Volume
35 numéro 2
5 septembre 2000
|
|
|
Les
50 ans de Musique
De
la musique sacrée au jazz, la Faculté adoucit les moeurs.
|
Robert
Leroux a été doyen de la Faculté de
musique pendant une décennie, de 1988 à 1997,
après y avoir été professeur de nombreuses
années. Il a quitté son poste pour accepter
le décanat de la Faculté de léducation
permanente. Cette décision a surpris beaucoup de
monde. «Et moi aussi», dit-il. |
|
Quand il était
doyen de la Faculté de musique, Robert Leroux aimait faire
un pari avec sa femme lorsquil allumait le téléviseur
en fin de soirée: «Je lui disais: Si lon
ne trouve aucun de nos anciens étudiants parmi les musiciens
démissions de variétés, je te donne 5$.
Je les lui ai rarement donnés.»
Céline
Dion, le Cirque du soleil, les réseaux de télévision
TQS, TVA et Radio-Canada comptent tous dans leurs formations musicales,
de manière régulière, des musiciens issus de
lUniversité de Montréal. Robert Leroux, aujourdhui
doyen de la Faculté de léducation permanente,
en est fier. «Durant les années 1980, nous étions
deux professeurs René Masino et moi à
nous demander comment il se faisait quune université
comme la nôtre ne compte pas de secteur jazz. Nous avons monté
un projet et ça a marché.»
|
Larrivée
de Jean-François Rivest à lUniversité
de Montréal, en 1992, a permis la création
dun orchestre aujourdhui reconnu par le milieu
culturel montréalais, lOUM (Orchestre de lUniversité
de Montréal). Quelques années plus tard, une
spécialiste du chant qui enseignait à lUniversité
de Toronto, Rosemarie Landry, est venue donner un nouveau
souffle à lAtelier dopéra. Résultat:
des productions remarquables dont cette Flûte enchantée,
de Mozart, en 1999. |
|
Et comment! Les étudiants du secteur jazz se trouvent du travail
facilement, au point où certains ne parviennent pas à
obtenir leur diplôme, les contrats étant trop alléchants
pour être refusés.
Le 18 octobre 1950, lorsque la Faculté de musique est officiellement
créée afin de «former des musiciens déglise»,
on est loin de se douter quun demi-siècle plus tard des
spécialistes du jazz et de la musique électroacoustique
y recevraient leur formation. Les deux seuls instruments enseignés
sont alors le piano et lorgue, et la Faculté compte une
douzaine détudiants. Aujourdhui, elle accueille
600 étudiants aux trois cycles et présente quelque 450
concerts par année. Le secteur de la musique sacrée
est encore présent, mais il a cédé le pas à
ce quon appelait alors le «profane».
|
De
prestigieux musiciens viennent à loccasion donner
des «classes de maître» à la Faculté
de musique. Devant quelques étudiants bien préparés,
le maître donne un mini-cours particulier. Ici le flûtiste
Emmanuel Pahud observe linterprétation de Ève-Marie
Durand. Bientôt, les chanteurs auront loccasion de
se mesurer à une grande vedette: José Van Dam. |
Étudiant,
puis professeur
Arrivé à la Faculté de musique
comme étudiant en 1960, Massimo Rossi a terminé des
baccalauréats en musique profane et en musique sacrée
avant dobtenir sa licence en 1963. À la collation des
grades, en 1964, on lui offre des charges de cours. Trois ans plus
tard, il devient professeur assistant, puis professeur agrégé.
Jusquà 1997, il a enseigné à plusieurs
générations détudiants et connu lévolution
de la Faculté. «Les temps ont changé, dit cet
organiste dorigine italienne. Depuis le Concile de Vatican II,
il ne se fait plus de grégorien et très peu de polyphonie
dans les églises. Donc, on ne les enseigne plus. Cest
dommage parce que ce sont des styles à connaître pour
bien comprendre lévolution de la musique.»
Malgré un ton légèrement nostalgique, Massimo
Rossi salue la bonne réputation que la Faculté sest
bâtie au fil des ans, tant dans le secteur de la composition
que dans celui de linterprétation. Il rappelle notamment
que des grands noms de la musique comme Olivier Messiaen et Karlheinz
Stockhausen sont venus y rencontrer des étudiants. «La
Faculté a toujours été très dynamique»,
dit-il.
En présentant les concerts à venir dans le cadre des
célébrations du 50e anniversaire de la Faculté,
le musicologue Jean-Jacques Nattiez, directeur artistique, a signalé
que la composition y tiendra une place de choix. Une création
de José Évangelista, professeur à la Faculté,
sera notamment diffusée en direct à la chaîne
culturelle de Radio-Canada le 29 septembre.
Un cinéma pour loreille
Un autre compositeur de la Faculté, Robert Normandeau,
sest fait connaître dans le secteur particulier de la
musique électroacoustique, appelé «acousmatique».
Cette musique consiste à utiliser des sons dont lorigine
nest pas naturelle mais artificielle. Un concert de musique
acousmatique ne compte donc aucun instrumentiste mais plutôt
un opérateur dordinateurs complexes qui produisent des
sons organisés.
