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Vient de paraître


Bioéthique et Théologiques

L'invention du respirateur artificiel, dans les années 1950, a mené un médecin autrichien à écrire au pape Pie XII pour lui demander conseil sur les limites du maintien artificiel de la vie. Le pape lui a répondu "en confirmant le sérieux de ses questions et en regrettant de ne pas pouvoir y répondre clairement".

C'est ce que relate Hubert Doucet dans le liminaire du numéro spécial de la revue Théologiques, consacré aux 30 ans de la bioéthique. Pour le professeur aux facultés de Théologie et de Médecine, cet événement ne marque pourtant pas la naissance de la bioéthique même s'il préfigurait les questions difficiles que l'acharnement thérapeutique soulèverait. C'est à partir de 1966 que la véritable percée a eu lieu.

Trente ans, c'est donc l'âge de la bioéthique institutionnalisée. C'est l'âge de la crise de croissance, aussi, comme le laisse entendre l'article de Susan Sherwin, professeure au Département de philosophie de l'Université Dalhousie. Selon elle, la réflexion bioéthique a oublié au passage les inégalités basées sur le sexe en s'attaquant aux concepts de justice et d'autonomie. Un exemple: choisir la prolongation de la vie pour des raisons morales, c'est bien, mais s'attarde-t-on au fait que ce sont souvent les femmes au foyer qui prendront soin des moribonds?

D'un autre côté, "les féministes sont particulièrement conscientes que les vies des opprimés sont dévaluées dans la société, ce qui les rend vulnérables à toute politique libérale d'euthanasie", écrit Mme Sherwin dans le plus intéressant texte de ce numéro. En effet, il semble que l'approche féministe de la bioéthique soit peu exploitée par les intellectuels d'expression française.

Guy Durand s'attaque à l'étymologie du mot et répond à des questions telle "La bioéthique est-elle de l'éthique appliquée?" tandis que Michel Bergeron, étudiant au doctorat en bioéthique, dresse le bilan des activités 30 ans plus tard. Il s'attarde particulièrement à l'Énoncé de politique sur l'éthique de la recherche avec des êtres humains, qui vient d'être publié par le CRSH, le CRM et le CRSNG. Un bilan qui, cependant, n'apprend pas grand-chose au lecteur familiarisé avec ces questions.

M.-R.S.


Hubert Doucet et coll., Théologiques, vol. 7/1,Trente ans de bioéthique, printemps 1999, 112 pages.


Dans la peau du Poète en sursis

Après l'annonce de ma mort, voici l'annonce de ma vie... Seulement ma mort est définitive; ma vie, elle, est passagère. Je la prends quand elle passe."

Ainsi Hector de Saint-Denys Garneau exprime-t-il son émotion à la vue de Chartres, en 1937, alors qu'il souffre d'un puissant spleen, digne d'un poète maudit. L'anecdote est relatée par André Brochu, du Département d'études françaises, dans une biographie du poète qui vient de paraître chez XYZ éditeur dans la collection Les grandes figures et intitulée Le poète en sursis.

Dès les premières pages, le lecteur est saisi par l'émotion d'un adolescent exalté qui va quérir un prix de 25$ remporté pour un poème sur le... brontosaure. Puis, jusqu'à sa mort étrange, survenue sur les rives de la rivière Jacques-Cartier alors qu'il n'avait que 31 ans, il suit les errements du poète inspiré par la foi et torturé par le désir. Deux thèmes chers à l'oeuvre de Brochu lui-même.

La collection qui accueille l'ouvrage de M. Brochu permet la fantaisie romanesque sans renoncer à la rigueur documentaire. Cela a donné au biographe l'occasion d'expérimenter un genre peu usité chez les universitaires. Un genre où le narrateur ose s'exprimer à la première personne. "C'est l'un des livres que j'ai pris le plus de plaisir à écrire, signale M. Brochu. Il m'a permis de concilier la création et la critique littéraire."

Évidemment, poursuit le professeur honoraire de l'Université de Montréal, la biographie intellectuelle de Hector de Saint-Denys Garneau reste à faire. Un travail comparable à celui que François Ricard a accompli pour Gabrielle Roy. "Mais ne comptez pas sur moi!"

Premier poète moderne
À défaut d'une telle somme, Le poète en sursis, 23e titre de la collection, se lit en quelques heures. On y côtoie les fondateurs de La relève, Jean Lemoyne, Robert Élie, Paul Beaulieu. On y apprend que Saint-Denys Garneau était un ami d'André Laurendeau, cousin d'Anne Hébert, et qu'il était aquarelliste à ses heures.

