FORUM - 24
JANVIER 2000
Les enfants ont aussi la migraine
Il existe plusieurs types de céphalées et
autant de traitements, explique le Dr Larbrisseau.
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La migraine ne doit pas être considérée
comme une fatalité avec laquelle il faut apprendre à
vivre, soutient le Dr Albert Larbrisseau. Il existe de nos jours
des médicaments efficaces qui permettent, sinon de guérir
définitivement, du moins d'alléger les douleurs. |
La migraine affecte, à des degrés
divers, plus de un million de Québécois, dont 70%
sont des femmes. Mais les adultes n'ont pas le monopole des céphalées.
Au Québec, cette maladie héréditaire assaille
près de 150 000 jeunes et leurs maux de tête
sont souvent plus complexes que ceux des adultes.
"Certains syndromes migraineux sont propres
aux enfants. L'indication d'un traitement, analgésique
ou préventif, dépend de l'intensité, de
la fréquence ou de la complexité de la migraine",
déclare le Dr Albert Larbrisseau, pédiatre-neurologue
à l'hôpital Sainte-Justine et professeur de clinique
au Département de pédiatrie.
Malgré la médication, 20% des
personnes sujettes aux migraines sont incapables de poursuivre
leurs activités normales, car la douleur est telle qu'elles
doivent s'aliter. D'après la Fondation québécoise
de la migraine et des céphalées, les coûts
de l'absentéisme au travail, dû à la migraine,
sont estimés annuellement à près de 200
millions de dollars. La migraine de l'enfant est aussi un problème
relativement fréquent: le nombre annuel moyen de jours
d'absence scolaire est de 3,3 contre 4,6 pour l'asthme, rapporte
le Dr Larbrisseau. "Et ces statistiques sont très
conservatrices", estime-t-il.
Le neurologue ne prend pas à la légère
les symptômes de la migraine, mais il tient à dédramatiser
l'anxiété des parents, qui craignent toujours le
pire. "Toutes les céphalées ne sont pas des
migraines. Et la majorité des migraines ne sont pas causées
par la présence d'un processus expansif intracrânien
telle une tumeur cérébrale. À l'hôpital
Sainte-Justine, nous traitons environ 25 cas de tumeurs par année."
Le stress affecte aussi les enfants
La migraine fait partie des céphalées dites primaires,
par opposition aux céphalées secondaires causées
par exemple par une sinusite, une méningite ou encore
une rupture intracrânienne. Le côté bénin
de la migraine ne diminue en rien l'intensité des douleurs.
Une illustration éloquente figure sur un des murs du bureau
du Dr Larbrisseau. Le dessin, réalisé par une enfant
souffrant de migraine, représente un marteau qui frappe
le crâne d'une fillette en pleurs. D'autres jeunes victimes
de la migraine comparent la douleur à des battements de
tambour dans la tête.
Quels sont les facteurs qui peuvent provoquer
une crise de migraine? "Les mécanismes à l'origine
des migraines sont complexes et plusieurs hypothèses physio-pathologiques
sont discutées, répond le Dr Larbrisseau. L'étiologie
montre une incidence génétique, car nous retrouvons
des antécédents familiaux dans plus de 90% des
cas. Cependant, la prédisposition génétique
n'explique pas tout. Le stress, les fluctuations hormonales,
la fatigue, les troubles du sommeil, le climat, le jeûne
et certains aliments (chocolat, additifs artificiels, cola, vin
rouge, etc.) figurent au nombre des facteurs pouvant précipiter
la migraine."
Chez les jeunes, le stress est un élément
important. Une forme de migraine courante chez l'enfant consiste
en une céphalée de type tensionnel. "Elle
est caractérisée par une douleur ressentie sous
la forme d'un bandeau serré autour de la tête ou
par une douleur localisée derrière la tête.
Avec la céphalée tensionnelle, il n'y a ni nausées,
ni vomissements, ni photophobie (sensibilité à
la lumière) ou sonophobie (sensibilité au bruit).
Mais la douleur peut persister pendant des semaines, des mois,
voire des années", écrit le spécialiste
dans un article publié dans la revue Le Clinicien.
"Il faut être à l'affût
de certaines situations stressantes auxquelles l'enfant peut
être soumis, comme la violence physique, les agressions
sexuelles, les difficultés scolaires ou les tensions diverses",
souligne le Dr Larbrisseau.
Traitement pharmacologique?
Il existe plusieurs autres formes de migraines. Selon la classification
de l'International Headache Society, les céphalées
se divisent en 13 catégories et comptent chacune de nombreuses
sous-catégories.
Certaines migraines observées chez
l'enfant sont semblables à celles des adultes. C'est notamment
le cas des migraines dites communes et classiques. "La douleur
est alors pulsatile et la plupart du temps concentrée
sur un seul côté de la tête. Les symptômes
qui accompagnent ces migraines incluent des nausées, des
vomissements ainsi qu'une sensibilité à la lumière
et au bruit. Les cas les plus graves sont précédés
de troubles visuels, pouvant aller jusqu'à une cécité
temporaire, ou d'autres symptômes neurologiques déficitaires
qui disparaissent lorsque la migraine s'installe. Ce phénomène
dure en moyenne 30 minutes", note le Dr Larbrisseau.
En général, la première
intervention du pédiatre-neurologue consiste en des mesures
non pharmacologiques. La reconnaissance et l'élimination
des facteurs déclencheurs amènent souvent l'apaisement
des maux de tête. "Dans les cas chroniques, lorsque
les migraines sont récurrentes et compliquées et
que la fréquence dépasse quatre ou cinq fois par
mois, il est toutefois justifié de prescrire un traitement
préventif comme des neuroleptiques ou des bloqueurs calciques
par exemple. Ces médicaments sont très efficaces
dans la prévention de la migraine de l'enfant, fait valoir
le spécialiste. Mais il faut cependant prévoir
un sevrage progressif du médicament."
Dominique Nancy
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