Michael Strobel est né en Bavière en 1927. Il est mort au Québec à la fin de 1998. Pendant ses trop brèves 71 années, combien de vies a-t-il touchées et, qui plus est, changées à jamais!
Je ne parlerai pas de sa femme Geneviève, professeure elle aussi, terriblement éprouvée par la disparition de cet être remarquable, toujours oublieux de lui-même, toujours là quand il fallait aider. Je ne parlerai pas non plus de ses filles qui voyaient en lui le père idéal doublé d'un homme hors du commun et dont la froideur apparente cachait une grande chaleur humaine qui réconfortait toujours ceux qui l'approchaient.
Ses nombreux amis n'oublieront pas facilement Michael. Comment ne pas pleurer avec Margaret Kiely lorsque sa dépouille est soulevée et transportée par les porteurs pour ce qui sera le dernier contact avec lui? Comment ne pas sourire d'affection en nous imaginant Michael un verre de bière à la main lorsque son ami Herb nous annonce au cours de son discours funèbre que Michael considérait leur dernière production de bière comme étant certainement la meilleure jamais réalisée? Comment oublier sa loyauté et son engagement pédagogique et ne pas se rallier au commentaire de son collègue Robert Haccoun qui a dit que Michael était "un universitaire dans le sens presque archaïque du terme"?
Car Michael Strobel était aussi un superbe professeur-chercheur. Il a obtenu son premier diplôme en psychologie clinique à l'Université de Munich et sa maîtrise et son doctorat en psychologie expérimentale à l'Université de Toronto. Il a aussi obtenu un diplôme en dynamique des systèmes du prestigieux MIT de Boston. Après quelques années passées comme psychologue scolaire et clinicien, il a accepté un poste de professeur à l'Université Dalhousie, à Halifax, poste qu'il assumait en même temps que la direction du département de psychologie de la St. Mary's University, située dans la même ville. Ce n'est donc qu'en 1968 que le Département de psychologie de l'Université de Montréal a eu la possibilité de le recruter comme professeur.
Examinons ensemble la carrière de Michael selon les critères standards d'excellence. Pour ce qui est des publications, son curriculum montre plus de 110 publications et communications sur les scènes nationale et internationale. L'étendue de ses connaissances est tout aussi remarquable: elle englobe les effets des irradiations aux rayons X sur l'empreinte chez le poussin (sa thèse de doctorat), les modèles statistiques de divers comportements, les prothèses pour divers handicaps et enfin les relations homme-machine. Son rayonnement ne s'est pas limité aux conférences et séminaires donnés dans plusieurs universités ou congrès. La liste de comités, établissements et organismes pour lesquels il a agi à titre de consultant ou membre actif couvre de nombreuses pages de son curriculum. Son enseignement était apprécié par des étudiants de tous les cycles. Fait remarquable, alors que son expertise en statistiques et la qualité de son accueil en faisaient un consultant fort sollicité pour de multiples mémoires et thèses, et lui auraient valu une décharge, il lui est arrivé de donner plus de 15 crédits de cours pour combler un manque de ressources professorales. On chuchote même qu'il a réussi à faire aimer les statistiques à plusieurs aspirants psychologues qui n'en avaient que pour le contact humain et la relation d'aide!
Tous ceux qui ont connu Michael vous diront que sa plus grande qualité, qui en faisait un professeur extraordinaire et un être humain fantastique, se situe sur le plan de l'encadrement qu'il offrait à ses étudiants de deuxième et troisième cycle. À titre d'exemple, laissons parler les principaux intéressés: "M. Strobel était un professeur passionné et attentionné qui aimait bien faire des blagues tout en ayant une approche très rigoureuse." "Il savait relever le moral, et Dieu sait combien on en a besoin lors d'une recherche comme la thèse." "Il était un guide généreux et aimable, un vrai gentleman." "Toujours si disponible, si calme et centré dans des situations complexes." "Aucun professeur ne m'aura marqué aussi profondément, et c'est pourquoi son départ si brusque, lui qui semblait fait de fer, a été et est encore si difficile à accepter." "Pour moi, il était plus qu'un directeur de thèse, il était un maître, un mentor. Il était d'ailleurs mon confident, car je ne lui ai épargné aucun sujet de discussion: problèmes d'argent, de famille, de blondes! Il m'a toujours écouté et conseillé avec respect." "Si j'avais besoin d'aide, il m'accueillait toujours volontiers avec son sourire espiègle qui me donnait l'impression qu'il n'était là que pour moi." Doit-on être surpris d'apprendre qu'il dirigeait, lorsqu'il nous a quittés, une douzaine d'étudiants au doctorat et que six étudiants ont terminé leur doctorat sous sa supervision durant les quatre dernières années?
Michael, tu vas nous manquer beaucoup. Merci.
Franco Lepore
Professeur
Département de psychologie