Jean Ladouceur, Franck Vierne, étiquette Atma, 1998; prise de son: Johanne Goyette. |
Le jour, je travaille à la bibliothèque. Le soir et la fin de semaine, c'est pour la musique!" dit Jean Ladouceur, commis à la Bibliothèque para-médicale et organiste titulaire des grandes orgues de l'église Saint-Pierre-Apôtre, à Montréal.
À l'occasion du lancement prochain de son premier disque consacré à des oeuvres de César Franck et Louis Vierne, il a confié à Forum qu'il vivait bien sa "double vie" après plus d'une décennie de va-et-vient entre le clocher néogothique et la tour art déco. Après tout, rappelle-t-il, le philosophe Gaston Bachelard a été toute sa vie commis dans un bureau de poste. Et Paul Gauguin a longtemps travaillé dans une banque.
En interprétant brillamment la Grande pièce symphonique en fa dièse mineur, de César Franck, et la Quatrième symphonie en sol mineur, de Louis Vierne, Jean Ladouceur offre aux amateurs d'orgue une belle occasion d'apprécier l'instrument d'inspiration romantique anglais qui a été restauré en 1995 grâce à une campagne de financement de 200 000$. L'enregistrement de la musique d'orgue est réputé pour être le cauchemar des ingénieurs du son. Le défi est assez bien relevé ici.
"L'acoustique de Saint-Pierre, l'une des plus belles de Montréal, est bien rendue dans le disque. Le son est très clair. J'en suis très satisfait."
"J'aime mon orgue"
Dans le feuillet explicatif qui accompagne le disque compact,
Jean Ladouceur signe un texte empreint de poésie et de
sensibilité. "Ce temple de style néogothique,
en forme de vaisseau renversé aux lignes contrapuntiques,
et sa tour à la massive harmonie s'élèvent
comme un chant au coeur du paysage urbain. Le dehors convie au
dedans", peut-on lire à propos de Saint-Pierre-Apôtre.
L'auteur reproduit aussi des extraits de poèmes de Marie
Uguay et d'Alain Grandbois.
Voilà qui nous change du verbiage musicologique auquel on est habitué dans les coffrets. Il faut dire que Jean Ladouceur aime son orgue ainsi que l'église qui l'accueille. Outre qu'il peut sans peine évoquer la vie de l'architecte autodidacte qui a construit le bâtiment en 1858 (Victor Bourgeau), il est certainement l'un des rares baby-boomers à pouvoir nommer le fondeur du carillon à 13 cloches qui loge au faîte du clocher de son église: Paccard d'Annecy.
Mais le musicien est également à l'aise avec le rôle que joue l'église en plein milieu du quartier gai montréalais, à un jet de pierre du parc de l'Espoir, où les proches d'une personne disparue du sida viennent accrocher un ruban sur un pommier. Le disque est dédié aux victimes du sida.
La clientèle québécoise visée par un disque de musique d'orgue est assez restreinte, mais le distributeur rattaché à la maison de disques, Harmonia Mundi, a choisi de l'offrir au marché américain. Cela pourrait lui donner une jolie carrière.
Mathieu-Robert Sauvé