FORUM - 3 AVRIL 2000

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Nouvelles cruelles d'une Gaspésienne en exil

Jeanne D'Arc Blais écrit sur la violence au quotidien.

Jeanne D'Arc Blais est secrétaire de direction au Centre de formation initiale des maîtres de la Faculté des sciences de l'éducation. Et écrivaine...

"Il lui choisissait une culotte et elle levait la jambe, puis l'autre et il venait la lui ajuster sur les fesses, le ventre, le sexe et elle s'excitait encore un peu mais ne devait pas le faire voir. Elle savait qu'une fois que Clément disait 'terminé', elle ne devait pas demander plus."

Il s'agit d'un extrait de la nouvelle éponyme du recueil Clément et Olivine. Cet ouvrage, présenté comme un recueil de "nouvelles cruelles", veut montrer la souffrance des êtres. "Il est question de la violence au quotidien, celle qui à travers un mot, un geste ou l'isolement s'insinue sans qu'on y prenne garde et fait glisser peu à peu dans la détresse", précise l'auteure, Jeanne D'Arc Blais.

Originaire de Saint-Godefroi, en Gaspésie, Mme Blais a gardé dans son coeur ce coin de la péninsule de l'est du Québec. Son écriture en est d'ailleurs empreinte. "Ma Gaspésie natale me manque. Je voudrais la voir chaque jour; sentir ses odeurs, celles de la mer qui s'étend à perte de vue; et entendre les cris des goélands, dit-elle en entrevue à Forum. Mais en même temps, je ne pourrais vivre ailleurs qu'en ville."

Elle habite Montréal depuis le début des années 1970. Quatre ans après son exil, elle a trouvé un emploi à l'Université. Aujourd'hui, elle occupe le poste de secrétaire de direction au Centre de formation initiale des maîtres de la Faculté des sciences de l'éducation. Son travail lui plaît, mais ne satisfait pas entièrement son côté créatif. Elle décide de tenter sa chance dans la littérature. À sa grande surprise, elle réussit aussitôt à se faire publier.

Son premier livre réunit une quinzaine d'histoires où les personnages, qui souffrent d'une carence ou d'une perte, se retrouvent dans des impasses. Toute leur existence semble alors basculer. Comme cette Olivine dont le mari contrôle tous les gestes et qui lui fait l'amour avec parcimonie. Comme cette autre femme qui souffre d'isolement faute de pouvoir communiquer avec son conjoint autrement que par le sexe. Ou cette publicitaire trahie par sa meilleure copine qui lui vole son amoureux. Ou encore cette jeune fille laissée à elle-même pendant que sa mère profite des caresses d'un amant de passage.

Ce "mal de vivre" et les blessures du coeur reviennent au fil des pages. "Écrire, c'est pour moi une sorte de médecine, un remède contre les vides et les manques." Mais ce chant funèbre ne verse à aucun moment dans le sentimentalisme ni la nostalgie.

Plus d'un lecteur sera tenté de chercher l'écrivaine derrière certains personnages. Cette quête est vaine, selon elle. Mais le livre mise sur le dévoilement des rapports humains. Et s'il y a de la candeur dans son visage et ses yeux bleus, Mme Blais n'est pas aussi fragile qu'on pourrait le croire. En tout cas, elle a trouvé la sagesse de poursuivre et, comme on dit, de "faire avec".

Le défi
Jeanne D'Arc Blais confie avoir toujours voulu être écrivaine, mais ce rêve semblait inaccessible. "Déjà au primaire, j'écrivais des poèmes et des histoires que je cachais pour ne pas que mes frères et soeurs les découvrent. Ils auraient sans doute été choqués que..." C'est à ce type de silence que l'auteure s'attarde dans son ouvrage. Car elle sait qu'il ne sert à rien de taire la souffrance. "Tôt ou tard, elle refait surface et risque de tout emporter sur son passage."

Mais ce n'est que beaucoup plus tard que Jeanne D'Arc Blais trouvera l'assurance nécessaire pour faire lire ses écrits. Après avoir obtenu une mention en 1991 au concours Hugo des Loisirs littéraires du Québec, elle remporte, en 1993, un deuxième prix avec une nouvelle intitulée "La table". Cette création figure d'ailleurs dans le recueil publié aux Éditions Trois.

"Mon désir a mis du temps à se réaliser, mais il représente une belle victoire sur moi-même", mentionne-t-elle avec des étincelles dans le regard. Aujourd'hui, elle souhaite consacrer ses temps libres à l'écriture. Mme Blais rattrape donc le temps perdu.

Il faut dire que, depuis la publication de Clément et Olivine, elle a le vent dans les voiles. Elle vient de terminer un roman intitulé Le Chilien et elle a mille et un projets. "Écrire est très exigeant, estime-t-elle. Il faut apprendre à jumeler le travail quotidien et l'écriture. Souvent, cela se passe au détriment des sorties et des rencontres avec les amies."

À l'entendre parler, on devine qu'elle y prend plaisir!

Dominique Nancy

 

Jeanne-D'Arc Blais, Clément et Olivine, Laval, Éditions Trois, 1999, 171 pages, 22$.


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