FORUM - 27 MARS 2000

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Monsieur K est aussi très branché

Pierre Karl Péladeau rencontre les étudiants du baccalauréat bidisciplinaire en communication et politique.

Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Quebecor, est aussi membre du Conseil de l'Université de Montréal.

Paris Match, Time, Le Figaro magazine, L'Express, L'Actualité et... Playboy sont tous imprimés par Quebecor. La société occupe le premier rang mondial dans le secteur de l'imprimerie et le deuxième au Canada dans l'édition de journaux. De plus, la papetière Donohue, qui a été vendue à Abitibi-Consol, fait de Quebecor l'actionnaire principal de la plus grosse entreprise du genre en Amérique du Nord.

Le président et chef de la direction de cet empire, Pierre Karl Péladeau, s'est prêté au jeu d'une rencontre avec les étudiants du baccalauréat bidisciplinaire en communication et politique. C'était le 15 mars dernier, un mois presque jour pour jour après la transaction entre les deux géants du papier. Toutefois, le PDG de Quebecor n'était pas là pour parler d'actions et de transactions, mais pour faire part de ses réflexions sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

Il a d'abord tracé un portrait des différentes activités de sa société en s'attardant particulièrement aux dernières acquisitions dans le secteur des nouveaux médias, qui revêt pour l'entreprise une grande importance stratégique. Pierre Karl Péladeau n'est pas un crack des NTIC, mais il est très branché. À son avis, le développement et l'intégration des nouvelles technologies s'accentuent tellement que la transmission de l'information et les comportements de la société changeront d'aspect d'ici peu. En tout cas, le grand patron de Quebecor a l'intention de développer davantage ce domaine.

À la conquête des réseaux
Corporation Sun Media, acquise à la fin de 1998, a permis à Quebecor de se positionner comme deuxième chaîne de journaux en importance au Canada, derrière Hollinger-Southam, de Conrad Black. Cette acquisition lui a également permis une participation majoritaire (60%) dans Canadian Online Explorer (CANOE). "Il s'agit d'un actif intéressant pour Quebecor Nouveaux Médias, qui se dote ainsi de ressources technologiques pour le commerce électronique", fait valoir Pierre Karl Péladeau.

Dans cette perspective, la filiale de Quebecor lançait l'automne dernier le premier site Internet francophone de nouvelles et d'informations en continu: Canoë. "Ce nouveau site donne aussi accès à divers contenus tels que ceux du Journal de Montréal, du Journal de Québec, de Filles d'aujourd'hui et aux autres principaux quotidiens et hebdos régionaux de Corporation Sun Media", peut-on lire dans le troisième rapport trimestriel de 1999 de Quebecor. Il est également possible d'ajouter un volet interactif aux reportages. Par exemple, un dossier peut être ponctué d'un forum de discussion animé par des spécialistes ou des artistes. Les internautes sont alors invités à converser avec eux.

"Notre but est d'offrir une vitrine et un outil publicitaire de choix aux annonceurs intéressés par l'exploitation de sites Internet", signale M. Péladeau. L'élargissement des activités dans ce domaine a amené l'équipe dirigeante de la multinationale québécoise à concentrer ses efforts sur Intellia. Cette filiale du Groupe Informission, dont Quebecor détient 58,3% des actions, se spécialise dans les communications d'affaires sur Internet. L'objectif est de faire de cette entreprise un chef de file du commerce électronique.

"L'accord avec le Groupe Informission consiste à nous assurer de pouvoir répondre à tous les besoins de nos clients en matière de nouveaux médias en leur offrant l'hébergement sur le portail CANOE ainsi qu'une gamme de services pour la création et l'implantation de sites Web", révèle Pierre Karl Péladeau.

