Les applications vont des voitures aux satellites en passant
par les contenants alimentaires.
L'École Polytechnique
inaugurait, le 9 octobre dernier, sa toute nouvelle Chaire industrielle
en plasma basse pression.
«Le plasma est un gaz qui a été ionisé
par décharge électrique et qui est électriquement
neutre», explique le titulaire de la Chaire, Michael Wertheimer.
Les plasmas sont considérés comme un quatrième
état de la matière, après les états
solide, liquide et gazeux. La presque totalité de la matière
connue dans l'univers est sous forme de plasma puisque les étoiles
et les nuages de poussière interstellaire en sont constitués.
Plus près de nous, la foudre et les aurores boréales
en sont d'autres manifestations bien connues.
La chaire en plasma ne produira ni quasars ni spectacles célestes
mais contribuera à l'amélioration de différents
produits faisant partie de la vie de tous les jours, comme les
emballages de produits alimentaires, les pièces automobiles
et même les satellites qui vous permettent de recevoir vos
bulletins quotidiens de nouvelles télévisées.
Applications industrielles
«Les plasmas créent des particules chimiquement très
réactives qui peuvent se déposer en très
minces couches sur divers supports de plastique, de papier ou
de métal, reprend M. Wertheimer. L'une des premières
applications industrielles d'un tel traitement a été
son utilisation dans la fabrication de circuits électroniques
intégrés comprenant de minces couches de silicium
et de ses composés.»
Lorsqu'on dit «très minces couches», on est
dans le très très mince; on parle alors en micromètres
et même en nanomètres (10-9 m), ce qui peut aussi
se mesurer en nombre de couches moléculaires.
À partir des applications en électronique, l'industrie
de l'automobile s'est demandé si elle pouvait tirer des
avantages de ce procédé. Pour alléger les
voitures, on recourt de plus en plus à des polymères
dont certains n'offrent aucune adhérence à la peinture.
Le traitement de ces pièces, tels pare-chocs ou boîtiers
de rétroviseur, au plasma d'air ou d'oxygène en
modifie la surface et permet à la peinture d'y adhérer
fortement.
L'étanchéité des réservoirs d'essence
pourrait aussi être améliorée. «Les
réservoirs sont maintenant faits de plastiques partiellement
perméables aux vapeurs d'essence, explique le professeur.
Un traitement au plasma les rendrait moins perméables,
ce qui réduirait la pollution causée par ces gaz
à effet de serre.»
Un des volets de la chaire en plasma, financé par la compagnie
Ford, porte sur le développement de ces applications aux
pièces automobiles.
L'industrie alimentaire est également intéressée
par le procédé, qui permet de fabriquer des contenants
parfaitement étanches. Les pellicules de polymères
de type cellophane avec lesquelles on enveloppe certains aliments,
par exemple, laissent passer l'oxygène, ce qui entraîne
la dégradation du produit. Dans d'autres emballages, comme
les cartons de jus ou les sacs de viniers, on a ajouté
une couche d'aluminium au contenant, ce qui le rend non recyclable
et dispendieux.
Une application d'oxyde de silicium par traitement au plasma règle
ces deux problèmes. L'oxyde de silicium, qui est en fait
du simple verre, est complètement inerte tout en étant
transparent à la lumière et aux micro-ondes. Ceci
permettrait d'avoir des contenants translucides, parfaitement
recyclables et pouvant être utilisés dans les fours
à micro-ondes contrairement à ceux comportant de
l'aluminium.
De tels produits ont déjà fait leur apparition sur
le marché. La compagnie Polar Materials de Toronto, qui
fabrique des emballages de produits pharmaceutiques et alimentaires,
est un autre partenaire financier qui a confié à
la chaire le mandat d'élaborer le procédé.
Protéger les satellites
Comme l'oxyde de silicium n'est pas altéré par l'oxygène
moléculaire ou atomique, il revêt un intérêt
particulier pour la protection des satellites. À basse
altitude, les satellites sont érodés par l'oxygène
atomique produit par l'effet des rayons ultraviolets sur les molécules
d'oxygène. En revêtant les pièces extérieures
d'une couche d'oxyde de silicium, on les protège contre
l'érosion et leur durée de vie est nettement augmentée.
Le satellite d'observation Radarsat 2, qui comme son prédécesseur
actuellement en service verra de nuit et à travers les
nuages, bénéficiera de ce type de revêtement
protecteur sur lequel l'équipe de Michael Wertheimer poursuit
des recherches depuis près d'une dizaine d'années.
Forum a fait état d'une expérience dans cet axe
de recherche en présentant, en avril dernier, les travaux
d'Alain Houdayer portant sur les pièces électroniques
des satellites. M. Houdayer espérait alors pouvoir livrer
le matériel d'expérience, incluant le revêtement
d'oxyde de silicium, à la station orbitale Mir pour le
mois de mai.
Mais il n'y a pas qu'à Postes Canada où les délais
de livraison sont parfois plus longs que prévu, si bien
que le matériel est toujours sur le campus. M. Wertheimer
nous assure que l'expédition qui devrait emporter le précieux
colis est «imminente».
Pour mener à bien toutes ces recherches, la Chaire en plasma
bénéficie d'une subvention de 825 000 $ du CRSNG
et d'un financement de 750 000 $ provenant des compagnies Ford
et Polar Materials. Ces subventions, accordées pour une
période de cinq ans, sont renouvelables.
Le titulaire, Michael Wertheimer, professeur au Département
de génie physique, a été boursier Killam
et possède une renommée internationale dans le domaine
des applications de couches minces. Son équipe scientifique
est composée de Gregory Czeremuszkin, Jolanta Sapieha,
Ludvik Martinu, Georges Cerny et Gilles Jalbert, ainsi que de
plusieurs étudiants des cycles supérieurs et de
stagiaires postdoctoraux.
Daniel Baril