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Opinions


Amalgames au mercure:
pas de panique, mais prudence tout de même

Nous souhaitons apporter certaines précisions à l'article paru à la une de Forum (17 mars 1997) sous la plume de Mathieu-Robert Sauvé. Nous souscrivons au point de vue de notre collègue, le Dr Pierre Desautels, concernant les principales conclusions quant au risque toxique posé par le mercure provenant des obturations dentaires. En effet, selon des études réalisées par le groupe du professeur Robert Lauwerys en Belgique (Buchet, 1980 et Roels, 1982), on ne perçoit aucune perturbation précoce des systèmes nerveux et rénal dans des populations de travailleurs exposés au mercure, dans la mesure où la concentration de mercure dans leur urine ne dépasse pas environ 50 microgrammes par gramme de créatinine. Cette dernière mesure permet d'apprécier l'intensité de l'exposition «interne» de l'organisme en contact avec du mercure inorganique, c'est-à-dire provenant de sources autres que la consommation de poisson. Même en considérant qu'il se trouve dans la population générale des individus plus sensibles à la toxicité du mercure que les travailleurs des études de Lauwerys, la situation ne semble toujours pas poser de problème. En effet, on considère en général qu'il existe, au maximum, un facteur de susceptibilité de 10 entre les individus les moins et les plus sensibles. Cela nous amènerait à considérer que le plus sensible des individus de la population pourrait présenter, au pire, des manifestations précoces de toxicité lorsque sa concentration de mercure urinaire atteint 5 microgrammes par gramme de créatinine. Or, même cette dernière valeur est supérieure à celle que l'on rencontre habituellement dans une population qui n'a pas d'exposition au mercure dans son milieu de travail.

Là où les données de la littérature scientifique sont moins formelles, c'est en ce qui concerne les effets potentiels de ces faibles expositions au mercure sur le développement de l'embryon et du foetus. Selon la revue des données scientifiques que nous avons recensées en 1995, il semblerait que, pour demeurer dans le domaine des expositions sécuritaires quant à certaines manifestations d'embryotoxicité et de foetotoxicité, l'apport en mercure ne doive pas excéder de beaucoup celui auquel l'environnement contribue chez les personnes les plus exposées au mercure dans la population générale, incluant le mercure provenant des amalgames dentaires. Nous sommes donc d'avis que l'on ne peut affirmer aujourd'hui de façon catégorique que l'exposition au mercure provenant des amalgames dentaires soit absolument sans risque pour l'enfant à naître. Cependant, cette situation devrait être relativisée et examinée à la lumière des innombrables - et souvent inévitables - autres sources de faibles risques auxquelles sont soumises les femmes enceintes: consommation insuffisante de produits laitiers, exposition occasionnelle à la fumée de cigarettes des autres dans un endroit public, exposition à des vibrations découlant du roulement d'une voiture dans les nombreux «nids-de-poule» printaniers, etc.

Pour parodier la fin de l'article de M. Sauvé, les trois toxicologues signant cette lettre, tous de sexe masculin il est vrai, ont des obturations dentaires à base d'amalgames et n'ont pas l'intention de les faire retirer avant la fin de la vie utile de ces dernières. Sans compter qu'on n'est souvent pas nécessairement mieux informé de la toxicité des produits de remplacement et des risques encourus par les manoeuvres de leur remplacement plus fréquent.

Claude Viau, Jules Brodeur et Adolf Vyskocil
Professeurs au Département de médecine du travail et d'hygiène du milieu


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