Parviz Ghadirian |
On soupçonnait déjà que l'alimentation pouvait avoir un rôle à jouer dans le développement de la sclérose en plaques. Une étude épidémiologique dirigée par le Dr Parviz Ghadirian, du Département de nutrition de la Faculté de médecine, vient de confirmer le fait en établissant qu'une forte consommation de graisses animales et d'énergie sous forme de protéines animales et de glucose est reliée à deux fois plus de cas de sclérose en plaques.
La sclérose en plaques est une maladie dégénérative qui détruit l'enveloppe de myéline du système nerveux et qui va parfois jusqu'à détruire le nerf lui-même. Il en résulte des troubles moteurs comme la perte de la coordination musculaire et de l'équilibre, des tremblements, des nausées, ainsi que des troubles psychologiques comme la dépression. La maladie connaît deux pointes, l'une autour de 15 ans et l'autre à la quarantaine. Deux fois plus de femmes que d'hommes en sont atteintes et les causes en sont encore méconnues, quoique des facteurs génétiques ou hormonaux semblent y être liés.
Tofu plutôt que hamburger
L'équipe du Dr Ghadirian a observé pendant trois
ans les habitudes alimentaires à l'égard de 164
produits de consommation chez 197 patients atteints de sclérose
en plaques et parmi un groupe contrôle de 202 personnes.
"La littérature rapportait que la consommation de
poisson semblait diminuer le risque de sclérose en plaques,
relate l'épidémiologiste. C'est ce qui nous a conduits
à rechercher un lien avec l'alimentation. Notre étude
est la première recherche aussi structurée sur la
question et ayant recouru à une sélection très
précise des sujets."
Si le gras animal double le risque de souffrir de sclérose en plaques, la viande maigre n'est pas sans danger pour autant puisqu'une forte consommation augmente encore le risque de 24%. Les sucres raffinés sont aussi au banc des accusés: ils font augmenter le risque de 30%, surtout chez les femmes.
En revanche, la consommation de légumes, de fruits et de fibres est associée à une incidence plus faible de sclérose en plaques. Le risque est ainsi diminué de 46% grâce à une bonne consommation de fibres alimentaires alors que la consommation de céréales et de pain le réduit de 38 %. Les jus de fruits ou de légumes ainsi que les protéines végétales ont également un effet bénéfique en étant associés à une diminution de 42% des risques.
L'analyse plus détaillée de ces aliments montre que la thiamine (vitamine B1) offre une protection notable avec un taux de risque inférieur de 76%. Viennent ensuite la riboflavine (vitamine B2) et la vitamine C avec des diminutions respectives de 67% et de 42%. Deux minéraux, le potassium et le calcium, font chuter les risques de 76% et de 61%.
La taille et non le poids
L'étude a également mis en évidence une relation
entre la taille des individus et l'apparition de la sclérose
en plaques. Ce sont les femmes de petite taille qui présentent
le plus haut taux de risque. "Ceci est probablement dû
au fait qu'elles ont un système immunitaire plus faible,
avance le Dr Ghadirian. Il y a peut-être aussi une prédisposition
génétique associée aux deux facteurs."
Les nutriments associés à la diminution du risque de sclérose en plaques semblent en effet jouer un rôle dans le renforcement du système immunitaire. C'est notamment le cas de la vitamine C, qui produit une protéine antivirale et un antioxydant renforçant notre immunité. Le potassium et le calcium jouent pour leur part un rôle dans les fonctions musculaires; une carence de ces nutriments pourrait alors aggraver les troubles moteurs engendrés par la sclérose en plaques.
Un indice de masse corporelle élevée n'est pas par ailleurs associé à un risque de sclérose en plaques.
Le Dr Ghadirian travaille actuellement à mettre au point un protocole de recherche visant à tester cliniquement l'effet spécifique des vitamines et des minéraux désignés dans l'étiologie de la sclérose en plaques.
L'épidémiologiste annonce en outre la publication prochaine d'un autre volet de cette étude sur la maladie qui démontre que le tabac présente un facteur de risque quatre fois plus élevé que les graisses animales dans le développement de cette affection.
Daniel Baril
Les amalgames au mercure, utilisés en dentisterie, ont déjà été mis en cause dans le développement de la sclérose en plaques. Une étude du Dr Parviz Ghadirian jette un doute sérieux sur cette association.
"Nos travaux ont montré qu'il n'y a pas de corrélation entre la sclérose en plaques et le nombre d'amalgames de même que la durée d'exposition aux amalgames, affirme le chercheur. La différence observée entre les gens atteints de sclérose en plaques et les gens en santé s'avère non significative."
Pour cette étude, 143 personnes atteintes de sclérose en plaques ont été suivies pendant trois ans ainsi que 128 personnes en santé. La différence quant au nombre d'amalgames entre les deux groupes est de 0,26 amalgame de plus chez les gens atteints de sclérose en plaques. Les gens exposés aux amalgames pendant plus de 15 ans ne présentent pas plus de cas de sclérose en plaques que ceux qui y sont exposés depuis moins de 5 ans.
L'épidémiologiste assure que les amalgames ne constituent donc pas un facteur déclencheur de la maladie. "Les études qui ont établi un lien entre amalgames et sclérose en plaques n'étaient pas des études épidémiologiques, signale-
t-il. Notre recherche est la première à recourir à un groupe contrôle avec dossiers dentaires, à tenir compte de la composition des amalgames, des facteurs environnementaux, de la nutrition et du mode de vie de tous les sujets."
D.B.