Un appel à l'action et au rejet de l'objectif «déficit
zéro».
À l'issue du
débat du 20 novembre dernier sur la défense de l'université,
les organisateurs de l'événement se disaient pleinement
satisfaits de la réussite de cette opération, une
première dans les annales de l'Université de Montréal
et qu'ils n'hésitaient pas à qualifier d'événement
historique.
Organisé par les associations étudiantes, syndicales
et professionnelles, le rassemblement avait pour but de sensibiliser
l'ensemble de la communauté universitaire à la situation
critique que traversent les universités et d'envoyer un
message à la ministre de l'Éducation pour lui signifier
le «ras-le-bol» général.
Environ 1300 personnes ont assisté au débat tenu
simultanément dans deux salles reliées par écrans
de télévision.
Rassembler tous les membres de la communauté autour de
la même cause constituait en soi un défi comportant
une certaine part de risque; un débordement des objectifs,
une récupération partisane, une trop grande dilution
du message dans des clameurs disparates ou même des défaillances
techniques pouvaient faire dérailler l'opération.
Tout s'est déroulé dans un ordre exemplaire.
Appel à l'action
Ce qui n'a pas empêché les propos d'être francs
et directs. Le débat s'est même ouvert de façon
pathétique lorsqu'une étudiante du Département
de géologie a pris, sanglots dans la voix, la défense
de son département menacé de fermeture. «L'Université
est-elle une compagnie à but lucratif?» a-t-elle
demandé.
Plusieurs participants, principalement des étudiants, ont
ainsi invité les organisateurs à aller au-delà
des déclarations et à passer à l'action.
Une professeure de la Faculté de musique a même invité
l'Université à «l'insoumission» plutôt
qu'à la soumission face au discours sur les compressions
budgétaires.
Le secrétaire général de la FAECUM, Alexandre
Chabot, a pour sa part dû essuyer plusieurs critiques d'étudiants
dénonçant le manque de militantisme de leur fédération
qui a, selon eux, laissé faire la lutte sur les droits
de scolarité par les cégépiens. Pour M. Chabot,
c'est l'ensemble du mouvement étudiant, dont la FAECUM
et la FEUQ qui rencontraient la ministre Marois avant sa prise
de décision, qui a marqué le point. «La vraie
lutte reste à venir sur la question des compressions et
les revendications ne doivent pas se faire n'importe comment ni
sur le dos de tout le monde», a-t-il ajouté.
Un employé du Service des bibliothèques est même
allé plus loin que les étudiants en suggérant
la gratuité scolaire à l'université. Un objectif
irréaliste, a rétorqué une représentante
de la jeune génération qui rejette le syndrome du
«pas dans ma cour» et qui estime que tous doivent
faire leur part.
Pour Sébastien Blais-Ouellette, représentant étudiant
au Conseil de l'Université, il est absurde de brimer maintenant
l'accessibilité des jeunes aux études sous prétexte
qu'ils doivent faire leur part puisque, dit-il, «nous aurons
encore à faire notre part lorsque nous serons au travail».
Plusieurs intervenants et conférenciers ont par ailleurs
tenu à situer la crise du financement universitaire dans
le contexte de l'objectif du «déficit zéro»
que s'est imposé le gouvernement québécois
d'ici trois ans. Cet objectif est considéré comme
aussi irréaliste que néfaste et précipité
alors que le président de l'AGEEFEP, Robert Martin, y voit
une expression du «credo néolibéral».
De l'avis de ces tenants, le gouvernement doit cesser de couper
dans les dépenses et les salaires, mettre un terme au cercle
vicieux du chômage et regarder du côté des
revenus. Les suggestions vont de l'impôt sur les successions
jusqu'à «couper dans le gras, comme les doyens et
vice-doyens»!
Une voie dissidente a préféré mettre les
gens en garde contre les dangers de l'endettement collectif.
Toujours au chapitre des inégalités sociales et
économiques, André Tremblay, président du
SGPUM, s'est dit «révolté par l'attitude des
gros bonnets et des représentants de chambres de commerce
qui ont profité de l'université et qui aujourd'hui
disent non aux jeunes». Il y est allé d'un vibrant
plaidoyer à l'appui de l'ensemble des revendications de
la jeunesse qui se heurte à des portes fermées.
«C'est une journée de solidarité indéfectible
à la jeunesse», a-t-il lancé.
Mais de tous les conférenciers, ce fut Larry Gagnon, président
du syndicat des employés d'entretien, qui a soulevé
le plus d'enthousiasme et mérité le plus d'applaudissements.
Avec un parler franc et coloré qu'on entend peu en milieu
universitaire, il a dénoncé les orientations élitistes
des politiques en santé et en éducation et montré
que les employés d'entretien sont «pleinement conscients
de la problématique actuelle. Malgré notre petit
salaire, a-t-il déclaré, notre personnel est très
fier et dévoué aux étudiants. Lorsque vous
nous verrez dans les corridors, vous saurez que nous soutenons
la cause des étudiants. Nous sommes faciles à reconnaître;
nous sommes habillés en bleu!»
Daniel Baril