Ce que M. Brochu appelle une "fantaisie biographique" de Saint-Denys Garneau donne en tout cas l'occasion aux lecteurs peu familiarisés avec l'histoire des lettres québécoises de mieux connaître le premier poète à avoir adopté le vers libre, ouvrant la voie à la poésie moderne. Le jeune homme n'aura publié qu'un livre dans sa vie: Regards et jeux dans l'espace, grâce à une contribution financière de ses parents. Sensible aux critiques, l'auteur regrettera son geste au point de retirer lui-même des rayons des librairies tous les exemplaires de ce premier recueil...

Le biographe laisse une place au critique littéraire vers la fin de l'ouvrage et dans la postface, alors qu'il écrit que Saint-Denys Garneau est l'une des figures les plus remarquables de notre littérature. "Ce phare dans la nuit, Saint-Denys ne le connut pas, mourut sans même l'imaginer. Voilà l'aspect le plus terrible de son destin. Il est celui de plusieurs grands écrivains, tel Stendhal, dont on ne reconnut l'importance que cinquante ans après sa mort [...]. Le doute a constamment marqué la relation de Garneau avec son oeuvre, mais c'est aussi par le doute qu'il est moderne et qu'il nous rejoint."

Mathieu-Robert Sauvé

André Brochu, Saint-Denys Garneau, le poète en sursis, coll. Les grandes figures, Montréal, XYZ éditeur, 1999, 208 pages, 15,95$.


L'incontournable "affaire Sokal"

Trois ans plus tard, le canular du physicien Alan Sokal fait encore jaser. Serge Larivée, directeur de la Revue canadienne de psycho-éducation, y consacre en effet un long éditorial dans la dernière livraison de la revue (vol. 28, no1, 1999).

"Le débat sous-jacent à l'affaire Sokal reste éminemment grave et se révèle de plus en plus incontournable", écrit-il. L'intention du professeur est d'alerter les intervenants de son milieu face aux abus de langage qu'on retrouve dans des ouvrages les concernant.

Après un rappel des faits et une analyse des réactions entourant la publication du texte délibérément "absurde, hilarant, sans queue ni tête" de Sokal - dont le titre, Transgresser les frontières: vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique, révèle les prétentions pompeuses du postmodernisme -, Serge Larivée développe notamment sa réflexion sur les questions épistémologiques soulevées par l'affaire ainsi que sur le relativisme cognitif.

Du côté de l'épistémologie, le spécialiste de la fraude scientifique établit les distinctions à faire entre les métaphores issues de l'emprunt de concepts à une autre discipline, et l'usage abusif de concepts étrangers qui ne font souvent que camoufler l'ignorance. L'analogie n'ayant rien de condamnable en sciences, il donne comme exemple l'usage qu'il fait lui-même de la "métaphore évolutionniste" dans ses travaux sur l'intelligence.

Comme la théorie de l'évolution ne se prête guère au critère de réfutabilité de Popper, Serge Larivée en profite au passage pour indiquer comment Popper a résolu son dilemme par rapport au darwinisme, qui est "à la fois réfutable et pourtant scientifique".

Serge Larivée s'insurge ainsi contre ceux qui prétendent, comme les intellectuels victimes de Sokal, que "la science n'est rien d'autre qu'une narration, une convention sociale ou un mythe parmi d'autres".

Pour demeurer dans le domaine du mythe, le même numéro de la revue présente une critique de l'ouvrage de E. Winner, Surdoués, mythes et réalité, analysé par Céline Demers, professeure à l'École de psychoéducation, et son collègue Larivée. Une autre professeure de l'École, Sylvie Normandeau, présente brièvement un outil conçu au Québec aux fins de l'évaluation du profil socioaffectif des enfants d'âge préscolaire.

Finalement, Marcelo Otero, étudiant au doctorat au Département de sociologie, apporte sa contribution à un autre débat suscité par Serge Larivée: celui sur la psychanalyse. L'étudiant fait notamment ressortir que "l'effondrement de l'hégémonie de la psychanalyse" s'accompagne du développement de tout un "marché de services psychothérapeutiques", parfois éphémères, qui cherche à répondre à une demande intarissable. Cette inflation de la demande serait liée, selon le sociologue, à l'injonction sociale de la performance.

D.B.


Grands projets et innovations

L'innovation technologique a une histoire. Elle ne surgit pas tout armée du cerveau d'un inventeur de génie, non plus qu'elle ne naît spontanément d'un besoin pressant du marché. Loin des explications simplistes par l'offre et la demande, il faut plutôt chercher à comprendre l'innovation par l'organisation qui tente de la susciter. Dans ce contexte, l'innovation technologique apparaît paradoxalement comme une affaire de gestionnaires, surtout quand elle requiert la mise en oeuvre de grands projets.