Voyant son intérêt pour ce type de musique, on a créé
à lintention de Robert Normandeau un programme de doctorat
en composition électroacoustique. Ses directeurs étaient
des personnalités connues de la musique contemporaine: Francis
Dhomont et Marcelle Deschênes. Et il a obtenu un succès
certain, car il a gagné le prix du disque de musique contemporaine
de lannée 1999 au dernier concours Opus (pour Figures,
chez Empreintes digitales), en plus de recevoir le titre de compositeur
de lannée. Pour la critique musicale de la revue culturelle
Voir, ce nétait pas une surprise. «Lart acousmatique
trouve en Robert Normandeau lun de ses représentants
les plus admirables. La perfection technique et la musicalité
intrinsèque de ses oeuvres le placent demblée
parmi les grands», écrivait-elle à propos dune
de ses pièces.
Robert Normandeau, de son côté, dit faire un «cinéma
pour loreille». Dailleurs, il ne refuse pas les
engagements pour créer de la musique de scène. Cest
lui qui signera, bientôt, la trame sonore de Malina, à
lEspace Go, comme il la fait pour une douzaine de pièces.
Cette collaboration élargit lauditoire habituel de musique
acousmatique. Si ses auditeurs sont peu nombreux à Montréal,
ils forment à léchelle internationale une communauté
considérable.
«Cest la réputation de Robert Normandeau qui ma
dabord attirée à Montréal», dit Catherine
Traube, la dernière embauchée parmi les professeurs
de la Faculté. Dorigine belge, Mme Traube a terminé
un diplôme en génie électrique (spécialité
télécommunications) avant dentreprendre un doctorat
en informatique musicale à lUniversité Stanford.
Se décrivant comme une «technicienne avec une âme
de musicienne», elle est chargée de donner des cours
sur la théorie des sons. «Enseigner la science à
des musiciens a toujours été mon rêve, dit-elle.
Ils ont tout à gagner à connaître mieux la physique,
car ils vivent dans les sons. Malheureusement, il y a un problème
de pédagogie
»
Mathieu-Robert
Sauvé
Deux
ex-étudiantes devenues entrepreneuses
|
Johanne
Latreille, percussionniste, a toujours un pied dans sa faculté
14 ans après y être arrivée comme étudiante.
Responsable des activités musicales au Service des activités
culturelles, son bureau est près de la salle Claude-Champagne.
Avec Sophie Lapierre, elle a organisé les premiers camps
musicaux dété pour les jeunes. |
Sophie
Lapierre et Johanne Latreille se sont rencontrées alors quelles
étudiaient toutes deux à la Faculté de musique.
Ensemble, elles ont géré le café étudiant,
puis ont eu lidée de créer un camp musical dété
pour les jeunes. Elles ont parlé de leur projet au Service
des activités culturelles (SAC) et ont obtenu le feu vert.
Lécole dété reçoit aujourdhui
120 enfants de 5 à 12 ans et donne un emploi à 25 jeunes
professeurs, pour la plupart des étudiants de la Faculté
de musique. Aujourdhui, cest la Faculté qui parraine
ce projet.
Par la suite, en 1993, Sophie Lapierre a fondé lÉcole
des jeunes, qui reprend en quelque sorte le concept des camps dété
mais tout au long de lannée. Dès lâge
de trois ans, les enfants peuvent être initiés à
la musique par le jeu les fins de semaine. Une trentaine demployés
soccupent de quelque 250 élèves.
«Jai créé mon emploi avec la collaboration
de la Faculté, dit Sophie Lapierre. Cest pour moi plus
quun lieu de formation. Cest un employeur, un partenaire.
Je me sens très liée à cette faculté.
On sy sent en famille.»
Quant à Johanne Latreille, qui poursuit sa carrière
de percussionniste avec le groupe Quad, elle soccupe des activités
musicales au SAC. Son bureau se situe à la Faculté de
musique.
M.-R.S.
Gilles
Vigneault, membre du comité dhonneur
Monteverdi, Palestrina, Gabrieli, Tartini, Frescobaldi
sont les compositeurs que Gilles Vigneault cite lorsquon lui demande
quelle est sa musique préférée. «Je les ai
découverts alors que jétudiais au séminaire
de Rimouski, confie-t-il à Forum alors quon lance les fêtes
du 50e anniversaire de la Faculté. Par la suite, jai ressenti
une véritable passion pour les grands: Vivaldi, Bach, Beethoven
Aujourdhui, jécoute surtout de la musique sacrée.»
Membre du comité dhonneur aux côtés de Charles
Dutoit, Pierre Boulez, Olliver Jones et Maryvonne Kendergi, notre poète
national nest pas un ancien étudiant de la Faculté
de musique. Sa fille y a étudié le piano mais pas lui.
Encore aujourdhui, il nécrit pas sa musique. Il préfère
laisser ce soin à des professionnels, le plus souvent issus de
la Faculté. «Tous mes musiciens ont une formation classique»,
dit-il.
À la cérémonie de présentation du cinquantième,
le vice-recteur aux affaires publiques et au développement, Patrick
Robert, a déclaré quavec Gilles Vigneault, cest
le Québec entier qui est représenté au sein du
comité dhonneur. En présentant Maryvonne Kendergi,
musicologue qui a toujours promu la musique contemporaine, M. Robert
a dit quelle était la «grand-mère de la Faculté».
Ce à quoi Mme Kendergi a répondu que cétait
le plus beau titre quelle pouvait recevoir à 85 ans.
M.-R.S.
Voir aussi: Grande fête avec Natalie Choquette
|