Christer Sinderby a mis au point un appareil qui pourrait révolutionner l'industrie de la ventilation assistée. |
Christer Sinderby, chercheur adjoint à la Faculté de médecine, a mis au point et breveté un mécanisme de contrôle de la ventilation assistée qui pourrait révolutionner l'industrie. Unités de soins intensifs, urgences et centres de traumatologie sont parmi les clients potentiels de cette innovation, qui s'adapte aux besoins de ventilation du malade.
"Nous avons mis notre système à l'essai auprès d'une cinquantaine de patients à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et les résultats préliminaires sont très encourageants", dit le chercheur d'origine suédoise. Plus de 75% des patients branchés sur un ventilateur ont vu leur respiration améliorée grâce au nouveau mécanisme. L'équipe de recherche entame ces jours-ci une collaboration avec l'hôpital Sainte-Justine pour faire bénéficier les nourrissons de cette nouvelle technologie.
Actuellement, les appareils de ventilation disponibles ont une capacité limitée de satisfaire les fluctuations de la demande du patient, tant pour ce qui est des besoins qu'en ce qui concerne la coordination entre la personne et la machine. La modification apportée par le professeur Sinderby rapproche en quelque sorte la machine du système nerveux.
Après avoir déposé sept demandes de brevets au Canada et aux États-Unis (à ce jour, deux brevets américains ont été octroyés), M. Sinderby s'apprête à publier dans une grande revue médicale les résultats de ses travaux sur le "contrôle neural de la ventilation mécanique à la suite d'une défaillance respiratoire". Déjà, il en a présenté les grandes lignes à des conférences internationales, et la réaction des pairs a été très enthousiaste. "Mon système présente une nouvelle façon d'aborder l'assistance respiratoire, dit-il. Plus le patient a du mal à respirer, plus la machine est efficace. Jusqu'à maintenant, c'était au patient de s'adapter à la ventilation mécanique."
Tout ce que nécessite ce nouveau système, c'est un logiciel et une modification du cathéter naso-gastrique inséré par les voies naturelles lors de l'intubation. Le tube devra être muni de senseurs capables d'enregistrer les activités musculaires du diaphragme grâce à l'électromyographie (EMG). Cette technologie permet d'enregistrer les moindres stimulations d'un muscle.
"C'est certainement une percée technologique majeure dans le domaine, commente Gilles Noël, agent de développement au Bureau de la recherche. Plusieurs personnes avaient pensé à conjuguer l'électromyographie et les technologies de la ventilation assistée, mais aucune n'avait réussi avant Christer Sinderby. Les chances d'acquérir rapidement une part de marché sont importantes."
Le chercheur travaille en partenariat avec l'entreprise américaine Mallinckrodt, qui produit les respirateurs bien connus Puritan-Bennet. Selon une étude de marché effectuée par l'entreprise, les retombées pourraient être de 1,3 million de dollars pour l'Université de Montréal dès la cinquième année suivant la commercialisation.
Coupler l'EMG au ventilateur
La dernière année a été très
fructueuse pour Christer Sinderby puisque les travaux qui l'occupaient
depuis plusieurs années ont connu un déblocage inattendu.
Après avoir étudié les neurosciences en Europe,
le chercheur est arrivé au Québec en 1991 pour mener
des travaux à l'Université McGill et à l'Université
de Montréal. Il est chercheur adjoint à la Faculté
de médecine de l'UdeM depuis 1996.
La technologie qu'il a mise au point exige une solide connaissance des processus de la respiration mais également une expertise en informatique et en neurologie. Plusieurs études scientifiques ont démontré que la ventilation assistée devait pallier une carence et s'effacer graduellement à mesure que la personne reprenait ses esprits. Le ventilateur ne doit donc pas "respirer à la place" du patient. L'innovation de M. Sinderby joue admirablement ce rôle et n'est d'aucun secours en cas de mort cérébrale puisque à ce moment-là l'influx nerveux ne se rend pas au diaphragme.
Lorsqu'une personne manque d'air...
L'arrêt respiratoire survient à la suite d'un arrêt
cardiaque, d'une surdose de somnifères, d'une électrocution,
d'un accident cardiovasculaire, d'un traumatisme crânien
ou d'une insuffisance respiratoire grave. Privée d'air
dans les poumons, la victime doit recevoir de toute urgence la
respiration artificielle ou la ventilation assistée. Le
patient branché sur le respirateur ne peut ni boire ni
manger, mais il peut avoir repris connaissance. À l'aide
d'une pompe automatique, l'air est insufflé dans le système
respiratoire au moyen d'une sonde endotrachéale. L'expiration
se fait naturellement grâce à l'élasticité
des poumons, qui se vident comme des ballons.
Le ventilateur est actionné lorsque le patient amorce son inspiration. Or, les systèmes actuels sont inaptes à reconnaître les subtilités de ce processus. Ils fonctionnent à plein régime ou pas du tout. Le système mis au point par l'équipe du professeur Sinderby et qui a été utilisé à l'unité des soins intensifs de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont est beaucoup plus sensible puisqu'il est contrôlé par le diaphragme, muscle principal de la respiration. Commandé par le cerveau, le diaphragme est le premier muscle qui bouge lorsque l'inspiration reprend.
"Le principe que nous avons élaboré est très proche de la respiration naturelle. En captant l'activité musculaire du diaphragme, c'est comme si nous étions branchés directement sur le cerveau", dit M. Sinderby, qui a perfectionné son système au centre de recherche Guy-Bernier.
Si tout va bien, la commercialisation de l'appareil pourrait se faire d'ici cinq ans.
Mathieu-Robert Sauvé