[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Etudiants][Opinions]


Reflet de la femme dans les médias

"Il y a encore place à l'amélioration", selon le politologue Denis Monière.

Le politologue Denis Monière a effectué une étude sur la représentation des femmes dans les bulletins de nouvelles télévisées. Cette recherche formera un chapitre de son prochain livre à paraître en l'an 2000 sous le titre Radioscopie de l'information télévisée au Canada.


Les salles de nouvelles sont beaucoup moins dominées par les hommes qu'autrefois, mais la visibilité des femmes dans le contenu de l'information ne s'est pas améliorée pour autant.

"On sollicite le point de vue des femmes surtout à titre de citoyennes et très peu en tant qu'expertes, explique Denis Monière, professeur au Département de science politique. Les modèles de réussite sociale ou d'influence dans les domaines de la politique, de l'économie et de la société sont toujours massivement masculins", constate-t-il.

Ces milieux seraient-ils sexistes? "Oui, répond le professeur, mais des efforts sont faits pour donner plus de place aux femmes. Par exemple, il n'y a jamais eu autant de femmes au Conseil des ministres au gouvernement du Québec, affirme-t-il. Cette amélioration peut toutefois aussi s'expliquer par la tendance qu'ont les hommes à dévaloriser actuellement la fonction politique", admet M. Monière.

Le politologue tire ces conclusions au terme d'une étude sur la représentation des femmes dans les bulletins d'informations télévisées menée en collaboration avec Julie Fortier, une étudiante à la maîtrise. Cette analyse compare 83 bulletins de fin de soirée diffusés entre mars et juin 1998 par trois chaînes de télévision: la SRC, TVA et la CBC. Au total: 2673 nouvelles.

Selon cette enquête, TVA surpasse la SRC et la CBC dans la visibilité accordée à l'opinion féminine. Voilà bien un paradoxe que s'explique mal Denis Monière puisque les chaînes publiques ont le mandat d'assurer une représentation équitable des hommes et des femmes dans les émissions. La SRC a même une directive précise à cet égard.

L'étude révèle une régression de 6% par rapport à 1988 de la visibilité des femmes dans le contenu des bulletins de nouvelles des chaînes francophones. "Il y a 10 ans, la proportion de femmes interviewées dans les nouvelles télévisées françaises était de 27% alors qu'en 1998 elle a chuté à 21%", souligne M. Monière. Du côté de la chaîne anglaise, la situation n'est pas plus reluisante puisque la CBC ne montre qu'une faible amélioration de la visibilité des femmes dans l'espace public, passant de 21% à 22%.

Le manque de représentation des politiciennes est une caractéristique commune aux trois chaînes étudiées. "La proportion de politiciennes interviewées est nettement inférieure à leur représentation à la Chambre des communes et à l'Assemblée nationale, déclare M. Monière. Ce décalage s'explique par le fait que les femmes ministres occupent des fonctions ministérielles jugées moins stratégiques que les hommes", écrit-il.

La SRC et TVA affichent la plus faible représentation des élues, soit respectivement 9,9% et 10,1% comparativement aux 12,7% de la CBC. En revanche, les femmes d'affaires ont un peu plus de visibilité sur les chaînes francophones qu'à la CBC. Les statistiques sont les suivantes: 16,5% à la SRC, 15,2% à TVA et 11% à la CBC.

Féminisation du personnel
Par ailleurs, le nombre de femmes journalistes a beaucoup augmenté depuis 10 ans. À la SRC, leur visibilité est même presque égale à celle des hommes. "D'après notre échantillon, le taux de reportages effectués par des femmes à la SRC est de 45,3%, mentionne M. Monière. TVA suit de près avec 42,8%, mais à la CBC il n'est que de 37,6%. Comparativement aux données de 1988 du CRTC, ajoute le politologue, la visibilité des femmes journalistes s'est accrue puisque, 10 ans auparavant, elles n'étaient présentes que dans 39% des reportages en français et dans 28% des reportages en anglais."

