L'Université souligne le départ à la
retraite de ses employés.
Après 36 ans
passés à l'Université de Montréal,
Nicole Lanthier a décidé de... retourner aux études!
Secrétaire au Département de linguistique et de
traduction, Mme Lanthier faisait partie des 99 membres du personnel
qui ont pris leur retraite entre le 1er juillet et le 1er novembre
et dont le départ a été souligné le
12 novembre, dans le hall d'honneur du Pavillon principal.
Depuis qu'elle a quitté son emploi le 1er juillet, son
agenda n'a jamais été aussi chargé. Elle
tient la forme, Mme Lanthier. Elle rayonne. Elle mord dans la
vie à belles dents. Chez elle, la retraite est un bain
de jouvence.
«Quand je travaillais, j'ai commencé un certificat
en études pastorales chez les pères dominicains.
J'avais peu de temps pour étudier et, maintenant que je
suis à la retraite, eh bien... on dirait que j'en ai encore
moins!» lance-t-elle, visiblement éberluée
par son propre train de vie. Il faut dire que son travail bénévole
à l'hôpital Notre-Dame accapare de grands pans de
sa vie.
«J'ai toujours aimé travailler avec les professeurs
pour apprendre des choses, poursuit la nouvelle étudiante.
Je me suis toujours répété que puisqu'il
faut travailler aussi bien le faire en apprenant quelque chose.
C'est une bonne façon de rester jeune.»
À la cérémonie du 12 novembre, chacun des
retraités présents était accompagné
de son supérieur. «Vous avez contribué de
façon utile à la mission universitaire», leur
a rappelé le recteur Simard. Tous ont reçu une gravure
à tirage limité de 100 exemplaires représentant
l'établissement.
De ces 99 personnes, 83 ont accepté les offres de l'Université
dans le cadre du programme de départ volontaire. La moyenne
d'ancienneté était de 26 ans. Si l'on inclut ceux
qui ont pris leur retraite entre le 1er juillet 1995 et le 1er
juillet 1996, ils sont 224 membres du personnel non enseignant
qui ont quitté l'Université.
Les nouveaux retraités de l'U de M ne sont pas sur le déclin,
on vous l'assure. Forum en a interviewé quelques-uns qui
se portent très bien, merci. Bien sûr, ils s'ennuient
de leurs camarades, mais ils ont tous mille et une occupations
et projets qui leur tiennent à coeur.
C'est le cas de Nicole
Brazeau, secrétaire administrative au Département
d'histoire, qui attendait ce moment pour relancer sa carrière
d'artiste peintre. «Je prépare une exposition solo
pour septembre 1997, dit-elle. La retraite accorde des temps de
réflexion. C'est important, car la peinture n'est pas que
le fait de mettre de la couleur sur une toile. C'est aussi un
cheminement intellectuel et spirituel.
Elle a quitté son poste le 1er juin; elle était
employée de l'Université depuis 31 ans.
Mme Brazeau ne veut pas se faire happer par des tâches quotidiennes.
«Quand on travaille, le reste de notre vie est tassé
dans un coin. Mais là, on dirait que ces petites choses
s'avancent vers nous. Je n'ai pas l'intention de me laisser envahir.
La peinture va devenir mon 9 à 5», ajoute-t-elle.
Avant d'accrocher définitivement sa cravate le 1er octobre,
Pierre Dupras, un cadre de l'établissement, a travaillé
durant quelques années à la mise sur pied des programmes
paritaires de santé et de sécurité au travail.
Maintenant, il met à profit la vaste expérience
qu'il a acquise durant sa carrière dans ses engagements
sociaux. Vice-président du conseil d'administration de
la caisse populaire de Saint-Eustache, il siège également
au conseil de la fondation Cardinal-Léger et ses oeuvres.
C'est sans compter tout le temps qu'il consacre à ses deux
petits-fils, à faire des travaux sur son terrain et à
se la couler douce à son chalet.
Moqueur et ne dédaignant pas jouer des tours à l'occasion,
M. Dupras s'est fait joyeusement retourner l'ascenseur par ses
collègues le jour où un de ses homonymes, peintre
de son état, a présenté une importante exposition
à Montréal. Laissons-lui la parole.
«Il y avait ce peintre, Pierre Dupras, qui tenait une exposition
et le directeur des relations publiques de l'époque, André
Bouchard, avait fait imprimer quelques exemplaires du bulletin
d'information me félicitant pour cet important événement.
On lisait que j'avais une renommée internationale et que
j'avais exposé à Paris et New York. Mes collègues,
qui étaient dans le coup, sont tous venus me féliciter
chaleureusement et ils me disaient de me préparer parce
qu'une équipe de Radio-Canada s'en venait faire un reportage.»
De son côté,
Jean-Louis Lacas a pris sa retraite le 31 juillet dernier, après
32 ans de bons et loyaux services. Ah, la belle vie! Il se voyait
faire tranquillement de menus travaux dans le jardin pendant que
madame, elle, partirait pour le boulot tous les matins. Surprise!
Elle a été mise à pied.
«Moi qui pensais être tout seul à la maison...
J'ai dit à ma femme que j'étais déçu.
Je n'ai pas arrêté de la taquiner avec cette histoire-là»,
raconte en riant M. Lacas, journalier au CEPSUM.
Il ne le dira pas, mais ce changement au programme n'a pas dérangé
d'un iota son bonheur de rester à la maison. «Je
suis heureux comme un roi. J'ai fait ma part et je donne la chance
à un autre», ajoute-t-il.
Rachel Elmoznino et sa belle-soeur, Victoria Elmoznino, ont quitté
leur emploi en même temps. Secrétaire au Département
d'éducation physique, Rachel était accompagnée
de son mari, lui aussi retraité; ils préparent un
voyage de deux mois. De son côté, Victoria, assistante
à la gestion des dossiers étudiants au Département
de communication, avoue avoir «le coeur gros» certains
jours.
Conservent-elles de bons souvenirs de l'Université? «Excellents»,
répondent-elles à l'unisson.
Sans doute, tous ont-ils ramassé leurs souvenirs au cours
des dernières semaines et à l'occasion de cette
rencontre. Émus, ils l'étaient sans doute. Peut-être
un peu tristes, même.
État d'âme bien différent de celui d'un des
employés du traiteur retenu pour cette cérémonie.
«Moi, je viens de terminer ma maîtrise en sociologie.
Ça doit servir à cela, des maîtrises en sociologie:
faire des bons serveurs», a-t-il lancé en lissant
son veston noir.
André Duchesne