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Un climat froid peut favoriser les incendies de forêt

Pierre Richard jette un regard critique sur le modèle climatique du réchauffement planétaire.

Plus le temps est chaud et sec, plus les risques d'incendies de forêt sont grands. El Nino s'est chargé de nous rappeler cette réalité l'automne dernier en Indonésie. Advenant un réchauffement du climat dû à l'effet de serre, il faudrait donc s'attendre, comme le prédit le modèle climatique, à une augmentation de la fréquence et de l'intensité des incendies de forêt.

Mais pour Pierre Richard, professeur au Département de géographie, ce scénario ne peut être généralisé à toutes les régions. "L'étude du passé nous invite à la prudence quant aux répercussions possibles d'un réchauffement climatique sur la végétation", déclarait-il en présentant les résultats de ses travaux au colloque de géographie physique John Ross Mackay en mai dernier (voir l'encadré).

La présence de charbons de bois microscopiques dans les sédiments des lacs, témoignant de la fréquence des incendies, montre que sur le territoire québécois les feux de forêt ont été plus nombreux pendant les périodes froides. Il y a 10 500 ans, alors que le sud du Québec venait tout juste d'être libéré des glaces et que le climat était beaucoup plus froid qu'aujourd'hui, l'abondance des charbons microscopiques révèle des feux de forêt fréquents. Par contre, il y a 6000 ans, alors que le climat était plus chaud de un ou deux degrés qu'il ne l'est maintenant, les incendies étaient peu fréquents.

Pour Pierre Richard, cette relation apparemment paradoxale s'explique aisément. "Dans nos régions, l'élément déterminant des feux ne serait pas la chaleur ou les faibles précipitations mais l'instabilité des masses d'air, qui provoque des orages riches en éclairs." À la fin de la glaciation, la rencontre des masses d'air froid provenant de la calotte glaciaire avec les masses d'air chaud provenant du sud devait produire des conditions instables propices aux orages.

Son hypothèse trouve un appui dans l'étude du couvert forestier. En Abitibi, pendant la période de réchauffement d'il y a 6000 ans, la forêt était composée principalement de thuyas, une espèce qui nécessite un climat doux et qui résiste mal aux incendies. "Depuis 2000 ans, le climat s'est refroidi, entraînant une augmentation des feux de forêt. Le thuya est maintenant limité aux zones humides, où il y a moins d'incendies, et il a été remplacé par l'épinette, le sapin et le pin."

La reconstitution des positions frontales des masses d'air apparaît au chercheur tout aussi importante que les données sur la température et les précipitations pour élaborer des modèles climatiques.

La toundra

Pierre Richard met également en doute un autre aspect de la théorie classique du réchauffement planétaire. Le modèle établit un rapport direct entre le climat et la végétation en se fondant sur ce que nous retrouvons dans les conditions écologiques actuelles. Si, par exemple, la température moyenne du Nunavik augmentait de deux ou trois degrés, on en conclut que la toundra disparaîtrait pour être remplacée par la forêt boréale.

L'analyse des pollens présents dans les sédiments des lacs indique en effet une avancée rapide de la forêt au fur et à mesure que les glaces se retirent. "Mais cette colonisation végétale s'effectuait sur des sols riches en éléments nutritifs et sans compétition avec d'autres végétaux, souligne le géographe. De telles conditions ont disparu aujourd'hui; les sols sont appauvris, dénudés et les affleurements rocheux abondent. Si le climat devait se réchauffer au nord de la limite des arbres, il est certain que les plantes ne pourraient, faute de sols propices, réagir comme au temps de la déglaciation."

Encore une fois, son hypothèse trouve des fondements dans l'observation du passé. La reconstitution de la végétation pour la période de réchauffement d'il y a 6000 ans ne montre pas de déplacement des érablières ou des sapinières vers le nord.

La prudence est donc de mise, répète Pierre Richard, dans les prédictions des effets du réchauffement. "Des variations semblables à celles qui sont annoncées ont déjà touché la Terre sans que la végétation réagisse par de grands déplacements."

