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Les agents immobiliers contribuent à la ségrégation ethnique

C'est ce qu'a découvert Sylvie Paré en faisant sa recherche de doctorat.

Sylvie Paré a rencontré une cinquantaine d'agents immobiliers pour analyser leur rôle dans la ségrégation résidentielle ethnique.

En dirigeant les acheteurs de maisons vers des quartiers où une communauté ethnique est déjà bien implantée, les agents immobiliers jouent un rôle dans la ségrégation résidentielle.

C'est l'un des constats fait par la sociologue Sylvie Paré au terme de ses études doctorales. Elle a présenté une synthèse de ses résultats au colloque "Étudiants et jeunes diplômés" du Centre d'études ethniques de l'Université de Montréal (CEETUM), qui s'est tenu le 16 avril dernier.

"Les études scientifiques américaines font état d'une certaine discrimination dans les transactions immobilières. J'ai voulu en savoir plus pour la région de Montréal et analyser le phénomène en centrant mon analyse sur un acteur social d'importance: l'agent immobilier", explique Mme Paré.

Pour mener à bien ses travaux de doctorat, la sociologue a fait une enquête auprès de 50 agents immobiliers dont les deux tiers étaient des Canadiens français et le tiers de plusieurs autres origines. Elle a conduit aussi des entrevues en profondeur afin de connaître leurs perceptions quant à leur rôle dans la ségrégation résidentielle ethnique. Elle a entendu des remarques telles que "Les Haïtiens cherchent sans acheter, ils n'ont jamais d'argent"; "Les Arabes bluffent"; "Les Italiens sont rêveurs, ils ne sont pas réalistes dans leurs ambitions"; "Les Canadiens français ne veulent que des quartiers de Canadiens français", etc.

"J'ai principalement analysé trois thèmes, relate-t-elle. D'abord, les clients font-ils un choix "ethnique" lorsqu'ils s'adressent à un agent immobilier? Ensuite, l'accès à la transaction est-il différent d'une communauté à l'autre? En d'autres termes, procède-t-on différemment si l'on s'adresse à un groupe majoritaire ou minoritaire? Enfin, y a-t-il un "pilotage ethnique", soit une tendance à orienter les éventuels acheteurs d'une maison vers un quartier ou l'autre en fonction de leur communauté ethnique?"

L'agent immobilier n'est pas le seul professionnel agissant sur la ségrégation résidentielle ethnique, fait remarquer Sylvie Paré. Mais à cause des contraintes de son métier, il souhaite conclure rapidement ses transactions. Ainsi, tous les moyens d'aller droit au but sont appréciés. La langue utilisée, la culture commune et la recherche d'affinités sont des éléments à prendre en considération. L'agent devient ainsi une courroie de transmission des valeurs de la société environnante. C'est pourquoi la chercheuse a choisi d'étudier cet acteur du domaine immobilier.

"Il serait éventuellement intéressant de faire le même exercice avec les notaires, les prêteurs hypothécaires et les assureurs", dit la diplômée.

La conférence de Sylvie Paré complétait les propos d'une étudiante à la maîtrise au Département de sociologie, Chantal Goyette, qui avait présenté précédemment ses travaux sur la mobilité résidentielle des générations successives d'immigrants dans la région de Montréal.

Une analyse faite à partir des déclarations d'impôts de 1980 à 1995 a permis à Mme Goyette de constater que les nouveaux immigrants ont tendance à choisir dès la première année des quartiers où leur communauté d'appartenance est déjà présente. Les Haïtiens, par exemple, affectionnent Saint-Léonard, alors que les Libanais s'installent surtout à Saint-Laurent, autour du boulevard L'Acadie, mais aussi à Chomedey et à Kirkland. Elle a voulu vérifier si ces tendances se modifiaient avec le temps, quand les immigrants déménagent par exemple. Il semble que ce ne soit pas le cas, ou très peu.

À une question de Forum, la chercheuse a précisé qu'il ne fallait pas parler de "ghettoïsation" des immigrants mais plutôt de quartiers où les "voisinages ethniques" sont plus concentrés.

Le directeur du CEETUM, Jean Renaud, s'est dit très heureux à l'issue du premier colloque réunissant l'ensemble des étudiants des cycles supérieurs et des professeurs rattachés au Centre. "Plusieurs ont découvert des alter ego qu'ils ne connaissaient pas, soit des gens qui travaillent dans des domaines connexes à ceux qui les intéressent. Mine de rien, les occasions de rassembler tous les membres du CEETUM pour une journée sont plutôt rares. C'est sûr: nous allons répéter l'expérience l'an prochain."

Mathieu-Robert Sauvé


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