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Le Département de kinésiologie en route vers Mars

Phillip Gardiner travaille sur un projet commandé par la NASA.

Phillip Gardiner et l'étudiante à la maîtrise Carrie Olha. C'est dans ce laboratoire qu'ont été évalués les sujets d'une étude dont les résultats profiteront aux voyageurs interplanétaires.

En 2025, la NASA enverra une fusée habitée vers la planète Mars. Pour les astronautes, cela signifiera un séjour de plusieurs mois en apesanteur. Mais le corps humain n'est pas biologiquement conçu pour évoluer dans un milieu où il n'y a ni haut ni bas. L'agence américaine cherche donc dès maintenant à prévenir les problèmes médicaux des voyageurs spatiaux et a fait appel à une équipe du Département de kinésiologie pour lui venir en aide.

"Nous ne connaissons pas les conséquences à long terme de l'apesanteur sur nos muscles, signale le physiologiste Phillip Gardiner. Le contrat que nous avons avec la NASA, par l'intermédiaire de l'Agence spatiale canadienne, vise à comparer deux types de stimulateurs neuromusculaires afin de prévenir l'atrophie des muscles."

Même si l'individu normal ne s'en aperçoit pas, les muscles de ses membres inférieurs subissent une tension due à la gravité terrestre. En apesanteur, les tissus risquent de devenir paresseux. Cela inquiète les spécialistes des voyages interplanétaires, qui cherchent un moyen de stimuler l'activité musculaire par une méthode simple, peu encombrante et facile à utiliser.

Comme les sujets humains qui séjournent en apesanteur ne courent pas les rues, l'équipe de recherche s'est rabattue sur une population plus facile à rassembler: les blessés du genou. "À la suite d'une lésion au ligament croisé antérieur, un accident classique en ski, les muscles de la jambe restent atrophiés pendant une longue période, explique M. Gardiner. Nous avons choisi ce modèle comme point de départ afin d'étudier l'activité musculaire avant et après l'opération."

Il s'agit, en d'autres termes, d'examiner ce qui se produit lorsqu'un muscle au repos reprend de la vigueur par différentes techniques de réadaptation. Car on sait que le quadriceps et les muscles de la cuisse sont très affaiblis à la suite d'une lésion du genou. L'atrophie musculaire n'est donc pas due ici à l'absence de gravité mais à une blessure qui a conduit à l'inactivité.

La méthodologie prévoit une évaluation préopératoire et un suivi postopératoire. "Nous évaluons nos sujets un jour avant l'opération, puis à quatre reprises par la suite (à 6, 12, 18 et 24 semaines) afin de comparer les résultats des méthodes de réadaptation", explique Carrie Olha, qui consacre sa maîtrise à ce sujet au Département de kinésiologie.

Trois groupes
La trentaine de participants qui ont subi une reconstruction du ligament croisé antérieur par un chirurgien orthopédiste ont été répartis en trois groupes. L'un d'eux a suivi un programme de réadaptation traditionnel alors que les deux autres ont eu recours à un appareil de stimulation électrique d'intensité variable: faible (groupe 1) ou modérée (groupe 2). L'appareil en question achemine un courant électrique aux muscles par une paire d'électrodes.

"Nous avons presque terminé notre étude, signale Phillip Gardiner. Les résultats préliminaires démontrent que la stimulation neuromusculaire améliore nettement la réadaptation."

Pour les bailleurs de fonds, un tel résultat serait encourageant. "Dans un vaisseau spatial, le moindre espace est minutieusement calculé, reprend M. Gardiner. Chaque pièce d'équipement doit donc être le plus efficace possible."

De plus, l'emploi du temps des astronautes étant chargé, la méthode de réadaptation par électrostimulation présente un autre avantage de taille: elle peut être utilisée durant le sommeil.

Il va de soi que cette recherche rend des services également en matière de réadaptation. "Bien que l'objectif général de cette étude soit d'évaluer l'efficacité potentielle de nouvelles techniques médicales pour la prévention de certains problèmes médicaux associés aux vols spatiaux, les résultats auront des retombées importantes dans le domaine de la réadaptation", dit le protocole.

D'ailleurs, outre l'astronaute américain David Williams (lui-même médecin), l'équipe compte une majorité de spécialistes en orthopédie et en physiothérapie.

Des recherches fondamentales
Le laboratoire de M. Gardiner, aménagé par l'Agence spatiale canadienne, n'est que l'un des locaux de travail du professeur, qui estime à moins de 10% le temps qu'il consacre à ce projet. "C'est la recherche fondamentale qui m'occupe le plus", explique le président de la Société canadienne de physiologie de l'exercice.

Dans un autre laboratoire du Centre d'éducation physique et des sports de l'Université de Montréal, M. Gardiner explique qu'il s'intéresse depuis 20 ans à l'adaptation neuromusculaire au changement. Sur une étagère, une quantité d'appareils électroniques servent à mesurer ce phénomène auprès de modèles animaux. "Nos recherches peuvent avoir certaines retombées pratiques, mais c'est d'abord l'aspect fondamental qui nous intéresse", dit-il.

Originaire de Windsor, en Ontario, M. Gardiner est arrivé au Québec en 1978 après avoir mené des recherches postdoctorales à l'Université de Californie. Il a été embauché, à l'origine, pour donner des cours de natation et d'entraînement. Par la suite, il a obtenu des fonds de recherche qui lui ont permis d'acquérir un statut de chercheur.

Tout en dirigeant des recherches d'étudiants et en exerçant ses fonctions de professeur, il est aujourd'hui coéditeur de la Revue canadienne de physiologie appliquée. Phillip Gardiner estime que le Département de kinésiologie de l'Université de Montréal figure parmi les trois plus importants du genre au Canada.

Mathieu-Robert Sauvé


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