Philippe Faucher, Kevin Fitzgibbons et Olga Bosak dressent ici un bilan des plus ambitieuses tentatives d'innovation technologique au Canada dans la seconde moitié du 20e siècle. Avec leurs collaborateurs, ils racontent l'histoire des centrales hydroélectriques de Manicouagan-Outardes et de La Grande, des réacteurs nucléaires CANDU, du chasseur Arrow, du moteur d'avion PT6 et du jet d'affaires Challenger, etc.

Sous la direction de Philippe Faucher avec la collaboration de Kevin Fitzgibbons et Olga Bosak, Grands projets et innovations technologiques au Canada, Les Presses de l'Université de Montréal, 1999, 342 pages, 34,95$.


Mille eaux

Ces chroniques d'une enfance haïtienne dans les années 1940, Émile Ollivier les dédie à l'âme tourmentée de sa mère, Magdalena Souffrant, aristocrate ruinée à l'esprit troublé qui vit seule avec son fils "Milo", né hors mariage. Avec lui, elle est tour à tour possessive et distante: le jour, elle disparaît dans de longues errances, la nuit, jusqu'à l'aube, elle parle aux fantômes.

Le père de l'enfant est un brillant avocat défenseur des droits de l'homme, hédoniste; il se dépêche de vivre, meurt tôt (Milo a neuf ans), laissant à son fils pour seul héritage un stylo Parker et une vocation d'écrivain.

Émile Ollivier est professeur à la Faculté des sciences de l'éducation.

Émile Ollivier, Mille eaux, Paris, Éditions Gallimard, 1999, 175 pages, 23,95$.


La réforme de la santé

Huit universitaires, engagés dans des recherches sur les enjeux éthiques touchant la réforme des services de santé et des services sociaux, proposent dans ce livre une série d'analyses et d'études. Elles portent sur le contexte de cette réforme et ses répercussions sociales, économiques et politiques ou sur des points plus particuliers de la réorganisation du réseau, comme la gestion des services, la participation des organismes communautaires et les politiques relatives à la santé mentale et au vieillissement.

Sous la direction de Pierre Fortin, La réforme de la santé au Québec, Saint-Laurent, Fides, 1999, 246 pages, 22,95$.


Naissances de la littérature française, IXe-XVe siècle

Le Moyen Âge, période de naissance de notre littérature, voit simultanément ou successivement la naissance d'une langue, la naissance de la littérature proprement dite, la naissance de l'écrivain, la naissance du livre et celle du lecteur, autant de genèses qui ne sont ni naturelles ni spontanées et qui s'expliquent par une multitude de facteurs.

Cette anthologie de textes littéraires français du IXe au XVe siècle voudrait avant tout attiser la curiosité et bannir quelques idées simplistes dont la littérature médiévale est encore parfois l'objet. En effet, le retour actuel au Moyen Âge procède d'une réévaluation totale des valeurs littéraires et conduit à s'interroger sur l'essence même du phénomène littéraire saisi dans sa genèse historique, culturelle et poétique.

Philippe Walter est professeur de littérature française du Moyen Âge à l'Université Stendhal (Grenoble III).

Philippe Walter, Naissances de la littérature française, IXe-XVe siècle, Anthologie, Montréal, coédition Ellug/PUM, 1999, 256 pages, 29,95$.


Les soirées du Château de Ramezay

Publiées dans la foulée de l'enthousiasme qu'avaient suscité les séances publiques de l'École littéraire de Montréal à l'hiver 1898-1899, Les soirées du Château de Ramezay rassemblent des textes divers qui, saisis comme un tout, racontent ce qu'était la littérature au moment de ce bref sursaut du libéralisme au Canada français. Sans nul doute, les membres de la jeune école littéraire de Montréal se sont crus "modernes".

La lecture des Soirées du Château de Ramezay permet de saisir sur le vif ce désir pétri de contradictions. On y décèle des modèles revendiqués ou récusés. On y retrouve des projets esthétiques parfois assumés, parfois fantasmés. On y lit les tensions qui traversent le discours social de l'époque. On y découvre surtout toute une littérature oubliée: urbaine, symboliste, voire décadente, tantôt savante, tantôt populaire, naïve ou parodique, mais libre de tout sevrage idéologique, comme celle qui renaîtra par la suite dans Le nigog ou La relève.

Micheline Cambron et François Hébert, Les soirées du Château de Ramezay, Montréal, Fides, 1999, 354 pages, 32,50$.


Le système de santé québécois: un modèle en transformation

Le système de santé que l'État québécois avait mis en place à la fin des années 1960 n'est plus ce qu'il était. Et l'on ne sait trop à quoi il ressemblera au 21e siècle, quand s'achèvera sa réforme. Ce second ouvrage du Réseau de recherche sociopolitique et organisationnelle en santé ne cherche pas à dresser un bilan des changements en cours, il veut plutôt soulever un certain nombre d'interrogations.