Son approche des journaux est industrielle
Depuis que ce deuxième fils du défunt Pierre Péladeau, surnommé "Monsieur P", a pris les rênes de la société, Quebecor a multiplié ses acquisitions. Pierre Karl Péladeau, qui n'a que 38 ans, a la bosse des affaires. La preuve: les acquisitions effectuées dans les domaines de l'imprimerie, dont la fusion de 2,7 milliards ($US) avec la société américaine World Color, et des journaux ont permis à Quebecor d'enregistrer une hausse de 23% de ses revenus pour le troisième trimestre de 1999.

Plus habitué à parler avec des banquiers et des analystes qu'avec des étudiants, Pierre Karl Péladeau s'est d'ailleurs dit un peu mal à l'aise de se retrouver devant une classe. Mais c'était sous-estimer son sens de la communication. À peine cinq minutes plus tard, il discutait sans gêne avec eux.

"Monsieur Péladeau, je suis sceptique lorsque vous affirmez ne pas intervenir sur le plan éditorial. Est-ce bien vrai?" a demandé un étudiant. Son approche des journaux est industrielle. Pierre Karl Péladeau affirme ne pas intervenir dans leur contenu; il les imprime! "Je me vois mal téléphoner à Pierre Francoeur, éditeur du Journal de Montréal, pour lui dire comment traiter une nouvelle; ce n'est pas mon domaine. Comme ce n'est pas le travail des journalistes de préparer des plans de financement ou de négocier des contrats."

La politique l'indiffère
Le PDG de Quebecor a été présenté par Richard Nadeau, professeur au Département de science politique, comme un gestionnaire de très haut niveau. "La concentration de certaines activités de la société pourrait, un jour, se voir réglementer par des étudiants du baccalauréat bidisciplinaire en communication et politique", a indiqué le professeur, qui ne manque pas d'ambition.

Que penserait Pierre Karl Péladeau d'une loi? "La politique, je m'en tiens loin; je ne trouve pas ça tellement intéressant!" lance-t-il sans répondre à la question. Une autre fois peut-être... Il devra bien un jour ou l'autre consentir à donner une réponse. Car si la concentration de propriétés favorise l'émergence de grandes sociétés et assure la santé financière des entreprises, elle peut aussi avoir pour effet d'aplanir certains contenus et, dans certains contextes, de mener à la domination politique de l'information.

Mais la politique l'indiffère. Pierre Karl Péladeau s'est pourtant inscrit à des cours de sciences politiques dans le cadre de son baccalauréat en philosophie à l'Université du Québec à Montréal. Puis, son diplôme en poche, il prend la direction de Paris, où il poursuit des études à la Faculté de philosophie de l'Université de Paris VIII et en droit à l'Université Panthéon-Assas Paris II.

En 1993, il retourne dans la Ville lumière, mais, cette fois, à titre de président d'Imprimerie Quebecor Europe. L'année suivante, il épouse une Française, Isabelle Hervet. Le 5 mars dernier, un nouveau membre s'est joint à la famille: Mme Hervet-Péladeau a accouché d'une petite fille qui a été nommée Marie, dira le nouveau papa en entrevue à Forum.

Le couple habite aujourd'hui sur le flanc du mont Royal. Après sa natation matinale, M. Péladeau se dirige au 612, rue Saint-Jacques Ouest pour faire ce qui est pour lui un devoir et un plaisir: diriger un empire. Il est président et chef de la direction de Quebecor depuis le 29 avril 1999.

Aussi dynamique dans ses échanges avec les étudiants que sur le marché des acquisitions, M. Péladeau a prolongé la discussion au cours d'une brève réception offerte en son honneur. Cet homme qui, selon la rumeur, n'aime pas les journalistes, s'est montré très aimable et volubile à l'endroit de Forum. Il faut dire qu'il n'est pas qu'un conférencier de prestige, mais aussi un membre du Conseil de l'Université de Montréal et du cabinet de la campagne de financement qui sera lancée le 11 avril. À noter: le professeur Nadeau sera l'hôte du ministre des Finances Bernard Landry le 3 avril prochain.

Dominique Nancy


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