D'après Denis Monière, ces résultats ne sont toutefois pas aussi encourageants qu'ils le paraissent. Le professeur observe que les femmes sont sous- ou surutilisées selon les types de sujets des reportages. Et c'est ici que M. Monière note le plus de différences entre les trois chaînes. Néanmoins, une caractéristique les unie: les femmes sont peu nombreuses à couvrir les nouvelles politiques. "La visibilité des femmes dans la vie politique s'est améliorée, mais la progression est plus lente que dans d'autres secteurs d'activité", reconnaît M. Monière. Autrement dit, les hommes semblent considérer la politique comme leur chasse gardée. Selon M. Monière, il ne faudrait pas en arriver à établir de quotas comme en Europe, mais on ne doit pas renoncer à instaurer des mesures incitatives.

Dominique Nancy


Démocratie médiatique et représentation politique

Au Québec, les femmes ne sont pas les seules à souffrir d'un déficit de visibilité dans l'information télévisée; les représentants des partis d'opposition sont aussi faiblement représentés par rapport aux partis au pouvoir.

Pour Denis Monière, cet écart est en partie dû à l'absence d'un système de régulation de l'information. "Mais le pays ayant le plus faible écart, la France, se révèle être celui qui a le système de régulation le plus contraignant", précise-t-il dans un ouvrage intitulé Démocratie médiatique et représentation politique.

 Denis Monière, Démocratie médiatique et représentation politique, Presses de l'Université de Montréal, 1999, 140 pages, 24,95$.

Publié en mai dernier aux Presses de l'Université de Montréal, le livre de 140 pages compare le traitement des informations politiques diffusées sur les chaînes publiques de quatre pays francophones: le Québec (Société Radio-Canada), la France (France 2), la Belgique (Radio-télévision belge de la communauté française) et la Suisse (Télévision suisse-romande). L'analyse comparative des journaux télévisés de ces chaînes soutient qu'"il n'y a de télévisions que nationales", comme le dit Dominique Wolton.

"L'interconnexion des moyens de communication ne semble pas avoir eu d'effets d'homogénéisation sur les nouvelles politiques puisque nous avons observé des différences significatives dans la structure de l'information et dans le traitement qu'en font les journalistes", peut-on lire dans la conclusion du livre.

Le politologue a en effet relevé de nombreuses disparités dans l'approche journalistique des pays étudiés. Ainsi, malgré leur appartenance linguistique, le critère de sélection et de structuration de la nouvelle internationale ne dépend pas de l'appartenance à la francophonie mais plutôt de la culture nationale. "Le concept de l'intérêt de la nouvelle est connoté par la culture nationale. L'information internationale est largement structurée par les intérêts nationaux et par la logique de la proximité."

Les journalistes de la télévision canadienne, comme en Belgique d'ailleurs, accordent une place plus importante à la politique que leurs homologues français et suisses, qui donnent une visibilité prépondérante aux informations internationales et aux faits divers. Les journalistes canadiens se montrent également plus critiques, voire cyniques, à l'égard des politiciens comparativement à ceux des trois autres chaînes publiques européennes. De même, les journalistes canadiens analysent davantage les propos des acteurs de la vie politique et privilégient une relation de confrontation.

À l'inverse, les journalistes européens allouent aux politiciens plus de temps dans les reportages et favorisent un journalisme descriptif. "Ils distinguent nettement l'information factuelle et l'analyse ou le commentaire, alors que ces deux dimensions sont intégrées dans le travail des journalistes canadiens, qui procèdent à la fois au récit des événements et à leur interprétation."

L'enquête met aussi en évidence certaines similitudes. Par exemple, les quatre chaînes étudiées accordent aux citoyens une place marginale dans l'information. "La démocratie médiatique fonctionne comme un processus sans citoyens, souligne M. Monière. Leur place est confinée aux vox populi et aux sondages."

D.N.


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Etudiants][Opinions]