FORUM - 14 FÉVRIER 2000L'amour du chocolat"Le chocolat de qualité consommé en petite quantité n'est pas mauvais pour la santé", selon le nutritionniste Dominique Garrel.
Il y a autant de caféine dans 85 grammes de chocolat noir que dans une tasse de café. Et ce n'est pas tout. Il contient aussi des composés antidépresseurs et de la théobromine, une substance qui stimule le système nerveux sympathique et procure une satisfaction sur le plan cérébral. Ce n'est donc pas un hasard si le chocolat est à la fois consommé pour apaiser les peines d'amour et considéré comme la gourmandise des amoureux! "Ces substances sont des propriétés naturelles du cacao et non des additifs chimiques, précise Dominique Garrel, endocrinologue à l'Hôtel-Dieu et professeur au Département de nutrition. Mais pour que le chocolat ait un effet réel d'anti-déprime, il faudrait en manger en quantité excessive tous les jours." Qu'en est-il des vertus aphrodisiaques qu'on lui attribue? "Aucune étude scientifique ne les a confirmées", répond le Dr Garrel. Selon lui, le chocolat augmente la dépense énergétique, mais ce n'est pas tant le produit que l'environnement (un repas en tête à tête par exemple) qui peut avoir un impact sur la qualité de l'échange amoureux. "Si l'on crée un climat propice, l'effet sera le même qu'on mange une tranche d'ananas ou un morceau de chocolat."
Irrésistible à croquer! Dominique Garrel admet lui aussi apprécier le plaisir que procure le chocolat. Il lui arrive de croquer deux morceaux de chocolat noir tout en dégustant un bon cognac. Mais c'est en tant que nutritionniste et endocrinologue qu'il s'intéresse à ce nutriment. Quelle est justement la valeur nutritive du chocolat? Bon nombre de gens lui reconnaissent un apport en vitamines, fibres et minéraux. Dominique Garrel partage cet avis, mais il apporte des nuances. "Il est insensé de percevoir ce nutriment autrement que pour le plaisir qu'il procure, affirme-t-il. Il s'agit d'une petite douceur qui n'est consommée qu'occasionnellement. Donc, le chocolat ne peut pas vraiment être considéré pour sa valeur nutritive." Mais le chocolat noir n'est-il pas riche en potassium, magnésium et phosphore? "Les huîtres ont une grande teneur en zinc, mais personne n'en mange une douzaine par jour, réplique le nutritionniste. C'est la même chose avec le chocolat." Autre mythe à démolir. "Il faut être prudent lorsqu'on dit que le chocolat cause des maladies cardiaques. Consommé en petite quantité, le chocolat de qualité, tout comme le sucre d'ailleurs, n'est pas mauvais pour la santé, dit-il. Sauf en ce qui concerne la carie dentaire, évidemment." C'est que le sucre ne se transforme pas si facilement en graisse dans l'organisme humain, explique l'endocrinologue. Il faudrait, par exemple, manger un kilo de chocolat ou de pâtes pour obtenir l'équivalent de deux à trois grammes de graisse, lance le Dr Garrel. Reste que le chocolat doit être consommé avec modération: on compte environ 500 calories par 100 grammes! À ce sujet, le nutritionniste en profite pour remettre (encore une fois) les pendules à l'heure. "Les chocolats 'sans sucre' ne renferment pas moins de calories! Au contraire, l'absence de sucre est compensée par une plus grande proportion de matières grasses, révèle-t-il. S'il convient aux personnes diabétiques, ce n'est pas tant parce qu'il augmente peu le taux de glucide dans le sang que parce qu'il peut être consommé en tout temps. Le chocolat ordinaire ne peut être mangé par les diabétiques qu'après le repas." Une législation incohérente "Outre le procédé de fabrication ainsi que la variété et la provenance des fèves [extraites de la cabosse, fruit du cacaoyer], la qualité d'un chocolat est proportionnelle à son pourcentage de cacao, répond le Dr Garrel. Plus un chocolat renferme de cacao, moins il contient de sucre." Le hic? En Amérique du Nord, contrairement à la norme dans les pays d'Europe, les fabricants ne sont pas tenus d'indiquer sur l'emballage la teneur en cacao, déplore-t-il. Le consommateur a alors d'autant plus de difficulté à reconnaître un bon chocolat que le cacao est souvent désigné sous d'autres vocables: masse de cacao, liqueur de cacao, pâte de cacao, etc. Une nouvelle réglementation européenne autorisera sous peu les fabricants de chocolat à remplacer 5% du beurre de cacao par d'autres gras végétaux naturels d'origine tropicale. Le beurre de cacao, un ingrédient relativement cher, est souvent remplacé par de l'huile de palme ou du beurre de karité dans les tablettes de chocolat commercial. Au Canada, un produit qui comprend des graisses végétales autres que le beurre de cacao ne peut afficher la mention "chocolat" sur son étiquette. Aéro, Hershey et Jersey Milk sont, par exemple, des friandises chocolatées, car leurs quantités de pâte et de beurre de cacao sont insuffisantes. La Loi canadienne sur les aliments et drogues régit la composition des produits alimentaires, dont les différents types de chocolat: noir, au lait, blanc et le chocolat sucré. Le chocolat noir, aussi appelé "mi-amer", ne peut contenir moins de 35% de solides du cacao et au plus 5% de solides du lait. "Le taux de cacao d'un chocolat de qualité se situe idéalement entre 60% et 70%", signale le nutritionniste Dominique Garrel. La composition du chocolat au lait, qui renferme plus de sucre que le chocolat noir, doit compter 25% de solides du cacao et au moins 12% de solides du lait. Le chocolat blanc ne peut comprendre moins de 20% de beurre de cacao et 14% de solides du lait. Quant au chocolat sucré (avec de l'aspartame ou tout autre édulcorant), il doit être composé d'au moins 30% de solides du cacao et d'au plus 12% de solides du lait. Dominique Nancy |