Daniel Baril

 Réchauffement et dégel: une équation complexe

Pierre Richard n'est pas le seul à jeter un regard critique sur l'application du modèle climatique lié au réchauffement. Le conférencier-vedette du colloque organisé dans le cadre du 50e anniversaire du Département de géographie, John Ross Mackay, professeur émérite de l'Université de Colombie-Britannique, a montré que le lien entre la température de l'air et l'avancée ou le recul du pergélisol est plus complexe qu'il n'y paraît.

Le professeur Mackay est un pionnier de l'étude des régions nordiques, qu'il a observées pendant une quarantaine d'années à partir de son site de l'île Garry, dans le delta du Mackenzie (océan Arctique). Pour étudier l'impact de la température de l'air sur le gel et le dégel du sol, le chercheur a procédé, en 1978, à l'assèchement d'un lac côtier. Si le pergélisol peut atteindre une profondeur de 400 mètres, le fond des lacs est par contre protégé du gel sur une épaisseur d'une vingtaine de mètres.

Le gel progressif de ce fond de lac a provoqué une pression sur les eaux souterraines, qui ont émergé à la manière d'un geyser de cinq à sept mètres. Aux yeux de John Ross Mackay, de tels phénomènes illustrent la complexité des rapports entre les températures de l'air, du sol et des eaux souterraines. À son avis, on ne peut calculer la progression du pergélisol à partir des méthodes traditionnelles parce qu'on ignore l'effet des courants d'eau souterrains sur la conduction de chaleur.

Du même coup, le professeur nous met en garde contre une application trop simpliste d'un modèle climatique qui prévoirait un dégel du sol à partir d'une température déterminée. Il existe un lien entre le réchauffement et le dégel, mais l'équation est moins directe que ce que le modèle classique prévoit.

D.B.


 50 ans de géographie

L'enseignement de la géographie à l'Université de Montréal débute en 1920, alors que le professeur Émile Miller obtient le premier poste de titulaire dans cette discipline à la Faculté des lettres. En 1947, la Faculté confie au professeur français Raoul Blanchard la mission de mettre sur pied un institut de géographie qui sera inauguré en novembre de la même année dans ses premiers locaux du Pavillon principal.

Dès 1949, l'Institut innove en offrant des cours d'été sous la forme d'une "école mobile" qui amène les étudiants sur le terrain, soit en Gaspésie, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Cette expérience se répète les années suivantes et devient un caractère distinctif de l'Institut de géographie de l'Université de Montréal.

Dans les années 1950, l'école mobile pose ses valises à Rawdon, à l'aéroport de Dorval, au mont Orford, dans les Adirondacks, en Mauricie, à l'île d'Orléans et au Saguenay. Ces excursions seront bientôt suivies de camps d'automne et de camps d'hiver.

C'est à partir de 1957 que l'Institut prend véritablement son envol, alors qu'il décerne ses premiers doctorats. L'Institut, qui n'avait accueilli jusque-là qu'une dizaine de nouveaux étudiants par année, en admet 21 en 1958. La collaboration au projet d'atlas économique du Québec permet également aux travaux de recherche de prendre de l'expansion. En 1962, l'Institut devient le Département de géographie, qui compte une dizaine de professeurs offrant des cours à quelque 260 étudiants.

Comme partout ailleurs, les années 1970 sont marquées par la turbulence. Non seulement les étudiants remettent-ils en question l'institution universitaire, mais la géographie est ébranlée par les secousses sismiques d'une crise épistémologique planétaire. Le calme revient à la fin de la décennie; délaissant les débats idéologiques, le Département met le cap sur la recherche et l'enseignement de haut calibre.

Entre-temps, la Revue canadienne de géographie, qui a connu des années difficiles, est devenue la revue de Géographie physique et quaternaire, qui s'est taillé une solide réputation internationale.

En octobre dernier, le Département de géographie donnait le coup d'envoi aux activités de son cinquantième anniversaire en décernant un doctorat honorifique au géographe, universitaire et coureur des bois Louis-Joseph Hamelin.

D.B.

Source: Ludger Beauregard, Publication anniversaire 1947-1987, Département de géographie.




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