Les techniques interactives peuvent jouer un rôle
complémentaire aux moyens traditionnels.
Même si les expériences
sont encore timides et peu nombreuses au Québec, les nouvelles
techniques de communication faisant déjà partie
de notre environnement quotidien font leur entrée dans
les musées. Non pas comme objets anciens, mais comme instruments
de création artistique et comme outils de transmission
d'information.
L'exposition annuelle Images du futur, dans le Vieux-Port de Montréal,
nous a familiarisés avec la création par ordinateur
et le Musée d'art contemporain a déjà à
son actif quelques expositions d'oeuvres virtuelles faisant appel
à la créativité des visiteurs.
De façon moins spectaculaire et moins «high-tech»,
plusieurs musées à vocation scientifique ont intégré
à leur mobilier des appareils dits interactifs livrant
un complément d'information ou permettant aux visiteurs
de mesurer leurs connaissances.
«Par "interactif", il faut entendre les moyens
multimédias combinant le son, l'écrit et l'image
sur un support informatique permettant de sélectionner
l'information désirée», explique Roxane Bernier,
qui consacre sa thèse de doctorat au rôle novateur
que peuvent jouer ces techniques.
À son avis, l'interactivité constitue un excellent
moyen de diffusion du savoir dans les musées. Elle s'est
intéressée entre autres à deux cédéroms
utilisés pour l'exposition Forêt verte, planète
bleue au Musée de la civilisation de Québec l'année
dernière. L'un des cédéroms présentait
un jeu portant sur l'exploitation forestière alors que
l'autre comprenait un dictionnaire spécialisé sur
la forêt laurentienne avec accès par images.
«Le jeu a été plus apprécié
parce qu'il permettait de mesurer ses connaissances, observe l'étudiante.
Par contre, plusieurs ne prenaient pas le temps de lire les consignes,
pensant savoir comment faire. Ils ne comprenaient pas pourquoi
ils échouaient et devaient recommencer.» Les usagers
préfèrent, dans de tels cas, que les textes soient
limités au minimum ou qu'ils soient remplacés par
la voix. «Il faut que les gens aient compris dans les 15
premières secondes et les textes ne devraient pas avoir
plus de cinq ou six lignes», affirme-t-elle.
«Les gens s'attardent souvent plus aux aspects techniques
des bornes interactives qu'au contenu de l'information»,
ajoute-t-elle. La technologie des cédéroms utilisés
au Musée de la civilisation n'était pas à
la hauteur de ce à quoi un certain public peut s'attendre.
Les appareils simplifiés à l'extrême ne comportaient
que quelques boutons alors que les visiteurs s'attendent à
manipuler des appareils sophistiqués et à vivre
des expériences de réalité virtuelle.
Roxane Bernier se demande d'ailleurs si le fait de pouvoir tester
ses connaissances n'a pas eu plus d'attrait pour le public que
l'aspect interactif de l'appareil.
L'interactivité en France
L'étudiante est également allée voir ce qu'il
se faisait dans ce domaine en France, où elle a observé
deux expériences d'animation multimédias à
la Cité des sciences et de l'industrie à Paris.
L'une de ces animations était complétée par
un cédérom présentant les techniques médicales
et l'autre par des vidéoconférences où le
public pouvait communiquer avec des spécialistes de divers
domaines.
Là également, le public aurait voulu du virtuel
et le cédérom est apparu trop limité. «Les
visiteurs auraient voulu s'en servir pour approfondir ce qui avait
été abordé dans l'animation alors que le
multimédia ne faisait que présenter les types d'interventions
selon les différentes parties de l'anatomie.»
Quant aux vidéoconférences, il semble que des objectifs
trop ambitieux aient rendu le message confus. «La technologie
était à la fois un support et un sujet, si bien
que l'on ne sait plus si les organisateurs voulaient montrer la
technologie, en parler au public ou la faire expérimenter
aux visiteurs, se demande Roxane Bernier. Le spectacle finit par
prendre plus de place que le contenu.»
Un complément
Mme Bernier croit toutefois que l'ordinateur a sa place dans un
lieu culturel comme un musée. «Les gens ne sont pas
du tout rebutés par cette technologie et, comme ils l'utilisent
dans leur vie de tous les jours, ils s'attendent à la retrouver
dans les musées.» Elle a observé les réactions
du public et tous - jeunes et adultes, hommes et femmes - se sont
montrés intéressés par les moyens interactifs.
Seules quelques personnes âgées ne s'y sont pas attardées.
«Mais, ajoute l'étudiante, l'ordinateur ne doit pas
être utilisé comme une simple affiche ou un guide
d'exposition. Les gens s'attendent à une véritable
interaction et il faudra perfectionner la technologie. Ils désirent
aussi un contenu offrant plus que l'exposition traditionnelle.
«Il faut par ailleurs conserver les guides et les animateurs,
poursuit-elle. Les gens ne veulent pas être laissés
seuls avec des ordinateurs. Sinon, ils disent pouvoir faire la
même chose à la bibliothèque. Les ordinateurs
doivent être un support technique complétant une
animation.»
Roxane Bernier poursuit présentement l'analyse des 80 entrevues
menées dans le cadre de ce doctorat codirigé par
Marcel Fournier, du Département de sociologie, et Jean
Davallon, du Centre d'étude et de recherche sur les expositions
et musées (CEREM) de l'Université Jean-Monnet à
Saint-Étienne, en France. Elle a obtenu, entre autres,
des subventions du ministère des Relations internationales
et du Musée de la civilisation de Québec.
Daniel Baril