J'ai remplacé
le petit pinceau par le gros!» C'est ce que répond
Ginette Pelletier quand on lui demande de nous parler de son cheminement
professionnel. Après des études collégiales
et universitaires en arts visuels, elle s'est trouvé un
emploi qu'elle espère conserver longtemps: peintre à
la Direction des immeubles. «J'aime ma job», dit la
seule femme parmi les 89 employés des métiers spécialisés
de l'Université de Montréal.
L'essentiel de son travail consiste à appliquer le gris
320921 MF. Il s'agit de la couleur choisie par les responsables
de l'entretien: un gris clair, peu salissant, durable. Les locaux
de classe du campus ont cette couleur, de même que les murs
intérieurs de la quasi-totalité des pavillons. Très
rarement on demande à Ginette Pelletier de conseiller une
autre couleur pour un local qui a une vocation particulière,
un café étudiant par exemple. «Je peux alors
mettre à profit mes connaissances en arts et mon expérience
auprès d'un décorateur professionnel.»
Cette continuité peut sembler lassante, mais pas pour Ginette
Pelletier. «Ce n'est jamais pareil», dit-elle. Quand
Forum l'a rencontrée, par exemple, elle venait de démonter
les échafaudages de l'escalier de l'aile G du Pavillon
principal, au neuvième étage, et ne savait pas où
ses services seraient requis par la suite.
«Des gens s'étonnent qu'une équipe de peintres
travaille toute l'année à l'Université de
Montréal. Mais comme le campus est très grand, il
y a toujours un endroit où la peinture est à refaire.
Aussitôt qu'on a terminé une section, on en entreprend
une autre.»
Métier non traditionnel
Les employés de l'Université de Montréal
qui exercent des métiers spécialisés comprennent
les électriciens, les plombiers-ferblantiers, les mécaniciens
de machines fixes, les peintres et les autres travailleurs qui
doivent obtenir des «cartes de compétence»
pour être reconnus (et engagés).
Pour Ginette Pelletier, la période d'apprentissage a consisté
en 6000 heures de travail auprès d'un entrepreneur, peu
après l'abandon de ses études. Elle a peint des
locaux commerciaux, des condominiums, des hôpitaux, des
résidences privées, bref, elle a fait un peu de
tout avant de poser sa candidature à la Direction des immeubles
en 1989.
Ginette Pelletier exerce un métier «non traditionnel»
pour une femme, mais elle se dit bien acceptée par ses
collègues. «C'est vrai qu'une femme doit faire sa
place. Dans la construction, je sentais que j'étais "testée".
On m'en faisait faire un peu plus pour voir ce que je dirais...
Quand j'ai obtenu mes cartes de compétence, j'ai senti
que j'étais plus respectée. Ici, je n'ai pas souffert
de discrimination.»
Sa présence aux activités de la Journée internationale
des femmes, en mars dernier, témoignait malgré tout
de sa reconnaissance envers les militantes qui ont fait avancer
la cause des femmes bien avant qu'elle choisisse de pratiquer
ce métier.
Peintre en plongée
Ce que fait Ginette Pelletier dans ses temps libres? Elle peint.
Sans blague. Elle aime beaucoup l'aquarelle. Mais elle touche
aussi à la photo, à la sculpture, et elle est une
adepte de plein air. En 1993, elle a entrepris à vélo
un long voyage sur la côte de la Floride.
Durant ce voyage, chaque fois qu'elle le pouvait, elle louait
du matériel de plongée pour jeter un coup d'oeil
aux fonds marins. Car elle est aussi plongeuse de niveau 2. Un
de ses prochains défis pourrait même être la
plongée sous la glace.
On est loin du gris 320921 MF.
Mathieu-Robert Sauvé