On y discute d'éthique et de services aux communautés culturelles, des normes que le gouvernement fédéral impose aux provinces, des modalités de financement et d'allocation des ressources, des dépenses élevées de santé au Québec, de l'organisation et de la gestion des établissements ainsi que de l'évaluation des services.

Clermont Bégin et coll., Le système de santé québécois. Un modèle en transformation, Les Presses de l'Université de Montréal, 1999, 444 pages, 34,95$.


Territoire d'intentions

Selon les auteurs Philippe Poullaouec-Gonidec et Michel Gariépy, tous deux de la Faculté de l'aménagement, ce livre s'inscrit dans la continuité d'un dialogue sur les enjeux du paysage amorcé depuis plusieurs années entre le Québec et la France; cela a notamment donné lieu, en 1995, à la présentation au Centre canadien d'architecture de Montréal d'un séminaire international de recherche de l'Université de Montréal.

Réunissant les textes de praticiens et des chercheurs français et québécois, l'ouvrage démontre que si, en France, le paysage est l'objet d'un engagement réel de la part des pouvoirs publics, on s'aperçoit qu'au Québec les enjeux en question restent intimement liés à la démarche d'aménagement des ressources, des villes et des régions, d'une ruralité.

Cet ouvrage s'adresse à tous les publics soucieux de saisir les contours d'une notion des plus structurantes de notre cadre de vie et qui interpelle principalement l'idée du beau, la subjectivité de nos regards et nos sentiments d'appartenance aux espaces urbains, ruraux et naturels.

Sous la direction de Philippe Poullaouec-Gonidec, Michel Gariépy et Bernard Lassus, Territoire d'intentions, Montréal, L'Harmattan, 1999, 208 pages, 25$.


Possibles: avec ou sans Dieu

À partir du constat que le nomadisme culturel a pris la place des religions traditionnelles, le dernier numéro de la revue Possibles lance un débat sur les conséquences de cette mutation qui s'effectue "avec ou sans Dieu".

La revue ne déplore pas que la mémoire religieuse, transmise de génération en génération, se fasse de plus en plus ténue: elle veut plutôt célébrer l'imagination postreligieuse et cerner les contours d'une éthique postreligieuse.

Parmi les 12 auteurs qui ont accepté de relever le défi, 5 sont de l'Université de Montréal: Daniel Baril, étudiant au Département d'anthropologie et journaliste à Forum, présente une interprétation sociobiologique de la persistance de la religion; Michel Beaudin, professeur à la Faculté de théologie, analyse l'engagement social des chrétiens sous l'angle de la tradition du jubilé; son collègue Jean Duhaime y va d'un témoignage sur son cheminement personnel; Carole Damiani, étudiante et chargée de cours au Département de sociologie, livre une réflexion sur son travail de sociologue engagée dans une observation participante au sein d'un groupe nouvelâgiste; Martin Goeffroy présente pour sa part un modèle classificatoire des formes de la religion au Québec.

En dehors de ce dossier sur la religion, on retrouve également une nouvelle de Jacques Dofny, professeur au Département de sociologie (qu'il signe avec Ghislaine Boyer), un poème de Sylvie Gendron, étudiante au Département d'études françaises, et un document de Marianne Kempeneers, professeure au Département de sociologie, qui présente l'oeuvre du poète wallon Julos Beaucarne.


Les langues du roman

Cet ouvrage s'interroge sur les faits et effets de langue dans le roman et sur les stratégies d'écriture mises en oeuvre pour y intégrer le plurilinguisme. La cohabitation des langues et des niveaux de langue, ou si l'on préfère l'hétérogénéité langagière, apparaît en effet comme un enjeu esthétique fondamental du roman dans sa volonté de rendre compte de la diversité du réel.

Lise Gauvin, Les langues du roman. Du plurilinguisme comme stratégie textuelle, Les Presses de l'Université de Montréal, 1999, 180 pages, 24,95$.


Mélanges pour Bernard Beugnot

Bernard Beugnot a pris sa retraite en juin 1997, au terme d'une carrière exemplairement féconde au Département d'études françaises de l'Université de Montréal. À cette occasion, quelques collègues, amis et anciens étudiants ont souhaité lui rendre hommage. Sont ici réunis 31 études sur les principaux objets de ses recherches: la critique et l'histoire littéraires, les lettres françaises du 17e siècle, l'oeuvre de Francis Ponge.

Jacinthe Martel et Robert Melançon, Inventaire, lecture, invention. Mélanges de critique et d'histoire littéraires offerts à Bernard Beugnot, Montréal, Département d'études françaises, 1999, 447 pages, 50$.


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