FORUM - 6 MARS 2000 

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L'Université de Montréal au sommet de la jeunesse

"Bilan positif avec bémols", selon le secrétaire général de la FAECUM.

Joël Monzée

Patrick Lebel

Patrick Lebel, secrétaire général de la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal (FAECUM), trace un bilan "positif mais avec bémols" du récent Sommet du Québec et de la jeunesse, qui s'est tenu dans la capitale québécoise du 22 au 24 février dernier.

"Nous sommes très contents du milliard de dollars investi dans l'éducation. Mais nous sommes inquiets sur deux points: quelle sera la part réelle destinée aux universités? Et quel montant sera réinvesti durant les prochaines années? Parce que, c'est bien beau de mettre de l'argent dans un secteur, mais il ne doit pas disparaître l'année suivante!"

Le représentant étudiant, qui agissait à titre de délégué de la Fédération étudiante universitaire du Québec, attribue à l'action des militants ce réinvestissement massif en éducation. Le consensus qui s'est dégagé au cours des échanges et dans les coulisses a certainement créé une pression du côté gouvernemental, estime-t-il.

Aussi, M. Lebel rappelle que le Parti québécois avait promis d'investir 1,4 milliard dans le réseau de l'éducation. Si l'on soustrait les 300 millions annoncés avant le Sommet et le milliard neuf, M. Lebel s'attend à d'autres sommes. "Le Sommet terminé, nous allons continuer de faire pression pour trois choses: l'augmentation du nombre de professeurs dans les universités, l'injection de nouveaux fonds pour les bibliothèques et l'achat d'ordinateurs."

Des recteurs discrets
Le secrétaire général se dit très déçu de l'absence du recteur Robert Lacroix au Sommet. La performance de la CREPUQ lui a également laissé quelque amertume. "Le président François Tavenas, recteur de l'Université Laval, a tenu un discours très institutionnel sous les yeux de Pierre Reid, recteur de l'Université de Sherbrooke. En d'autres termes, ils nous ont regardés nous battre. Maintenant, ils sont bien contents."

L'Université de Montréal a pourtant fait entendre sa voix au Sommet. Dès le mois de novembre 1999, elle a produit un mémoire intitulé L'enseignement supérieur: l'avenir à portée de main. "La formation universitaire, qu'elle soit de premier, deuxième ou troisième cycle, représente pour les jeunes Québécois la meilleure garantie contre le chômage et l'exclusion [...]. Chez les titulaires d'un diplôme universitaire, le taux d'inactivité ne dépasse pas les 6%, ce qui fait des diplômés le seul groupe à se situer sous la moyenne nationale", peut-on lire dans ce mémoire.

Pour relancer le système universitaire, l'Université de Montréal préconisait un réinvestissement massif dans les universités, mais aussi diverses initiatives visant à augmenter le nombre de stages à l'étranger et permettre un meilleur jumelage des chercheurs avec les entreprises privées.

Les jeunes chercheurs s'en mêlent
De leur côté, l'Association des étudiants aux grades supérieurs de la Faculté de médecine (AEGSFM) et l'Association des étudiants en biochimie, qui représentent plus de 1100 membres à l'Université de Montréal, ont cherché à attirer l'attention sur la réalité des jeunes chercheurs. Parmi les enjeux ciblés, la précarité des conditions de vie a fait l'objet d'une attention particulière.

"Il est certain que tous les groupes socioéconomiques revendiquent une amélioration des conditions de vie de leurs membres. Cependant, les stagiaires de recherche, qui représentent une relève primordiale pour l'avenir du Québec, sont dans une telle situation de précarité qu'un grand nombre de jeunes chercheurs se découragent ou partent exercer leur passion dans d'autres pays", peut-on lire dans le document préparé par Joël Monzée, président de l'AEGSFM.

Afin de "déprécariser" les conditions des jeunes chercheurs, les associations étudiantes revendiquent une meilleure reconnaissance du statut de stagiaire de recherche. L'État reconnaît par exemple le statut de médecin résident; un statut semblable pourrait être envisagé pour les jeunes chercheurs.

Elles recommandent en outre de multiplier les rapports entre les universités et les industries, de créer des instituts de recherche et de financer plus généreusement la recherche en milieu universitaire.

Mathieu-Robert Sauvé


Le Québec découvre ses jeunes

Jeunes entrepreneurs, étudiants et groupes de jeunes marginaux ont eu une grande visibilité durant la semaine du 21 février dernier. "Le Québec a découvert qu'il avait une jeunesse", lance Jacques Hamel, professeur au Département de sociologie et chercheur à l'Observatoire Jeunes et société. "Ce qui m'inquiète, c'est qu'on cesse de parler des jeunes après le rassemblement."

On ne règle pas des problèmes sociaux uniquement avec de l'argent, rappelle le sociologue, qui, en raison des travaux qu'il mène depuis plus de 10 ans sur les générations montantes, a été consulté dès le mois de décembre 1998 pour l'organisation du Sommet. "Ce sont les liens intergénérationnels qui ont le plus de sens, et je dois dire que j'ai été déçu de ce côté."

Le Pont entre les générations, de la Faculté de théologie, a assuré une présence, mais les principes que le groupe de réflexion tente d'instaurer n'ont pas fait de petits, semble-t-il. Or, tant que les jeunes seront isolés, leur puissance sera réduite. Comme le rappelle le sociologue, ils n'ont plus la force du nombre.

Autre déception pour M. Hamel: le sondage "vite fait et bâclé" sur les jeunes de 15 à 35 ans qui devait lancer les débats dès l'ouverture de la rencontre. "En créant une telle catégorie d'âge, on confond adolescents et jeunes adultes, ce qui cause un biais inouï."

Enfin, le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse, François Legault, a lui-même démontré sa méconnaissance de la population qu'il représente en confondant décrochage social et décrochage scolaire. "D'abord, il faut se demander si le décrochage est permanent. Des études soulignent que de nombreux jeunes raccrochent après quelques années. Et puis, même quand on regarde ceux qui laissent l'école définitivement, tous ne deviennent pas 'squeegees' ou délinquants!"

Malgré tout, la tenue du Sommet aura été l'occasion pour le Québec de s'interroger sur ses jeunes. Et ça, c'est déjà quelque chose.

M.-R.S.


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