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À propos de fleurs, d'abeilles...

Les connaissances fondamentales sur l'embryogenèse végétale pourront conduire à l'amélioration de notre alimentation.

Dans la version douce de la reproduction expliquée aux enfants, la petite abeille butine dans la petite fleur et cela donne un petit fruit. Là s'arrêtent les mystères de la vie.

Daniel Matton, professeur à l'Institut de recherche en biologie végétale, n'a pas voulu en rester là. Il s'est mis à la recherche des gènes régulateurs qui enclenchent le mécanisme de l'embryogenèse et du développement de la graine et du fruit. Et il a réussi à observer des choses pour le moins étonnantes, comme le déplacement de l'action d'un gène au fur et à mesure que progresse le développement floral.

Contrairement aux autres chercheurs en la matière, qui travaillent sur des plants de moutarde sauvage, Daniel Matton effectue ses recherches sur la pomme de terre sauvage. «Le plant de moutarde a un petit génome, facile à séquencer, mais possède une fleur très petite difficile à manipuler. De plus, la pomme de terre sauvage est auto-incompatible; les fleurs d'un plant ne peuvent être fécondées que par le pollen d'un autre plant, ce qui rend le contrôle de la fécondation beaucoup plus facile.»

Déplacement de l'expression génétique

Plutôt que de produire des mutants génétiques - à l'aide d'agents mutagènes opérant de façon aléatoire -, le chercheur effectue des représentations différentielles des ARN messagers avant et après la fécondation. «À l'aide d'un marqueur radioactif, nous pouvons observer sur des autoradiogrammes quels sont les gènes induits ou réprimés à chaque moment de l'évolution de l'embryogenèse», explique-t-il.

Sur un de ces radiogrammes, le professeur Matton montre un gène qui se démarque par son rayonnement radioactif. «Celui-ci n'était pas activé sur la séquence précédente alors qu'il entre en fonction au moment précis où s'est faite la fécondation», fait-il remarquer.

Cette méthode de repérage est complétée par l'hybridation in situ, qui permet d'observer où s'effectue, dans la fleur elle-même, l'action du gène en question. Des microphotographies d'une couche mince du tissu végétal (voir page suivante) montrent en effet que le gène repéré à l'aide du marqueur radioactif s'exprime à différents endroits selon le stade du développement du pistil. L'action se déplace du style vers l'ovaire, où la zone activée se trouve à délimiter l'endroit où s'effectuera la coupure entre ces deux parties du pistil.

«À l'oeil, ces deux régions apparaissent parfaitement identiques et continues. Le gène observé pourrait donc être porteur d'une information délimitant la zone de coupure. C'est la première fois, souligne Daniel Matton, qu'on observe un déplacement aussi important de l'expression d'un gène en fonction du développement et à la suite de la fécondation chez les végétaux.»

À partir de telles observations, le biologiste peut encore poursuivre ses travaux à l'aide de plantes transgéniques privées du gène en question. «Cela nous permet de vérifier des hypothèses sur son rôle en observant ce qui se passe lorsque son action est inhibée.»

Ces recherches fondamentales sur l'embryogenèse végétale peuvent ouvrir la voie à de nombreuses applications pratiques. «La compréhension des mécanismes génétiques du développement des graines et des fruits pourrait nous permettre, par exemple, de produire des fruits sans que la graine se développe ou encore d'en améliorer la qualité en assurant, au besoin, le développement d'un maximum de graines.»

Les fruits sans pépins, comme les clémentines et certains raisins, n'ont pas été produits par ce type de manipulation comme on le croit souvent mais plutôt par simple hybridation. Éventuellement, les connaissances sur la génétique de l'embryogenèse pourraient permettre une production agricole moins dépendante des insectes pour assurer la pollinisation ou même une production de fruits sans fécondation.

«Si l'on considère que 80% de notre alimentation est composée de graines et de fruits, nous avons beaucoup à tirer de ces connaissances sur les mécanismes de production et de reproduction de ces aliments», conclut le chercheur.

Le seul ennui, c'est qu'il faudra alors trouver une autre histoire pour expliquer aux enfants les mystères de la vie sans petite abeille.

Daniel Baril



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