Depuis son entrée en fonction, l'ombudsman de l'Université de Montréal, Marie-José Rivest, a réfléchi sur le mandat qui lui a été confié. Pour améliorer l'efficacité de ses interventions, elle a suggéré de "déjudiciariser" le poste. Ses conseils ont été suivis. |
"J'ai un problème. Pouvez-vous m'aider?" Ainsi se présente-t-on chez l'ombudsman Marie-José Rivest, au quatrième étage du pavillon J.-A.-DeSève. Quand elles franchissent sa porte, certaines personnes sont furieuses, d'autres tout juste préoccupées par une situation problématique. Toutes cherchent une solution. "La première chose à faire, c'est d'écouter les gens", dit l'avocate, qui a occupé plusieurs postes de gestion à la Faculté de droit et à la Faculté de l'éducation permanente avant de devenir le deuxième ombudsman de l'histoire de l'Université de Montréal le 1er juin 1998. "Ensuite, on peut analyser calmement le problème."
Dans près d'un cas sur deux, Mme Rivest orientera son visiteur vers la ressource la plus appropriée. Par exemple, l'étudiant insatisfait de la note qu'il a reçue pour son examen doit savoir qu'il peut revoir le travail qu'il juge mal évalué. Puis, c'est à son professeur d'effectuer une révision. Si le litige persiste, le doyen de la faculté pourra exceptionnellement former un comité d'évaluation qui révisera la note. D'un bout à l'autre du processus, l'ombudsman n'intervient pas directement. "Les gens ne sont pas toujours au courant des mécanismes qui peuvent les aider à obtenir satisfaction, dit Mme Rivest. Je peux donc les informer à ce sujet."
En fait, l'ombudsman intervient lorsque les mécanismes existants n'ont pas donné satisfaction aux parties. Il s'agit d'un service de dernier recours.
Une observatrice impartiale
Disposant d'une "indépendance absolue à l'égard
de la direction", comme le signale le règlement adopté
par le Conseil de l'Université, l'ombudsman reçoit
les demandes d'intervention des membres de la communauté
universitaire (étudiants, professeurs et membres du personnel
non enseignant) afin de régler les litiges. Ses interventions,
fondées sur la loi et l'équité, visent à
faire corriger toute injustice et discrimination. Ses recommandations
ne sont pas coercitives. Mandataire du Conseil de l'Université,
l'ombudsman a le droit de faire une enquête pour obtenir
des réponses à ses questions.
Cela dit, les universités montréalaises ont chacune leur ombudsman et autant de façons de procéder. Aussi, durant la première année d'exercice, Mme Rivest a tenu à réfléchir sur son propre mandat. D'autant plus qu'en 1997 le Conseil avait décidé de donner au successeur de Lucie Douville un rôle plus formel. Par exemple, les plaintes devaient parvenir par écrit plutôt que par voie orale. "Alors que le protecteur du citoyen du Québec reçoit 90% de ses plaintes par téléphone, nous, on aurait dû exiger que celles-ci soient écrites! C'était inacceptable. D'autant plus que plusieurs étudiant, particulièrement aux cycles supérieurs, hésitent à nous donner leur nom."
Même le concept de "plainte" a été revu et corrigé à la lumière de l'expérience des autres ombudsmans du milieu universitaire. Dans le nouveau règlement intitulé "Fonction et statut de l'ombudsman", adopté le 24 août dernier par le Conseil, il est plutôt question de "demandes d'intervention". Une notion avec laquelle Mme Rivest est plus à l'aise. "Une plainte, ça renvoie au passé. Tandis que lorsqu'on évoque une demande d'intervention, on se tourne vers l'avenir, vers une solution."
Les personnes qui croient subir une injustice seront souvent heureuses de se voir offrir une solution qui les satisfait à 80% plutôt que de garder un sentiment d'échec. De même, l'intervention souhaitée ne vise pas à désigner un bon et un méchant. "Dans certains cas, on peut en venir à une entente sans même avoir admis qu'il y a eu faute."
Une forme de médiation
Mme Rivest rappelle que l'ombudsman a plusieurs points en commun
avec le médiateur. Comme lui, il cherche un terrain d'entente
entre les deux parties. "Mais si une entente s'avère
impossible, l'ombudsman a l'obligation de rendre un jugement,
ce que le médiateur ne doit surtout pas faire", précise-t-elle.
La "résolution non judiciaire des conflits" serait un domaine en pleine émergence. Cette "justice douce", comme l'appelle Mme Rivest, est donc encore à définir. Mais cela n'a rien pour déplaire à l'avocate, qui a obtenu une maîtrise sur la philosophie du droit à l'Université de Londres il y a plus de 15 ans. Elle revient en quelque sorte à ses premières amours.
Tel qu'il a été révisé par ses soins, le nouveau mandat de l'ombudsman s'appuie sur cinq points essentiels: l'indépendance, la confidentialité, l'impartialité, le pouvoir d'enquête et la recommandation. Si, à l'origine, seuls les étudiants pouvaient recourir à l'ombudsman (les associations étudiantes payaient même une partie de son salaire), aujourd'hui tous les membres de la communauté universitaire peuvent aller frapper à sa porte.
L'ombudsman a aussi pour fonction de proposer, à la lumière des cas soumis, des modifications à la réglementation existante.
La rentrée de septembre est une période de pointe pour l'ombudsman, qui reçoit, bon an, mal an, quelque 500 plaintes... ou plutôt "demandes d'intervention".
Mathieu-Robert Sauvé