FORUM - 6 MARS 2000 

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L'Université au féminin

La Division des archives retrace la place des femmes depuis 1886.

Cours d'art culinaire à l'Institut de diététique et de nutrition dans les années 1940. Même à l'Université de Montréal, les femmes devaient apprendre à devenir de bonnes ménagères.

"Les femmes doivent tout exiger: elles doivent être assez gourmandes pour tout avoir, et la carrière et la famille", déclarait à Forum Thérèse Gouin-Décarie, professeure au Département de psychologie, le 26 septembre 1988.

À l'automne 1999, les étudiantes admises à l'Université de Montréal représentaient 67% de l'ensemble des inscriptions. Il n'en a pas toujours été ainsi. En 1957, l'Université de Montréal avait son école de sciences ménagères, où la jeune fille apprenait "l'importance et la beauté de son triple rôle d'épouse, de mère et de ménagère", comme le rappelle Denise Pélissier dans le Répertoire numérique de l'École ménagère provinciale.

Même si le premier diplôme de l'Université de Montréal remis à une femme date de 1911, alors que Marie Gérin-Lajoie obtenait son baccalauréat ès arts, les filles ont longtemps été absentes de l'éducation supérieure. Puis, elles ont formé des "ghettos féminins", comme l'écrit l'historienne Johanne Collin: sciences infirmières, technologie médicale, réadaptation.

Une explication de ce phénomène: le peu d'écoles préuniversitaires pour filles. En 1959-1960, on compte au Québec 21 collèges classiques de jeunes filles contre 54 collèges de garçons, ce qui représente une fille pour cinq gars.

La démocratisation du système scolaire, particulièrement la création des cégeps en 1967, va ouvrir aux filles les portes des universités. Elles vont en profiter.

Femmes de carrière
De leur côté, les professeures-chercheuses revendiquent de longue date le "droit à l'égalité avec leurs pairs", soit l'accès à une carrière professorale. Elles obtiennent peu à peu la féminisation de la titularisation et de l'agrégation. En 1978, les femmes représentaient 12% du corps professoral. Actuellement, cette proportion atteint 27%. Une clause de la dernière convention collective du Syndicat des professeurs de l'Université de Montréal prévoit un objectif de 40% de femmes parmi le corps professoral.

Les chargés de cours ont moins de chance. Après 20 ans, ils ne sont toujours pas reconnus, selon la présidente de leur syndicat, Chantal Gamache. "Nous sommes en devenir, écrit-elle dans l'introduction de l'histoire du Syndicat. Inscrites dans un processus historique de transformation culturelle et sociale, notre rôle et notre condition seront tributaires de nos actions et interactions dans l'histoire, de notre détermination et de notre compétence."

Qu'en est-il du personnel non enseignant? Dans le compte rendu d'un congrès de l'Association des universités et collèges du Canada, intitulé "La femme et l'Université", Françoise Lachance résume bien la situation. "Être qualifié de non-enseignant(e) dans une institution dont c'est la raison d'être, l'essence même, équivaut tout simplement à une non-reconnaissance", écrit-elle dans Forum le 7 novembre 1975 "Être non-enseignant(e) et en plus être femme, c'est pratiquement ne pas être deux fois."

25 ans plus tard
Ces propos ont 25 ans. Depuis, la syndicalisation a permis la reconnaissance de la femme dans le milieu universitaire. Par exemple, l'Université abrite aujourd'hui une garderie en milieu de travail et un bureau d'intervention en matière de harcèlement sexuel; les contrats de travail prévoient des congés de maternité, retraits préventifs et autres. La féminisation des titres est passée dans les moeurs. De plus, l'Université s'est dotée, en 1976, d'un comité permanent sur le statut de la femme et, en 1993, d'un programme d'accès à l'égalité.

Il ne fait aucun doute que les femmes syndiquées ont ouvert la voie à une meilleure condition de vie des femmes et, même si tout n'est pas parfait, la progression a été constante.

Comme le signalait la présidente du Comité permanent sur le statut de la femme, Rose-Marie Lèbe, dans un album-souvenir paru en 1996: "Les femmes sont présentes à l'Université de Montréal, elles sont performantes, curieuses, bûcheuses, résolues et parfois même carriéristes. Mais en général, leurs actions sont tout en nuances; avares de grands éclats, elles font rarement les médias, cela ne les empêche pourtant pas de participer à cette détermination collective d'aller de l'avant."

Denis Plante
Archiviste
Division des archives de l'Université de Montréal
http://www.ARCHIV.umontreal.ca

Sources: Comité permanent sur le statut de la femme, 20 ans d'histoire des femmes à l'Université de Montréal: album souvenir, rectorat, Université de Montréal,1996.Registraire, Statistiques de l'admission, Université de Montréal, automne 1999.Université de Montréal, Division des archives, Fonds du Secrétariat général (D35): 1876-1951. D35/47.Denise Pélissier, Répertoire numérique détaillé du Fonds de l'École ménagère provinciale (E81), Service des archives, Université de Montréal, 1979, p. 3.Johanne Collin, "La dynamique des rapports de sexe à l'université, 1940-1980: une étude de cas", Histoire sociale/Social History, vol. 19, no 38, novembre-décembre 1986, p. 365-385.Gisèle Picard, coordonnatrice du Programme d'accès à l'égalité.Denis Goulet, Histoire du Syndicat des chargé-e-s de cours de l'Université de Montréal, 1978-1998, coll. Études et documents, 144 pages. RCHTQ, no 10.


Les premières de classe

  • Première étudiante diplômée: Marie Gérin-Lajoie, bachelière ès arts, 1911.
  • Première femme cadre: Germaine Cornez, chef de secrétariat, 1920.
  • Première employée de soutien: Mlle E. Laplante, sténodactylo, rectorat, 1921
  • Première diplômée aux cycles supérieurs: Flora Abergson (avec grande distinction), Faculté de chirurgie dentaire, 1921
  • Première chargée de cours: Marie-Claire Daveluy, École des bibliothécaires, 1938
  • Première professionnelle: Mlle C. Rinfret, bibliothécaire, 1943
  • Première doyenne: Alice Girard, Faculté des sciences infirmières, 1962
  • Première présidente syndicale: Simone Guillet, Bibliothèques (SNEUM), 1965
  • Première secrétaire générale: Juliette Barcelo, 1974
  • Première femme de métier: Carole Audy, agente de sécurité, 1986
  • Première vice-rectrice: Claire McNicoll, vice-rectrice aux affaires publiques, 1991
  • Première professeure: nos sources ne mentionnent pas l'identité de la première professeure de l'histoire de l'UdeM.

Sources: Université de Montréal, Division des archives, Fonds du Secrétariat général (D35): 1876-1951. D35/47.Annuaire général de l'Université de Montréal.Université de Montréal, Division des archives, Fonds de la Faculté des sciences (E96): E96/B2,28.Comité permanent sur le statut de la femme.Direction des ressources humaines.


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