FORUM - 14 FÉVRIER 2000

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Noblesse oblige: le don des générations

La campagne de financement de l'Université de Montréal, inaugurée le 11 octobre dernier, est la sixième depuis la création de l'Université, en 1920. Trois autres campagnes ont même eu lieu avant cette date, en 1905, 1913 et 1916, alors que l'université montréalaise était une succursale de l'Université Laval. Rappelons les points saillants de ces campagnes.

Cette publicité paraît le 5 mars 1920 accompagnée d'un texte du journaliste Olivar Asselin. "Une race sans chefs est une armée sans généraux, écrit-il pour encourager les donateurs. Les chefs de race se forment à l'Université comme les généraux aux écoles d'état-major."

La campagne de 1920
"Noblesse oblige", tel est le thème de la campagne de financement qui débute le 20 février 1920, une semaine après l'obtention de la première charte civile créant l'Université de Montréal. L'objectif de cette campagne, qui durera jusqu'au 23 mars: 2,5 millions de dollars.

L'ambition des Montréalais francophones ne se limite pas à avoir une université quelconque, ils veulent "une grande université, une université moderne", comme l'écrit Alain Gauthier, auteur d'une thèse sur les campagnes de souscription de 1920 et de 1947 au Département d'histoire. Cette université sera bien sûr catholique, mais aussi, elle verra à former la future élite qui défendra et saura bien représenter les Canadiens français. La devise Fide splendet et scientia, "Elle rayonne par la foi et la science", exprime cette volonté.

Les Canadiens français de l'époque qui possèdent des revenus appréciables forment la moyenne bourgeoisie. Il s'agit d'hommes d'affaires, de politiciens et de membres de professions libérales. Ces gens seront sollicités et ils solliciteront à leur tour les Montréalais. Mais c'est le clergé qui jouera le rôle le plus déterminant. La stratégie adoptée est la suivante: puisque cette université est catholique, alors, que tous les catholiques participent à cette campagne! Le diocèse de Montréal est divisé en 96 paroisses et la zone rurale environnante, en 316 paroisses comprenant au total 133 855 chefs de famille. L'agent de propagande idéal est le curé. Il a pour mandat de rappeler aux fidèles, durant le sermon, leur devoir de souscrire à cette campagne.

La stratégie fonctionne. Au terme de la campagne, quelque 4 148 218,09$ ont été amassés. Le gouvernement du Québec et la communauté des Sulpiciens ont également contribué à cette campagne.

La campagne de 1947
L'Université de Montréal avait mis en chantier la construction de l'immeuble principal en 1928. Un an plus tard, en 1929, survient la grande crise économique. À partir de 1931, faute d'argent, l'immeuble principal restera en plan durant plus de 10 ans. La situation financière de l'Université se détériorant, deux commissions d'enquête sur le problème universitaire sont instaurées, la première en 1932 et la seconde en 1937. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1945, un grand nombre d'étudiants mobilisés sont de retour et espèrent poursuivre leurs études universitaires.

Pour répondre à ces attentes, l'Université a besoin de nouveaux locaux. Le moment est propice à une deuxième campagne de financement. Elle se déroule officiellement entre les mois d'octobre 1947 et février 1948. Dans les faits, "la campagne de souscription en faveur de l'Université de Montréal", dont l'objectif est fixé à 11 millions de dollars, s'étire sur plusieurs années. Une campagne de publicité s'amorce à la radio et dans les journaux. Pour attirer les donateurs, les objectifs sont présentés publiquement, ce qui faisait défaut en 1920, comme le rappelle Alain Gauthier. Les fonds serviront à construire un centre médical et de recherche, à créer un fonds de pension pour le personnel, à bâtir un centre étudiant et à parachever la construction de l'immeuble principal.

Le résultat de la campagne dépasse les espérances. À la clôture, on a amassé 12 835 943,77$.

La campagne du cinquantenaire
Le premier recteur laïque, Roger Gaudry, nommé en 1965, annonce un vaste plan d'expansion évalué à 188 millions. Le 21 octobre 1966, il déclare que la campagne du cinquantenaire débutera à l'automne 1967. Elle devait rapporter 19 millions, ce qui correspondait à 1500$ par étudiant.

Cette fois, on veut créer des bourses d'études, construire le pavillon d'éducation physique et la résidence Thérèse-Casgrain. À la fin de la campagne, les dons totalisent les 19 millions de dollars.

