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Coupables de négligence envers l'avenir!

Le tribunal étudiant mis sur pied par les fédérations étudiantes collégiale et universitaire du Québec (la FECQ et la FEUQ) a déclaré le premier ministre Lucien Bouchard ainsi que les ministres Bernard Landry, Jacques Léonard et Pauline Marois coupables de «négligence envers l'avenir».

C'est sous forme théâtrale que les étudiants ont choisi de juger les mesures de compressions budgétaires devant s'élever, dans le seul secteur de l'enseignement postsecondaire, à quelque 700 millions de dollars. Après une tournée d'une dizaine d'établissements collégiaux et universitaires, le tribunal, composé d'étudiants en théâtre de l'UQAM, a entendu le réquisitoire final à l'Université de Montréal le 19 mars dernier.

«Nous voulions manifester notre mécontentement de façon originale, par le théâtre d'intervention, qui permet de sensibiliser les étudiants et le grand public», nous déclarait la présidente de la Fédération étudiante universitaire, Jézabelle Palluy. «Nous voulions aussi aller au-delà des chiffres et présenter les conséquences concrètes des "coupures" telles qu'on les vit dans nos établissements.»

Jézabelle Palluy est étudiante au doctorat en technologie de l'éducation à l'U de M et faisait partie des témoins à charge qui ont étayé la preuve de la poursuite. «Négligence signifie "attitude d'une personne dont l'esprit ne s'applique pas à ce qu'elle fait ou à ce qu'elle devrait faire", a-t-elle souligné. Par ses compressions massives, le gouvernement Bouchard menace la qualité de l'éducation et entrave la réussite des étudiants.»

Or, selon la brochure contenant les preuves de l'accusation, distribuée aux spectateurs, Lucien Bouchard aurait déclaré le 29 janvier 1996 que «ce gouvernement, s'il réussit, sera le gouvernement de l'éducation et de la culture».

«Le gouvernement ne s'applique donc pas à faire ce qu'il devrait faire et il est coupable de négligence», a conclu la présidente de la FEUQ tout en signalant que l'éducation est garante d'une société libre et démocratique.

Le vice-président de la CSN, Roger Valois, avait lui aussi été invité à la barre des témoins de la poursuite. Il a pour sa part déclaré que Lucien Bouchard était cohérent dans ses actions. «En 1982, alors qu'il était négociateur pour le gouvernement, il conseillait de couper dans la santé et l'éducation, a rappelé le syndicaliste. C'est ce qu'il fait aujourd'hui.»

L'un des principaux arguments de la défense, qui devait plaider en l'absence des accusés, nous a ramenés au discours des ultramontains du siècle dernier: «L'éducation n'est pas nécessaire pour être heureux et le bonheur est dans l'ignorance.»

La création théâtrale a fait en outre une bonne place à la participation de la salle en invitant les étudiants à présenter leurs propres preuves. Cette originalité a ajouté un élément dynamique à la pièce tout en mettant à l'épreuve les aptitudes d'improvisation du juge et des avocats qui commentaient les accusations.

Par contre, il semble que les éléments concrets sur lesquels les organisateurs ont voulu mettre l'accent auraient justement pu être plus concrets. La situation, du moins celle vécue par les professeurs et les autres employés d'universités, paraît plus dramatique que l'image plutôt divertissante qu'en a rendu la pièce. La brochure distribuée à l'entrée faisait quelque peu contrepoids à cette image en présentant certains faits et chiffres que l'on a préféré ne pas inclure dans le plaidoyer.

Quoi qu'il en soit, le jury, composé de représentants de la FAECUM, n'a pas craint de s'en remettre à l'avis de la salle, qui a clamé à l'unisson et sans hésiter un verdict unanime: «Coupables!»

Daniel Baril


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