FORUM - 24
JANVIER 2000
Duchesses, kidnapping et événements sportifs:
vive le carnaval!
La Division des archives relate les carnavals étudiants,
qui fêtent leurs
40 ans cette année.
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En 1964, la bière Dow commandite le carnaval de
l'Association générale des étudiants de
l'Université de Montréal (à gauche). Activités
à l'horaire : "sleigh ride" dans la montagne,
défilé des duchesses dans les rues d'Outremont
et couronnement de la Reine du carnaval au cours d'une soirée
au Centre social. Autres temps, autres moeurs: en 1992, le Party
super-scandale de la FAECUM (à droite) promet un grand
prix à celui ou celle qui revêtira la tenue la plus
scandaleuse.
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"Haut les mains et ne bougez plus!"
lance le chef de police aux 24 étudiants de l'Université
de Montréal qui viennent de s'emparer du canon placé
devant l'hôtel de ville d'Outremont. Pourtant, les joyeux
lurons avaient annoncé leur intention et la façade
avait été placée sous surveillance constante.
Mais les étudiants ont profité du changement de
garde pour voler en 10 minutes la pièce d'artillerie de
quelque 815 kilos.
Le premier carnaval de l'Association générale
des étudiants de l'Université de Montréal
(AGEUM), en février 1961, est lancé. La mode, à
l'époque, est au "concours de prises", consistant
à s'emparer d'un objet hétéroclite ou spectaculaire.
Pourtant, ce premier carnaval veut respecter
un "esprit universitaire", comme le souligne le journal
étudiant Le Quartier latin du 7 février
1961. "Il faut agir en universitaires, qui sont capables
de faire des coups pendables, bien sûr, mais aussi de participer
à l'occasion d'un carnaval à des activités
intellectuelles qui doivent nous intéresser", peut-on
lire.
Côté intellectuel, en 1961, le
père Sablon ou Marcel-Marie de La Sablonnière,
accompagné de Gérald Simon, entretiennent les étudiants
de "l'éducation et la santé dans le sport".
Des coups pendables, ça, il y en a.
En 1962, les étudiants s'emparent du fauteuil du maire
de Montréal, Jean Drapeau, au conseil municipal. En 1966,
de nombreux vols sont signalés. Celui qui retient le plus
l'attention, c'est la disparition des 40 chandails des joueurs
des Red Wings de Detroit. Les étudiants rendent public
leur méfait le jour même du match contre le Canadien,
au Forum de Montréal. Cinq étudiants qui ont sauté
sur la glace vêtus des chandails volés sont arrêtés
par les policiers. Trente-trois étudiants seront accusés
de recel. La plainte sera retirée par la suite.
D'autres volent un ours au Jardin des merveilles
du parc Lafontaine! Puis, nouveau coup de théâtre,
Michelle Tisseyre, Miss Radio-Télévision, est kidnappée
sous les yeux des téléspectateurs pendant l'émission
Aujourd'hui, de Wilfrid Lemoyne.
Chars allégoriques et duchesses
Le carnaval étudiant ne comprend pas uniquement les prises.
Pendant quatre jours, les activités se succèdent.
Il débute avec le défilé de "chars
allégoriques", qui sont simplement des autos ou toute
autre forme de véhicule. Le départ se fait du Château
de glace. Certaines années, trois danses en quatre jours
sont organisées. Elles se déroulent aux trois étages
du Centre social avec un orchestre par étage.
Un carnaval ne serait pas un carnaval sans
ses duchesses. Leur rôle consiste à "semer
sur le campus une atmosphère de gaieté et d'enthousiasme".
Toutes les facultés, écoles et écoles affiliées
peuvent présenter des duchesses. Le nombre varie entre
cinq et huit. L'élection de la Reine se fait à
la clôture du carnaval. En 1963, les duchesses sont présentées
à l'émission Télé-Métropole
au canal 10. Elles sont habillées au cours de leur campagne
par différents couturiers montréalais.
En 1966, les étudiants décident
de verser les profits de la vente des produits du carnaval au
Programme d'action internationale de l'Entraide universitaire
mondiale du Canada. On souligne dans le journal étudiant
l'importance d'ajouter aux activités un "aspect humanitaire
de solidarité internationale universitaire".
Sur le plan artistique, les étudiants
sont bien de leur temps. Les spectacles des carnavals 1966 et
1967 présentent les Pauline Julien, Renée Claude,
Stéphane Venne, Pierre Calvé, les Cyniques, les
Gogo Girls de l'émission Jeunesse oblige de Radio-Canada
et plusieurs autres artistes populaires. Robert Charlebois composera
même la chanson thème du carnaval de 1966.
L'année 1969 voit un changement radical
dans le mouvement étudiant. Les jeunes universitaires
sont de plus en plus politisés, et le mouvement syndical
est en pleine ébullition. Le Quartier latin, qui
imprime maintenant sa page couverture en couleurs, ne comprend
que des articles à caractère politique. Le carnaval
est une chose oubliée dans ses pages.
L'AGEUM a été dissoute le 28
février 1969 et la Fédération des associations
étudiantes du campus de l'Université de Montréal
(FAECUM) a été créée le 31 octobre
1976. Entre les deux dates, le carnaval étudiant a été
organisé par les associations "fortes". Le carnaval
du 3 février 1978, premier de la FAECUM, se résume
à une journée où "les étudiants
seront appelés à fraterniser ensemble et à
partager leur expérience".
En 1992, une affiche parue dans le journal
étudiant incite les étudiants à participer
au carnaval. Des spectacles sont au programme, ainsi que des
tournois sportifs: ballon-balai, water-polo sur tubes, etc. On
parodie des émissions télévisées
populaires et la Ligue nationale d'improvisation (1996). De tout
temps, les partys ont été à la mode: party
deux étages, party trois étages et situation sociale
oblige, party sex-o-latex (1996).
Cette année, le carnaval étudiant
de l'Université de Montréal aura lieu du 26 janvier
au 3 février. Il entrera ensuite dans l'histoire.
Denis Plante
Division des archives
Sources: Le Quartier latin, 1920-1970, vol. 54, 55, 56;
Continuum, Quartier libre et Université de Montréal.
Division des archives. Fonds AGEUM (P33).
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