FORUM - 6 MARS 2000 

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La Sortie de secours présentée aux politologues

Jean-François Lisée défend sa thèse devant des étudiants.

Les stratèges du gouvernement du Québec ont envisagé d'organiser un référendum "gagnant" sur la souveraineté dès les premiers mois de 1996. Jean-François Lisée, alors conseiller du premier ministre du Québec, affirmait que les intentions de vote souverainiste atteignaient un taux inégalé depuis: 53%.

"Rappelez-vous les lendemains du référendum d'octobre 1995", a expliqué Jean-François Lisée à une centaine d'étudiants du cours "Communication politique et opinion publique" le 22 février dernier. "Les têtes d'affiche du camp du Non avaient l'air de victimes, et leurs adversaires étaient pleins d'assurance. Un climat semblable s'est installé dans la population. Pendant une période de six mois, un référendum gagnant aurait été possible. Nous en avons discuté sérieusement. L'idée a finalement été rejetée."

Comment expliquer qu'en quelques semaines à peine la défaite du Oui aurait pu se transformer en victoire? "Assez bizarrement, a expliqué le stratège autodidacte de la politique québécoise, les électeurs ont été nombreux à se dire: 'Si j'avais su que l'appui à la souveraineté allait être si fort, j'aurais voté oui.'"

L'ancien journaliste a une hypothèse très simple pour expliquer ce phénomène: les Québécois ont horreur de l'échec. Cette peur de perdre les amène à adopter des comportements de grande prudence. "On nous a dit, avant le référendum de 1995: 'Laissez tomber votre projet; des gens pourraient se suicider si le résultat est négatif.'"

Cette peur de perdre expliquerait, également, la volte-face à la suite de la quasi-victoire du Oui.

Quatre ans plus tard...
Quatre ans plus tard, on le sait, le visage des vedettes des deux camps a changé. Alors que les Jean Chrétien et Stéphane Dion ont le vent dans les voiles (ils célèbrent d'avance leur victoire assurée aux prochaines élections fédérales, dit M. Lisée), les indépendantistes sont en déroute et affiche des mines visiblement défaites.

Cette situation fait que le Québec, déjà aux prises avec de graves lacunes démographiques, amorce un déclin qu'il faut à tout prix éviter. Pour y parvenir, l'auteur de Sortie de secours suggère d'organiser un référendum sur les besoins minimaux du Québec où il ne sera aucunement mention d'accession à la souveraineté (voir l'encadré). Un oui massif à la question renverra la balle dans le camp fédéral, qui sera forcé de se pencher sur le cas du Québec.

Trois scénarios seront alors possibles: 1. Ottawa refuse les demandes du Québec, mais ce refus ne crée pas de ressac. À tout le moins, le Québec aura mis les cartes sur la table pour les négociations à venir. 2. Le Canada accepte. Le Québec devient alors ce qu'il a toujours cherché à être dans la Confédération: une sorte d'État dans l'État. On écarte alors "pour une génération" tout projet de sécession. 3. Le Canada refuse. C'est alors seulement que le Québec s'engage dans l'accession à la souveraineté.

Un étudiant modèle
Ovationné à plusieurs reprises par les étudiants du baccalauréat bidisciplinaire politique et communication, Jean-François Lisée a reçu à l'Université de Montréal un accueil plus enthousiaste que celui du premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, qu'il a tenté de convaincre durant trois mois, sans succès. "Si j'avais réussi, nous mettrions actuellement en place la procédure pour le projet que j'avais conçu. C'est parce qu'il est en désaccord avec ma thèse que ce livre existe."

Pour M. Lisée, il ne fait aucun doute que la souveraineté est la solution au déclin du Québec. Mais il ne faut pas confiner les Québécois dans une impasse si cette solution ne voit jamais le jour. C'est pourquoi il faut donner une chance au Canada.

"Je suis souverainiste depuis l'âge de 18 ans. Pendant environ 15 ans, de 1974 à 1989, j'ai essayé de rallier mon père. Il est devenu souverainiste en 1990 pour une période d'environ deux ans et demi. Pas à cause de moi. À cause du rejet de l'accord du lac Meech. Je crois que beaucoup de Québécois sont comme lui. Les souverainistes doivent avoir l'humilité de le reconnaître."

Rappelons que les sondages donnaient le Oui gagnant à 67% en 1991, à la suite de l'échec du gouvernement Mulroney de réintégrer "dans l'honneur et l'enthousiasme" le Québec au sein du giron constitutionnel.

M. Lisée a été présenté par son hôte, Richard Nadeau, professeur au Département de science politique, comme un journaliste chevronné, un auteur prolifique et un communicateur efficace. Il a ajouté que, lorsqu'il a conçu le programme d'études, il gardait en tête l'étudiant idéal. Or, M. Lisée aurait été un élève particulièrement doué.

Mais l'ex-conseiller n'a pas la tête aux études. Interrogé par Forum sur l'accueil hostile que son livre a reçu dans les cercles souverainistes, il a tenu à tempérer les choses. "Les jeunes chroniqueurs souverainistes ont plutôt tendance à m'appuyer, contrairement aux vieux comme Pierre Bourgault. Mais cinq députés du Bloc québécois m'ont publiquement soutenu. Et le débat lui-même continue de progresser. Non, je suis assez content malgré ce que les médias en disent."

Et la souveraineté, se fera-t-elle un jour? "Si le mur de Berlin est tombé, c'est que rien n'est impossible", croit l'auteur de Sortie de secours.

Mathieu-Robert Sauvé


La question

Voici la question à laquelle les Québécois seraient appelés à répondre dans le cadre d'un référendum avant la fin du présent mandat du gouvernement péquiste, selon Jean-François Lisée:

"Désirez-vous que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec obtiennent, au sein du Canada, la capacité d'affirmer, lorsqu'ils le jugent opportun, leur autonomie pleine et entière en matière de langue et de droits linguistiques, de culture, de communications, d'immigration, d'éducation, de recherche, de santé et de programmes sociaux, de même que la capacité de gérer la représentation de la réalité québécoise dans le monde à même sa part de budgets et des services des ambassades canadiennes; la garantie que jamais moins des trois quarts des taxes et impôts perçus au Québec seront versés au budget du Québec; la mise en place d'un mécanisme d'arbitrage décisionnel qui puisse trancher les litiges budgétaires majeurs et l'obtention d'un droit de veto sur toute modification à ces droits?"


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