Un assuré qui profite de la protection 'valeur à neuf' risque davantage d'être victime d'un vol lorsque cette protection arrive à échéance."

Selon lui, les résultats économétriques de la recherche, menée conjointement avec le professeur Robert Gagné, de l'Institut d'économétrie appliquée (École des HEC), permettent d'associer ce phénomène à de la fraude à l'assurance opportuniste. Il ne s'agit pas de négligence de la part des propriétaires, précise M. Dionne, puisque les véhicules se font davantage voler au cours des six derniers mois de la protection.

Pourquoi les compagnies d'assurances ne luttent-elles pas contre la fraude à l'assurance? Les assureurs n'ont pas intérêt à le faire, répond Robert Gagné, car les prix sont réglementés en fonction du pourcentage des réclamations. "À la fin de l'année, si les vols ont augmenté de 10%, les assureurs vont tout simplement faire payer tout le monde en conséquence!" Résultat? Ce sont les honnêtes consommateurs qui payent pour les fraudeurs.

Autre zone d'ombre: si les primes montent trop, le marché peut tomber. "La fraude, ce n'est pas un problème de compagnie d'assurances, mais plutôt un problème d'industrie. On doit mettre en place des mécanismes d'industrie", conclut Georges Dionne.

Cette problématique de la fraude à l'assurance est présentée dans Handbook of Insurance (sous la direction du professeur Dionne), publié prochainement aux éditions Kluwer Academic Press. Présenté comme l'ouvrage de référence en assurance, le livre comprend 28 chapitres écrits par autant de spécialistes du domaine. Georges Dionne en signe deux.

D.N.


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