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Un universitaire enlevé par des déesses...

Domenico Fasciano sous le charme de la Sicile.

Domenico Fasciano: un universitaire qui s'est transformé en poète.

"Ta sève, que fait sourdre mon désir, allie la mer et l'amour et dilue, la durée d'une étreinte, mon angoisse d'être né mortel."

Voilà quelques mots qu'on a retrouvés de Domenico Fasciano, un universitaire du Centre d'études classiques qui s'est fait kidnapper par des déesses grecques et latines au cours d'un voyage de recherche. Lorsqu'il a écrit ces vers, il effectuait l'ascension du mont Vénus, en Sicile, attiré par la déesse de l'amour.

D'autres indices nous permettent de croire à un enlèvement. Dans l'ouvrage qui vient de paraître, Hibiscus, on sait qu'il suivait les traces de la déesse Terre, une certaine Gaia, mère de toutes les divinités.

Dans un autre poème, "Une femme en marbre", écrit devant une statue millénaire qui trempe dans la Méditerranée, M. Fasciano prend le relais d'Eschyle, Théocrite, Virgile et Archimède pour évoquer les seins "fermes et charnus" de la déesse "née de l'écume de la mer". Cette déesse, a-t-on appris, est "anadyomène", c'est-à-dire qu'elle émerge de l'eau. "C'est une Vénus charnelle, a-t-on déjà soupiré, qu'on rêve couchée en la voyant debout", écrit M. Fasciano en reprenant, notamment, un propos de Guy de Maupassant.

Malgré le rapt, M. Fasciano semblait bien portant. Dans une entrevue accordée à Forum peu avant la parution de son livre, il racontait que ses travaux sur la mythologie l'avaient mené vers les îles de Crète, de Malte et de Sicile. Au cours d'une première année sabbatique, en 1986, il avait rassemblé de l'information sur tout ce qui concernait son sujet de recherche: les divinités féminines de l'Antiquité.

"Jusqu'à l'arrivée des Européens, expliqua-t-il, toute la mythologie se basait sur la fertilité. Les dieux étaient donc des femmes. Gaia était la déesse de la terre et Uranos, le ciel, n'était que son époux. Ce n'est que vers 1500 avant Jésus-Christ, à Sumer, qu'on a commencé à adorer des figures masculines."

Les choses se sont gâtées au second voyage de M. Fasciano, en 1993, alors qu'il a arpenté la Sicile, à la recherche de vestiges sur les divinités féminines. Cette fois, son comportement avait déjà subi quelques transformations. "Je ne me déplaçais jamais sans une caisse de vin dans ma voiture. Pour être prêt à toute éventualité", a-t-il déclaré.

Malheureusement, cette précaution n'aura pas suffi à éviter l'enlèvement. Quand cela s'est-il passé? Mystère. On sait cependant qu'il fut aperçu escaladant une montagne sicilienne vers une petite chapelle érigée en l'honneur d'une déesse. Surpris par la tombée du jour, il aurait décidé de passer la nuit dans le lieu de culte. On ne le revit au village que le lendemain.

Plus tard, à Taormine, sur l'île de Naxos, la lune s'est couchée devant lui, sur la mer, et ce spectacle l'a grandement affecté. "Je sais maintenant que s'il y a un paradis sur terre, c'est là", affirme-t-il dépouillé de toute objectivité scientifique.

La recherche s'est poursuivie, mais la poésie s'est imposée à travers les expériences vécues. "J'avais des émotions qu'il était difficile d'intégrer dans mes travaux. Je les ai donc notées en marge, avec l'idée d'en faire un livre différent sur l'Antiquité."

C'est ainsi qu'Hibiscus, du nom d'une fleur de cette région qui ne fleurit que quelques heures, a vu le jour.

Elles ont pris son âme

Les déesses n'ayant pas pris possession du corps de l'universitaire - malheureusement pour lui -, il est revenu poursuivre ses travaux au Centre d'études classiques de l'Université de Montréal. Mais il ne nie pas avoir laissé une partie de lui-même dans les îles qui constituent, sur le plan mythologique, le berceau de l'Occident.

Hibiscus, publié par sa propre maison d'édition, Musae, est un recueil de poèmes inspirés par les lieux mythiques que M. Fasciano a fréquentés. Chaque poème est précédé d'un court texte d'introduction qui comprend des données historiques et géographiques.

"Le livre n'est pas un guide pour touristes même s'il incite à la promenade", souligne l'auteur en avant-propos. L'ouvrage comprend 22 illustrations - photos et dessins originaux d'un peintre local, Nino Uccino -, dont une dizaine en couleurs qui proviennent de la photothèque de l'auteur.

Mathieu-Robert Sauvé

Domenico Fasciano, Hibiscus, Images de Trinacrie, Mont-Royal, Les Éditions Musae, 1998, 290 pages; tel.: 738-0717.

 



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