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À la défense de l'université

Le 20 novembre dernier, toute la communauté universitaire de l'U de M était conviée à un important débat sur les menaces planant sur les universités. Les huit conférenciers1 représentant cette communauté ont misé sur les points de convergence qui les rassemblent, ce qui a donné lieu à la déclaration commune suivante.

La crise que traversent les universités québécoises n'est pas que la crise des universités. C'est l'avenir même de la société québécoise qui est en jeu.

C'est cet avenir, menacé par les compressions sans précédent qui risquent de compromettre les acquis de ces 25 dernières années, que tous les membres de la communauté universitaire - étudiants, professeurs, chargés de cours, cadres, employés de soutien et professionnels de l'Université de Montréal - veulent défendre par leur action solidaire d'aujourd'hui.

L'éducation ne doit pas être considérée comme une dépense mais comme un investissement collectif. Ce qui pourrait n'être qu'un slogan à la mode doit devenir le fondement, au chapitre de l'éducation, de la redéfinition d'un nouveau contrat social. Pour une société, la formation universitaire n'est en effet pas un luxe mais une nécessité indispensable pour former des professionnels de haute qualité dans tous les domaines d'activité, faire face aux nouveaux enjeux sociaux et aux défis de la mondialisation, et développer un regard critique sur la société.

Que vaudrait cette formation sans un nombre suffisant de professeurs, de chercheurs et de chargés de cours pour transmettre et produire le savoir? Que seraient ces mêmes universités sans les employés de soutien, les secrétaires, les bibliothécaires, les réceptionnistes, les agents de recherche, les responsables de programmes, les cadres, les préposés à l'admission, les techniciens de laboratoire ou les préposés à l'entretien dont le rôle est essentiel à la mission première des universités, soit assurer un enseignement supérieur de haut niveau?

Toutes ces personnes n'ont par ailleurs plus aucune raison d'être si les universités se vident de leur matière première, c'est-à-dire les étudiants. Sans le maintien d'une large accessibilité, l'université court à sa perte.

Tout ceci est pourtant menacé. Faisant face à des compressions incessantes depuis plus d'une dizaine d'années, les universités ont atteint le point critique au-delà duquel le maintien de cette formation de qualité ne pourra plus être assuré. Les conséquences se sont déjà fait sentir sur les étudiants: hausse des frais de scolarité, augmentation du nombre d'étudiants par classe, endettement inacceptable pour une majorité d'entre eux. Pour toute une génération, ceci se traduit par un marché du travail aux portes fermées et un avenir à l'horizon bloqué.

Conscients de la nécessité d'une saine gestion des fonds publics, les autres membres de la communauté universitaire se sont eux aussi pliés à d'énormes sacrifices: gel salarial, congés sans solde, retraite anticipée, mises en disponibilité, recyclage, relocalisation, réduction substantielle du nombre d'employés, de professeurs, de cadres et de professionnels dans tous les secteurs.

L'Université de Montréal s'est pour sa part mise à la tâche de la rationalisation de la gestion administrative, financière et des ressources humaines; au regroupement des services et des activités de soutien à l'enseignement et à la recherche; à la révision de l'ensemble des programmes pour mettre fin aux dédoublements de cours; et à l'implantation des nouvelles technologies de communication.

De nouvelles compressions ne pourraient que mettre en péril ces transformations déjà en cours et, surtout, compromettre l'accessibilité aux études universitaires. Alors que le retard en matière de diplomation entre le Québec et ses voisins est à peine comblé, alors qu'une enquête vient de nous rappeler que les étudiants québécois francophones sont plus endettés que leurs confrères anglophones, toute politique qui limiterait l'accès aux études ne ferait qu'aggraver ce retard et appauvrir le Québec tant intellectuellement qu'économiquement. L'accessibilité implique le maintien et la stabilité du financement public ainsi que l'élargissement des programmes de prêts et bourses, notamment aux étudiants à temps partiel.

La communauté universitaire est également consciente des attentes de la population à son égard et des critiques qui lui sont adressées. Malgré le contexte difficile, elle s'engage à relever le défi de la qualité, à combattre le décrochage, à susciter le désir d'apprendre, à axer la formation sur les nouveaux besoins de la société et à rechercher la concertation interuniversitaire au-delà des missions spécifiques de chacune des universités.

Le rassemblement d'aujourd'hui témoigne d'un esprit de collaboration qui dépasse les intérêts particuliers des divers groupes représentés. Cet engagement collectif et solidaire de toute la communauté de l'Université de Montréal à défendre la raison d'être de l'université et la qualité de la formation constitue un message clair et non équivoque lancé à la ministre de l'Éducation: si l'université est menacée, ceux qui y vivent et qui la font vivre, ceux qui y étudient et ceux qui y travaillent refusent de baisser les bras. Ils refusent d'être les complices silencieux du démantèlement de l'institution qui a fait entrer le Québec dans la modernité et qui a assuré son développement technologique, social et économique.

(Les conférenciers étaient Gisèle Picard (ACPUM), Suzanne Bertrand (SEUM), Alexandre Chabot (FAECUM), Larry Gagnon (SEEUM), Robert Martin (AGEEFEP), André Tremblay (SGPUM), Chantal Gamache (SCCCUM) et Louis Maheu (FES). La rédaction de la déclaration a été confiée à Daniel Baril, journaliste à Forum.)


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