Colloque de la FES |
La Faculté des études supérieures en avance de 25 ans |
Guy Neave |
Pour marquer son 25e anniversaire, la Faculté des études supérieures (FES) organisait, le 8 avril dernier, un colloque afin de faire le point sur les études supérieures dans la société d'aujourd'hui. Le doyen de la FES, Louis Maheu, avait invité pour l'occasion le directeur de recherche de l'Association internationale des universités, Guy Neave, à prononcer la conférence d'ouverture.
Le portrait de la situation dans les universités européennes présenté par M. Neave a montré que notre faculté des études supérieures semble être une structure unique. Si les universités européennes ont élargi comme chez nous l'accès aux études supérieures au début des années 1970, aucune ne s'est toutefois dotée d'une structure semblable à la nôtre. Guy Neave attribue ce cheminement différent à deux facteurs principaux: les suites des événements de mai 68 et la notion de profession en Europe.
"Dans les années 1970, dans un monde chamboulé par le séisme des événements de mai 68, toute l'attention était centrée sur l'instauration d'une réelle démocratie participative, a souligné le conférencier. Le corps professoral s'est par ailleurs montré bien réticent à aborder d'autres innovations, surtout si elles étaient perçues comme adverses au mécanisme par lequel la corporation académique assurait son avenir."
Dans ce contexte, et mis à part les professions libérales classiques, le développement de la formation professionnelle avancée ne s'est pas fait au sein des universités déjà existantes. Pour les professions dans les domaines du commerce, des affaires ou des techniques de la santé, de nouveaux établissements ont été créés, offrant une formation courte terminale ne donnant pas accès aux études universitaires de deuxième cycle.
Mais aux yeux du conférencier, ce développement de deux structures parallèles et cloisonnées s'est avéré un échec. Sauf au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, les universités n'ont pas réussi à canaliser la clientèle étudiante des nouvelles professions vers le secteur non universitaire. Sous la pression du nombre, les universités ont donc dû réformer à la fin des années 1980 leurs structures d'encadrement des études supérieures. C'est ainsi que sont apparues les graduate schools sur le modèle américain en Angleterre, les écoles de recherche aux Pays-Bas, les collèges de gradués en Allemagne et les écoles doctorales en France.
"Ces établissements ont en commun la 'professionnalisation' de l'enseignement aux cycles supérieurs, soit l'instauration de programmes formels, de cours obligatoires, d'un encadrement plus intensif, ainsi que la création d'examens intermédiaires", explique Guy Neave. Jusque-là, la formation supérieure en recherche se donnait plutôt sur le modèle maître-apprenti où l'étudiant acquérait la culture disciplinaire par des liens très personnalisés avec son directeur de thèse.
Sur plusieurs aspects, ces nouvelles écoles sont toutefois loin d'être comparables aux graduate schools américaines. "Sur quelque 100 universités du système britannique, on ne compte qu'environ 20 graduate schools. En Allemagne, malgré la présence d'environ 300 collèges de gradués, le total des inscrits ne dépasse pas 10% de la population universitaire. Chaque collège ne réunit en moyenne que 15 à 30 étudiants et ressemble plutôt à une unité de recherche."
"À l'exception du Royaume-Uni, poursuit Guy Neave, la responsabilité de ces écoles quant à la coordination des études supérieures, à leur gestion ou à leur contrôle ne s'étend jamais à l'établissement tout entier. À plus forte raison, elle ne comprend pas non plus toute la gamme des matières, la majesté des effectifs et le poids budgétaire qui font la gloire de la Faculté des études supérieures de l'Université de Montréal."
Du côté des Pays-Bas, le principe de base des écoles de recherche est la mise en réseau monodisciplinaire de professeurs et de chercheurs rattachés à des universités différentes, un peu à l'image de nos centres d'excellence. Comme ici, cette formule vise à créer une masse critique de chercheurs et d'étudiants qualifiés.
Le directeur de recherche de l'Association internationale des universités n'est par ailleurs pas en mesure de dire si ces différents types d'écoles constituent un stade transitoire ou s'ils deviendront des entités permanentes. Tout dépendra de la réussite ou de l'échec de ce qu'il appelle la "politique de professionnalisation" des études supérieures. Si l'instauration de programmes obligatoires au doctorat ne donne pas les résultats escomptés dans la formation des chercheurs, d'autres mesures de surveillance et de vérification sont à prévoir, croit-il. Certaines sont d'ailleurs déjà en voie d'implantation.
"En Allemagne par exemple, le Conseil scientifique a récemment proposé que chaque université procède à la consolidation de ses différents collèges de gradués afin de créer un centre d'études doctorales, autrement dit une faculté des études supérieures. Ainsi, le monde vous rattrape!" a conclu le conférencier.
Daniel Baril
Un premier atelier tenu dans le cadre du colloque du 25e anniversaire de la FES a porté sur la formation professionnelle aux cycles supérieurs. Ont participé à cette table ronde (de gauche à droite sur la photo) les professeurs Yves Joanette, de l'École d'orthophonie et d'audiologie, Pierre Ritchie, de l'École de psychologie de l'Université d'Ottawa, Claude Lessard (animateur), de la Faculté des sciences de l'éducation, Yves Marcoux, de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information, et Jean-Pierre LeGoff, de l'École des Hautes Études Commerciales.
Même si la conciliation entre les objectifs de la
formation à la recherche et les attentes de la formation
professionnelle constitue souvent un défi, les quatre orateurs
ont défendu la pertinence et l'importance d'une formation
professionnelle aux cycles supérieurs afin d'assurer aux
professionnels l'acquisition d'une démarche scientifique
et aux universitaires un lien avec les milieux de pratique.