FORUM - 27 MARS 2000Lancement d'une chaire sur l'arthroseLa recherche demeure le moyen le plus efficace de lutter contre l'arthrose, selon les cotitulaires de la Chaire.
D'ici 30 ans, le nombre de Canadiens atteints d'arthrite, dont l'arthrose est la forme la plus fréquente, augmentera de un million par décennie, selon la Société d'arthrite. C'est que l'incidence de cette maladie dégénérative des articulations s'accroît avec le vieillissement de la population. À ce jour, environ 65% des personnes de 60 ans et plus souffrent d'arthrose et la fréquence augmente proportionnellement avec l'âge. Le phénomène est d'autant plus troublant que les coûts annuels directs des traitements s'élèvent à cinq milliards de dollars pour le Canada. "La recherche demeure le moyen le plus efficace de contrer l'arthrose et d'en diminuer l'impact tant sur le plan médical que sur le plan financier", déclare en entrevue à Forum le Dr Jean-Pierre Pelletier, spécialiste en rhumatologie. La Faculté de médecine lancera officiellement, le 30 mars, la Chaire en arthrose du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), que le Dr Pelletier codirigera avec sa collègue Johanne Martel-Pelletier. Pour les titulaires, la raison d'être de la Chaire est l'acquisition de nouvelles connaissances sur les différents mécanismes pathologiques de l'arthrose et l'amélioration des interventions thérapeutiques. "L'objectif est de continuer à offrir des soins de qualité aux patients et de trouver, éventuellement, un traitement curatif", précise Mme Martel-Pelletier, qui est docteure en physiologie. Dans cette perspective, la compagnie pharmaceutique Merck Frosst s'est engagée à y investir un million de dollars au cours des cinq prochaines années. Plusieurs autres partenaires financiers, dont l'Université de Montréal et la Fondation du CHUM, participeront aux activités de la Chaire. Ces fonds permettront de consolider l'ensemble des activités scientifiques de l'Unité de recherche en arthrose du CHUM. Plus précisément, les sommes recueillies par la campagne de financement, dont l'objectif minimal est de quatre millions, seront employées notamment pour aider financièrement les chercheurs et les étudiants ainsi que pour acheter du matériel. "La Chaire en arthrose ne servira pas à payer le salaire des titulaires, mais plutôt à instituer un programme qui contribuera à l'essor de la recherche sur l'arthrose et au mieux-être des personnes qui en sont atteintes", fait valoir Mme Martel-Pelletier. Axes de recherche "Pour chacun de ces axes, plusieurs volets sont à l'étude, souligne Johanne Martel-Pelletier. Par exemple, la section de la recherche fondamentale s'intéresse aux mécanismes liés à la dégradation et à la réparation des tissus de l'articulation. On y étudie également le métabolisme de l'os sous-chondral et le phénomène du descellement de prothèses. De nouvelles formes de traitements, dont la thérapie génique, y sont aussi expérimentées. Pour sa part, la recherche clinique se concentre sur l'évaluation de l'efficacité de nouvelles thérapies." Les projets du laboratoire d'ingénierie-orthopédie, dirigé par le Dr Jacques de Guise, visent la conception d'outils informatiques pour la modélisation en trois dimensions et l'analyse quantitative des structures ostéoarticulaires. Des travaux sur la biomécanique du genou et de la hanche ainsi que la conception et l'évaluation assistées par ordinateur d'orthèses et de prothèses sont également en cours. Quant aux travaux de l'équipe de recherche en physiatrie, ils portent principalement sur l'arthrose dans la région de la colonne vertébrale. "Ces travaux ont déjà conduit à une meilleure compréhension des mécanismes pathologiques de l'arthrose. Nous pouvons aussi améliorer le traitement de la maladie", signale le Dr Pelletier. Des concepts originaux, qui ont permis la mise au point de nouveaux médicaments, ont d'ailleurs été élaborés par les chercheurs de l'Unité. L'équipe comprend présentement une quarantaine de professionnels, dont des chercheurs et des cliniciens ainsi que des étudiants des cycles supérieurs. Ces derniers représentent de précieux atouts pour l'avenir, selon les codirecteurs de la Chaire. "Par sa vocation, la Chaire doit participer activement à l'enseignement et à la formation médicale continue", estime le médecin. L'espoir est dans la recherche Le cartilage est une substance blanchâtre et caoutchouteuse qui sert en quelque sorte de "pare-chocs", selon les propres mots du médecin. Sa détérioration entraîne le frottement des os et provoque, à la longue, leur destruction. Résultat: troubles mécaniques, douleurs et déformations morphologiques. La maladie progresse toutefois à un rythme différent selon les individus et n'entraîne pas une même gravité des symptômes et des handicaps. Pour l'instant, il n'existe aucun traitement permettant de diminuer la progression de la maladie, indique le Dr Jean-Pierre Pelletier. "Les traitements usuels sont de nature palliative et ne font que réduire les symptômes." Santé Canada vient d'approuver deux nouveaux médicaments: Celebrex et Vioxx. Ces anti-inflammatoires ont l'avantage, dit-on, de soulager les patients et de réduire les effets secondaires tels que les irritations de l'estomac et de l'intestin. "Mais s'ils agissent efficacement contre la douleur, ils n'arrêtent pas la progression de l'arthrose, rappelle le médecin. Seule la recherche pourra en venir à bout. D'ici 5 à 10 ans, on aura sans doute un tel traitement", conclut-il. Dominique Nancy |