La campagne des années 1980
Dès 1967, la situation de l'éducation au Québec progresse considérablement. Les collèges d'enseignement général et professionnel (cégeps) amènent une nouvelle clientèle de plus en plus nombreuse dans les universités. En 1972, les facultés traditionnelles de philosophie, de lettres et de sciences et la Faculté des arts sont abolies pour faire place aux nouvelles facultés des arts et des sciences (FAS) et des études supérieures (FES). Dorénavant, la FAS s'occupe des études de premier cycle et la FES a la responsabilité des études de deuxième et de troisième cycle. Ce réaménagement devient nécessaire puisque l'Université est "en route vers la Big Science", comme le dit l'historien des sciences Yves Gingras.

Pour la campagne des années 1980, sous la présidence d'honneur de Paul Desmarais, l'objectif est de 24 millions. Les sommes sont destinées à la construction de la Bibliothèque des lettres et des sciences humaines (Pavillon Samuel-Bronfmann) et du Pavillon des mathématiques (André-Aisenstadt) et à la mise en route de divers projets d'enseignement et de recherche. Encore une fois, on dépasse l'objectif en atteignant les 24 019 600$.

La campagne des années 1990
La campagne des années 1990 est placée sous le signe de la solidarité puisque l'Université de Montréal s'associe cette fois à ses deux écoles affiliées, l'École Polytechnique et l'École des Hautes Études Commerciales, pour cette collecte de fonds. On désire financer la modernisation et l'addition de laboratoires, la construction et la rénovation de locaux, l'établissement de jeunes chercheurs, la création de chaires et de bourses d'excellence. Les fonds seront divisés comme suit: 73% à l'Université de Montréal, 14% à l'École Polytechnique et 13% aux HEC.

Cette fois, on sollicite les diplômés et le milieu des affaires, qu'ils se trouvent au Québec, en Ontario, dans l'Ouest canadien ou dans les Maritimes. La campagne connaît un succès sans précédent puisque la somme finale se chiffre à 81 millions de dollars.

À l'Université, on construit le Pavillon Paul-G.-Desmarais, on crée le système intégré des bibliothèques et l'on agrandit les aires de jeux de la garderie.

L'histoire des campagnes de financement démontre que, depuis sa création, l'Université de Montréal a reçu le soutien financier du grand public, des diplômés, du personnel enseignant, du personnel de soutien et du milieu des affaires.

La présente campagne est marquée du même sceau que les précédentes. Elle vise à fournir les meilleures conditions d'enseignement, de recherche et de travail à la communauté universitaire. Cela montre également que l'objectif de 1920 de donner à la population canadienne-française des générations de bâtisseurs qui savent la représenter et la défendre a été respecté.

Noblesse oblige.

Denis Plante
Division des archives
Collaboration spéciale

Sources: Université de Montréal, Division des archives, Fonds du Secrétariat général.

Hélène-Andrée Bizier, L'Université de Montréal: la quête du savoir, Montréal, Libre Expression, 1993, 311 pages.

Alain Gauthier, Les campagnes de souscription de 1920 et de 1947 à l'Université de Montréal, 195 pages. Thèse.


L'UdeM a 80 ans

En 1876 s'ouvre, à Montréal, une succursale de l'Université Laval, fondée 24 ans plus tôt. Dès lors, entre les deux villes s'installe "une querelle universitaire" qui durera jusqu'à l'obtention, par la succursale de Montréal, de son autonomie.

Il faut attendre le rescrit du 8 mai 1919 du pape Benoît XV pour que la succursale montréalaise de l'Université Laval acquière son indépendance. Puis, le 14 février 1920, la législature provinciale octroie à la corporation "Université de Montréal" une charte civile. L'Université de Montréal est enfin née.

La double identité religieuse et civile s'est longtemps reflétée dans la composition administrative de l'Université. Ainsi le chancelier était l'archevêque de Montréal, le recteur et le vice-recteur deux ecclésiastiques choisis par les évêques de Montréal et le secrétaire général un laïc choisi par le Conseil universitaire. Cette situation a été modifiée par la charte de 1967, l'Université de Montréal étant reconnue comme laïque.

L'Université de Montréal a donc 80 ans en ce jour de la Saint-Valentin.


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