FORUM - 17 AVRIL 2000Moratoire de cinq ans sur les OGM et étiquetage obligatoireAinsi en a-t-on décidé au cours d'une simulation d'audience publique sur la question.
Il y aura un moratoire de cinq ans sur l'utilisation des plantes qui ont reçu un gène de résistance aux insectes, et l'étiquetage des denrées contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM) devra obligatoirement indiquer la nature de ces produits. C'est du moins la décision que Daniel Matton et Pierre Corradini, qui siègent à la Commission de l'aménagement du Québec, ont rendue après avoir entendu en audience publique les représentants d'organismes pour et contre les OGM. Selon M. Matton, l'approche transgénique n'est pas au point en ce qui concerne les insecticides et le moratoire devrait permettre de nouvelles percées scientifiques qui rendront la technologie moins hasardeuse pour l'écologie. "La première génération de plantes transgéniques n'est pas assez ciblée, a dit le chercheur de l'Institut de recherche en biologie végétale (IRBV). Si l'on veut s'attaquer à une coccinelle qui mange les feuilles, l'insecticide ne doit pas se retrouver dans la tige, les racines, le pollen..." Également, les commissaires ont retenu la suggestion de rendre obligatoire l'étiquetage des produits issus d'OGM, mais ils ont décidé d'imposer aussi l'étiquetage des produits ayant reçu des doses d'insecticides "traditionnels", qui peuvent être beaucoup plus dangereux pour la santé humaine. L'an dernier, a rappelé le phytogénéticien à Forum en marge de la séance, une municipalité des Cantons-de-l'Est a suggéré aux habitants de nettoyer les jouets des enfants après que les agriculteurs eurent procédé aux épandages dans les champs voisins. "Il y a un mythe qui veut que les OGM soient par définition dangereux", a lancé M. Matton. Simulation réussie "Tôt ou tard durant leur carrière, les biologistes sont amenés à représenter des organismes à des audiences publiques devant un commissaire. La simulation que j'organise leur donne une expérience qui leur sera utile le moment venu", explique l'ancien conservateur du Jardin botanique de Montréal. Lors de la formation des équipes, les étudiants ne choisissent pas leur camp; c'est le hasard qui décide. Ainsi les membres d'Environnement bien-être, financé par "Sanmonto" pour prôner l'utilisation des semences modifiées génétiquement, n'étaient pas nécessairement des étudiants favorables aux multinationales biotechnologiques. Et l'organisme qui leur faisait face n'étaient pas obligatoirement composé d'étudiants écologistes militants. Cet élément est important, car, comme le note M. Bouchard, le biologiste doit parfois mettre ses convictions de côté lorsqu'il parle au nom de l'entreprise qui l'emploie... Quatre équipes ont été formées et les audiences se sont déroulées en deux temps, les 29 mars et 5 avril. Le premier volet a porté sur les herbicides et le second, sur les insecticides. Les commissaires ont rendu des jugements très différents d'une semaine à l'autre. La première décision a été nettement favorable aux entreprises de biotechnologie, alors que la seconde est allée dans le sens des volontés des écologistes. "Tout dépend de la façon dont les gens présentent leur dossier, commente M. Bouchard. Les commissaires doivent juger d'après ce qui leur est présenté. On a remarqué que le groupe Environnement nature a eu une approche plutôt conciliante même s'il s'opposait aux OGM. Cela l'a sans doute aidé, car les arguments extrémistes sont souvent rejetés par les commissaires. C'est un piège qui guette de nombreux écologistes." Deux plaideurs convaincants Mais Simon Joly est resté imperturbable. "Les OGM ne représentent aucun danger, a-t-il dit. Le principe de précaution est donc inutile." Selon lui, les médias se sont emportés contre les OGM et n'ont jamais parlé des effets positifs des plantes modifiées génétiquement. La semence dite "terminator" par exemple, qui donne des graines stériles, présente l'avantage de limiter à une génération le risque de flux génique. Aux lourdeurs du principe de précaution, adopté par 138 pays "en l'absence de preuves scientifiques valables", Sanmonto préférerait de loin un comité de biovigilance, formé de gens de différentes provenances. Alexandre Parent a répliqué que des doutes subsistaient quant à l'innocuité des OGM. D'ailleurs, les entreprises elles-mêmes conseillent d'installer des zones tampons entre les champs d'OGM et les autres. La plantation d'une haie de cèdres de 50 m pour bloquer la dispersion des pollens est avancée comme une solution par Environnement bien-être. "Qui paiera si cela ne fonctionne pas? a demandé M. Parent. Est-ce Sanmonto? L'agriculteur OGM? L'agriculteur ayant semé des graines biologiques? L'État?" Mathieu-Robert Sauvé |