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À six mois, bébé pourrait lire
le journal

L'acuité visuelle du nourrisson est plus développée qu'on ne pense.


François Vital-Durand

Non seulement un bébé naissant peut-il distinguer un visage, mais son acuité visuelle est telle qu'il peut apercevoir un objet comme un crayon à plus de 57 cm de ses yeux. Sa vision n'est évidemment pas à point (elle est à 1/20 de sa capacité), mais elle se développera très rapidement: à quatre jours, il peut suivre un objet des yeux et reproduire une mimique. À six mois, il peut lire le journal.

Lire le journal? "Façon de parler, explique François Vital-Durand, chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), en France. Le monde adulte doit lui donner les moyens de trouver un sens à ces images. L'apprentissage des codes et de la signification des symboles prend beaucoup de temps. Mais physiologiquement, le nouveau-né est beaucoup plus avancé qu'on ne le croyait autrefois. Dès sa naissance, il est un être communicant."

La rétine du nourrisson compte déjà 6 millions de cônes qui permettent de distinguer les couleurs et 100 millions de bâtonnets responsables de la vision en noir et blanc. Ces cellules nerveuses sont encore beaucoup trop espacées les unes des autres pour jouer leur rôle efficacement (elles seront aux deux tiers de leur course à l'âge de trois ans), mais elles sont présentes. Même évolution rapide en ce qui concerne le champ de vision: étroit à un mois, il est presque complet à un an.

Le nourrisson n'a pas la même vision qu'un adulte. Pour emprunter au langage photographique, les images qu'il capte sont hors foyer. Et les couleurs fluorescentes qui ornent la plupart des jouets d'enfants ne servent à rien, sinon à égayer la vie des parents.

"Mais même imparfaite, l'image de la mère ou du père est rapidement associée à sa voix, son souffle, son odeur. Nous sommes loin de l'époque de Montaigne, alors qu'on croyait l'enfant incapable d'apprendre quoi que ce soit avant l'âge de raison."

 

Bébé-vision

Le professeur Vital-Durand livrait ces réflexions à l'occasion d'une conférence dans le cadre du Symposium sur l'incapacité visuelle et la réadaptation à l'École d'optométrie le 2 février dernier. Le chercheur, qui dirige un laboratoire à Lyon, avait été invité à participer aux activités de la Semaine de la canne blanche, qui s'est ouverte avec l'inauguration du point de service de l'Institut Nazareth et Louis-Braille à l'École d'optométrie (voir Forum du 2 février).

M. Vital-Durand a expliqué que ses recherches sur la vision du nouveau-né ont été rendues possibles grâce à la mise sur pied d'une clinique spécialisée et multidisciplinaire nommée Bébé-vision. Elle a pour vocation le dépistage précoce des handicaps visuels. "Un enfant doit pouvoir apercevoir sa main à quatre mois. S'il ne le fait pas, il doit être suivi. L'encadrement précoce est fondamental."

Le chercheur est choqué quand les parents d'un bébé souffrant d'un handicap visuel attendent jusqu'à l'âge de 30 mois avant de consulter des spécialistes. "Nous pouvons noter chez un bébé une acuité de 1/200 dès l'âge de trois mois. Et ce problème, pris à temps, peut être corrigé et l'enfant aura une acuité fonctionnelle."

Comme on s'en doute, il n'est pas facile d'annoncer à des parents que leur enfant est presque aveugle. L'équipe de Bébé-vision comprend donc, outre l'ophtalmologiste, un orthopédiste, un psychologue, un kinésithérapeute, un éducateur spécialisé et un psychiatre. "Il est très important de savoir épauler les proches", dit le conférencier.

 

À l'autre bout de la vie

À l'autre extrémité du spectre des âges, les problèmes de vision chez les personnes âgées se multiplient depuis que l'espérance de vie a crû de façon significative. Par exemple, en France, une personne de plus de 75 ans sur quatre souffre de dégénérescence de la macula, une partie de la rétine permettant la vision fine et précise. La vision périphérique demeure claire mais un halo rend imprécis le centre du champ de vision.

Le seul traitement connu de ce mal présente un dilemme difficile. "Il s'agit de brûler au laser les endroits affectés. Le patient quitte la clinique avec une vision plus mauvaise qu'à son arrivée avec l'espoir que dans deux ans, ça ira mieux."

Il est démontré que, sur le plan optique, certains individus vieillissent beaucoup mieux que d'autres. Pour les chercheurs, c'est le grand axe de recherche, et l'espoir est permis tant du côté de la compréhension du phénomène que de celui des traitements.

Au cours du symposium de l'École d'optométrie, le professeur Jacques Gresset a fait le point sur l'incapacité visuelle au troisième âge. Il a rappelé que les principales causes de réduction des capacités visuelles après 65 ans sont la cataracte, la dégénérescence maculaire, le glaucome et la rétinopathie diabétique. Il a fait une évaluation de l'utilisation des services de réadaptation.

Jocelyn Faubert et Maurice Ptito, professeurs à l'École d'optométrie (ce dernier étant également rattaché au Département de psychologie), ont également présenté des résultats de recherches.

Mathieu-Robert Sauvé


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