Serge Marcotte, chargé de cours à la Faculté des sciences de l'éducation, en compagnie de quelques étudiants de troisième année en orthopédagogie |
Prix d'excellence en enseignement
Serge Marcotte est un des quatre lauréats des prix d'excellence en enseignement que décerne chaque année l'Université. Les trois autres sont: GILLES FONTAINE, du Département de physique de la Faculté des arts et des sciences (FAS), dans la catégorie des professeurs titulaires; LINE GRENIER, du Département de communication (FAS), dans la catégorie des professeurs agrégés; FRANÇOISE ARMAND, du Département de didactique de la Faculté des sciences de l'éducation, dans la catégorie des professeurs adjoints.
"Dans un local au bout d'un long corridor se trouve un géant qui considère ses étudiants tout aussi grands. Géant par son authenticité, sa passion d'enseigner et son intégrité", peut-on lire dans le journal Carpe diem des étudiants de la Faculté des sciences de l'éducation.
Ce témoignage de reconnaissance s'adresse au chargé de cours Serge Marcotte, qui est un modèle pour les futurs enseignants en orthopédagogie. Pourtant, M. Marcotte soutient humblement que cet hommage ne témoigne que d'une chose: les étudiants ont à coeur leur formation.
Mais rares sont les professeurs qu'on qualifie de "géants". Quel est son truc? Le dialogue, dit-il. Tous les mardis matin, les 75 étudiants du cours "L'adolescent et l'expérience scolaire" se rendent au local E-240 du Pavillon Marie-Victorin avec un enthousiasme peu ordinaire. Ils apprécient l'approche préconisée par Serge Marcotte, axée sur le partage des idées, le processus réflexif et le dialogue. Ce dialogue est toutefois soumis à des règles. "Les étudiants doivent écouter et respecter les points de vue ainsi que les arguments avancés par les pairs", précise-t-il.
"Dès 8 h 30, on débute par la lecture d'un extrait de roman, confie M. Marcotte, qui enseigne depuis cinq ans à la Faculté des sciences de l'éducation. Cela maximise la dynamique de la classe et favorise les échanges." Chaque mardi donc, un étudiant présente un auteur qu'il apprécie. Pour l'un, c'est Daniel Pennac, pour l'autre, c'est Patrick Süskind ou encore Gustave Flaubert, Gérard Bessette, Jacques Prévert, Guy de Maupassant, etc. "Les champs d'intérêt sont très diversifiés, souligne-t-il, et plusieurs ont une excellente culture littéraire."
La semaine précédente, une étudiante avait lu un passage du livre Le cercle des poètes disparus, de N.H. Kleinbaum. L'auteur y raconte l'histoire d'un enseignant peu orthodoxe, M. Keating, qui fait découvrir à ses élèves le sens de la vie. À l'image de ce héros de fiction, M. Marcotte a lui aussi, semble-t-il, un impact sur ses étudiants.
"Ce qu'ils aiment, déclare-t-il, c'est la structure et le contenu du cours, lequel a été conçu à partir du modèle de l'autoformation assistée, que nous avons mis sur pied à la Faculté." Selon M. Marcotte, cette approche, qui jusqu'à présent a été utilisée à titre expérimental, semble efficace au-delà de l'apprentissage de la culture pédagogique. Elle permet notamment l'appropriation de savoirs, alimente la réflexion et développe le sens critique. Elle exige toutefois une certaine adaptation de la part des étudiants et, surtout, un grand investissement: lectures, recherches, travaux pratiques et collaboration assidue en classe.
"C'est d'ailleurs grâce à leur excellente participation, mentionne-t-il, que cette approche didactique connaît un franc succès dans ce groupe. S'ils ne s'engageaient pas, je serais obligé d'enseigner autrement", ajoute M. Marcotte, qui avoue n'apprécier guère donner des cours magistraux. Et puis, en pédagogue averti, il prétend que ce type d'enseignement correspond de moins en moins aux besoins et attentes des jeunes enseignants de demain.
Programme d'intégration pédagogique
À la suite de la mise en place, en janvier 1997, du programme
d'intégration pédagogique des chargés de
cours à l'Université de Montréal, une série
d'activités et de projets ont été conçus
afin notamment "d'améliorer la qualité de l'enseignement
et de reconnaître et de valoriser la contribution des chargées
et chargés de cours à la mission d'enseignement
de l'Université".
C'est dans cette perspective qu'ont collaboré à la production de matériel pédagogique les professeurs François Bowen et Claudette Larouche, ainsi que les chargés de cours Serge Marcotte et Ginette Bolduc. C'est d'ailleurs grâce à cette équipe que la formule de l'autoformation assistée est aujourd'hui utilisée de façon expérimentale au baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire, ainsi que pour la troisième année du baccalauréat en orthopédagogie. Dans le cadre de ce cours, M. Marcotte a aussi recours à une autre approche particulière: la méthode de cas.
"Cette formule d'animation est légèrement différente en ce sens que les étudiants travaillent à partir de cas réels, explique-t-il. Ils sont donc confrontés à des problèmes rencontrés dans la pratique courante." Le but n'est pas d'enseigner des recettes, souligne-t-il, mais plutôt d'amener les étudiants à exercer leur jugement et à acquérir des habiletés de communication, qualités essentielles d'un bon pédagogue.
"Au début, confie M. Marcotte, les étudiants recherchent l'approbation ou la réfutation du professeur. Ils sont un peu mal à l'aise avec cette méthode qui les incite à devenir des "penseurs autonomes". Mais très rapidement, semble-t-il, les étudiants s'engagent dans des activités intellectuelles telles que l'organisation de l'information, la définition des problèmes, le raisonnement, la formulation d'hypothèses et la justification. Et l'intérêt devient tel qu'ils échangent leurs idées, permettant ainsi l'intériorisation d'attitudes, la précision des commentaires et l'affinement de la pensée critique.
D'ailleurs, au grand plaisir de M. Marcotte, ils ne se gênent pas pour lui signaler ses erreurs. En tout cas, elles ne doivent pas être très nombreuses, car il a remporté le Prix du meilleur chargé de cours, décerné par les étudiants de la Faculté des sciences de l'éducation, deux années consécutives, soit en 1997 et 1998. De plus, sa candidature a été proposée pour le Prix d'excellence en enseignement, dans la catégorie des chargés de cours. Ce prix se veut un signe de reconnaissance des pairs à l'apport et au rayonnement pédagogiques.
M. Marcotte se dit très flatté et il affirme que c'est justement grâce au soutien de ses collègues qu'il poursuit présentement un doctorat en enseignement à l'Université. Mais son plus beau compliment, il le tient d'un étudiant qui lui a lancé à la fin d'un cours: "Vous venez de me convaincre que la théorie est utile."
Dominique Nancy
Collaboration spéciale