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Le travail rémunéré est devenu
indispensable aux études

Arnaud Sales craint le cercle vicieux d'une augmentation des droits de scolarité.

Le travail rémunéré est la principale source de revenus des étudiants de l'U de M, qu'ils soient à temps complet ou à temps partiel. Pour 72 % d'entre eux, les revenus proviennent principalement du travail estival, alors que près de 50 % conservent un emploi rémunéré pendant les semestres d'études.

Seulement 47 % des étudiants reçoivent une contribution de leurs parents, 44 % profitent d'un prêt gouvernemental et 19 % d'une bourse gouvernementale.

Ces chiffres sont tirés de l'étude menée par le groupe de recherche CODEVIE du Département de sociologie et dirigé par Arnaud Sales. Le groupe a publié, en septembre dernier, une vaste enquête effectuée auprès de 2400 étudiants de 12 établissements universitaires québécois et portant sur les conditions de vie des étudiants universitaires. À la demande de la FAECUM, le groupe a tracé le portrait des étudiants de l'Université de Montréal à partir de cette enquête.

Parmi les données importantes, on apprend que 78,6 % de ceux qui conservent leur travail pendant qu'ils étudient considèrent que leur emploi est indispensable à la poursuite de leurs études. Ce n'est donc pas par fantaisie ou caprice que les étudiants optent pour ce genre de vie puisque près de 67 % de ceux qui travaillent jugent qu'il est difficile ou très difficile de concilier travail et études.

Plus pauvres à l'U de M

Le travail d'été rapporte en moyenne 5042 $ aux étudiants et le travail pendant le trimestre 4156 $. Par comparaison, la contribution financière des parents s'élève à 1766 $. Il en reste bien peu de chose en considérant que les dépenses moyennes dépassent 8000 $ pour une année d'études. Les droits de scolarité comptent pour 27 % de ces dépenses, ce qui constitue le poste budgétaire le plus important.

La contribution des parents des étudiants de l'U de M est par ailleurs moins élevée que celle dont jouissent les étudiants de l'Université McGill, où elle s'élève à 2571 $. Ils sont plus de 61 % à en bénéficier. «Ceci peut s'expliquer par l'origine sociale et la situation financière plus avantageuse d'une proportion importante des étudiants de McGill», écrivent les auteurs du rapport.

Pour Arnaud Sales, ceci montre également que la clientèle de l'Université de Montréal, contrairement à ce que l'on croit souvent, ressemble plus à celle de l'UQAM qu'à celle de McGill. À l'UQAM, la contribution des parents est de 1584 $ en moyenne.

La provenance sociale de la clientèle incite également à ce rapprochement: 28 % des étudiants de l'U de M proviennent de milieux professionnels; ils sont 25,5 % à l'UQAM, mais 34 % à McGill. À l'autre bout de l'échelle sociale, la provenance du milieu ouvrier compte pour 25 % à l'U de M, 28 % à l'UQAM et 13 % à McGill.

Les revenus de nos étudiants étant moindres, les prêts sont plus élevés: 4118 $ en moyenne pour un étudiant de l'U de M contre 3 686 $ pour celui de McGill. L'envers de cette médaille, c'est que plus d'étudiants d'ici sont endettés. Ils sont en effet 58 % (chez les étudiants à temps plein) à avoir contracté une dette d'études contre 36 % à McGill. Curieusement, le taux d'endettement est moindre à l'U de M qu'à McGill, soit 8757 $ contre 9386 $.

Si l'on ajoute à la dette d'études la part de l'endettement attribuable à d'autres causes, l'endettement total d'un étudiant à plein temps atteint 10 339 $ et celui d'un étudiant à temps partiel 15 355 $.

Le niveau des revenus a par ailleurs une incidence sur l'interruption des études. Plus de 26 % des étudiants à temps plein de l'U de M ont interrompu leurs études universitaires à un moment ou à un autre, alors que ce taux est de 19,4 % à l'UQAM et de seulement 12 % à McGill. La principale raison de ce décrochage temporaire est financière.

Cercle vicieux

Devant ce portrait de la situation, les auteurs du rapport concluent que «le revenu total moyen des étudiants n'est pas très élevé et qu'ils ont des dépenses considérables. Par ailleurs, il est difficile pour les parents qui font face à un niveau élevé de taxation par les instances fédérale, provinciale, municipale et scolaire de contribuer financièrement aux études de leurs enfants. Aussi, on s'inquiétera du fait qu'une importante proportion de parents ne peuvent contribuer à ces études. Les étudiants doivent donc pour maintenir leur statut avoir un travail rémunéré.»

Arnaud Sales s'inquiète de l'effet en chaîne que pourrait avoir une hausse des droits de scolarité ou toute autre mesure conduisant à une augmentation du coût des études. «Advenant une hausse, l'accessibilité sera réduite pour les familles à faibles revenus, surtout en régions, déclare-t-il. Les étudiants devront travailler plus longtemps pour payer leurs études ou s'endetter davantage. Ils vont retarder leur entrée à l'université et interrompre plus souvent et plus longtemps leurs études, ce qui en prolongera la durée.»

L'âge moyen sera lui aussi haussé, avec pour conséquence des responsabilités sociales plus lourdes pour les étudiants. «Tous ces facteurs, qui se feront sentir encore davantage aux cycles supérieurs parce que l'aide des parents est moindre et que les étudiants ont plus de responsabilités, contribuent à augmenter le coût à la fois pour les individus et pour la société.»

Si l'augmentation était assortie d'un régime de prêts et bourses plus généreux, l'opération ne serait qu'un demi-succès puisque le gouvernement redonnerait d'une main une partie de ce qu'il aurait pris de l'autre, conclut le directeur du CODEVIE.

Daniel Baril


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