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Pleins feux sur le court métrage

Atelier de cinéma avec Bernard Boulad

Pour Bernard Boulad, le public ne comprend pas la finalité du court métrage parce qu'il n'a pas l'occasion d'en voir des bons. Un problème auquel s'attaquera l'atelier du SAC "Les grands courts".

Ils sont tous passés par là: Godard, Wenders, Egoyan. Tous. À l'origine du cinéma et marquant pour plusieurs cinéastes de renom, le court métrage apparaît comme une excellente école. Pourtant, il n'est pas pris au sérieux. Peu diffusé, méconnu du public et souvent non reconnu comme un art à part entière, il demeure à la remorque de son grand frère, le film commercial.

"C'est sûr que c'est l'enfant négligé du cinéma", approuve Bernard Boulad, grand spécialiste et fervent défenseur du court métrage à qui le Service des activités culturelles (SAC) a confié l'atelier "Les grands courts", une journée pour effectuer un tour d'horizon mondial du court métrage et expliquer, exemples à l'appui, ses constantes et ses caractéristiques.

Journaliste, directeur artistique, professeur et, même aujourd'hui, producteur, Bernard Boulad a tout fait pour soutenir le septième art et, en particulier, le court métrage. Si son passage dans les médias a fait de lui un connaisseur de cinéma, c'est à titre de directeur du défunt Festival international du court métrage qu'il s'est fait un nom comme spécialiste de cet art sous-estimé.

Manque d'encadrement professionnel, manque de financement, manque de volonté, le court métrage semble pris dans un drame en trois actes. Il faut donc commencer par sensibiliser les gens à cet art et Bernard Boulad voit dans l'atelier du SAC une belle vitrine pour le faire.

Le problème de la diffusion
Pour cet ancien critique du Devoir, les courts métrages souffrent de l'absence de soutien du milieu - producteurs, télédiffuseurs, propriétaires de salles et organisateurs de festivals compris. On en montre peu et, pire, ce ne sont pas les meilleurs qu'on présente. "On en voit des mauvais, des très mauvais, se désole Bernard Boulad. Quand un film n'en vaut pas la peine, inutile de le diffuser. C'est de la mauvaise presse."

On n'aurait donc pas accès, ou très peu, à des oeuvres de qualité de 5, 10 ou 30 minutes. Une situation qu'il a constatée devant l'étonnement du public d'un récent festival. "J'ai entendu des ' On ne pensait pas qu'un court métrage pouvait être intéressant' . C'est normal, les gens ne savent pas", dit-il.

À défaut de s'engager dans la diffusion, Bernard Boulad se concentre aujourd'hui sur l'éducation. Professeur à l'Institut national de l'image et du son depuis trois ans, il y donne un séminaire sur le court métrage. Une rareté, selon lui, dans les écoles de cinéma. "Un anachronisme. Les étudiants sont censés réaliser des courts métrages, mais on ne leur en présente pas. On leur montre Citizen Kane. C'est très inspirant, mais c'est très paralysant."

Pourtant, le court métrage est idéal pour l'apprentissage et l'exploration; par ses différentes approches stylistiques et par ses sens du risque et de la liberté, il permet aux jeunes cinéastes de se faire la main. Abstraction, animation, fiction, suspense, comédie, tout peut être essayé.

Mais un bon court métrage reste, aux yeux de Bernard Boulad, celui qui réussit à exploiter une idée simple et à lui donner toute l'ampleur qu'il lui faut en temps. "Il faut arriver à maîtriser le récit d'un bout à l'autre." Et c'est justement dans le récit que se mesure aujourd'hui l'influence du court métrage sur le long.

De Pulp Fiction à Post- mortem, le dernier petit bijou québécois, Bernard Boulad voit une revalorisation du récit en séquences. "Les films sont de plus en plus découpés, séquencés, déstructurés. Post-mortem est un film en trois parties, mais d'une certaine façon ce sont trois courts métrages."

Producteurs absents
Média parfait pour préparer une nouvelle génération de cinéastes, le court métrage se retrouve, malgré tout, en dehors d'un cycle commercial. "Aucun producteur ne s'implique parce qu'il sait que ça ne lui rapportera rien", constate Bernard Boulad. La situation ici est d'autant plus grave qu'il n'y a aucune mesure incitative fiscale. Ce cinéphile averti propose d'instaurer un système efficace du genre "Si vous produisez cinq courts métrages pour un long, vous aurez tant d'argent".

Bernard Boulad en veut également à la télévision, cette "très bonne fenêtre de diffusion" qui ne s'intéresse pas vraiment au court métrage, qui se donne seulement des politiques d'achat concernant le long métrage.

"On ne peut pas voir au développement du long métrage sans s'occuper du court, dénonce-t-il. C'est comme si l'on s'occupait des universités sans se préoccuper du secondaire." Cette attitude illogique empêche de créer des ponts entre le milieu professionnel et la relève. Résultat: il y a des jeunes qui, à 20 ans, réalisent des courts métrages et, à 40, tournent leur premier long métrage.

Bernard Boulad, lui, s'est lancé pour la première fois dans la production d'un court métrage mêlant animation et prises de vue réelles, coréalisé par un Français et une Québécoise. Un essai comme il les aime. Une oeuvre à risque comme il en a tellement vu et qui lui font découvrir, avant tout le monde, des cinéastes de la trempe de Thomas Vinterberg - le réalisateur danois de l'épatant Fête de famille . Un art qui ne cesse d'enfanter des Godard et que Bernard Boulad tient à faire connaître à tous.

Jérôme Delgado
Collaboration spéciale

Atelier "Les grands courts" le samedi 27 novembre, de 9 h 30 à 17 h. Inscription au (514) 343-6524.



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