FORUM - 14 FÉVRIER 2000

 [Accueil Forum][Calendrier][Etudiants]


600 000$ pour des recherches sur la toxicomanie

Le criminologue Serge Brochu dirigera cette alliance de recherche université-communauté.

Le criminologue Serge Brochu signale que les toxicomanes ont la réputation d'être violents alors que les drogues illicites sont plutôt associées aux délits lucratifs. "L'alcool entraîne plus de délits de violence", dit-il.

Toutes les 20 secondes aux États-Unis, on procède à une arrestation reliée au trafic de la drogue. Nos voisins du Sud ont choisi leur camp: la répression.

Pourtant, les études démontrent bien que les détenus ne sont pas tous des toxicomanes. Guère plus de 25% à 33% d'entre eux auraient une réelle dépendance. Et encore, plusieurs l'ont acquise à l'intérieur même du pénitencier. "On aime bien attribuer à la drogue les fléaux qui échappent à notre contrôle", lance le criminologue Serge Brochu, directeur du Centre international de criminologie comparée.

Avec d'autres chercheurs, M. Brochu vient de terminer une série d'entrevues auprès de 500 détenus au cours desquelles ils ont cherché à connaître leur histoire pendant les trois dernières années: épisodes de crimes, consommation de substances psychoactives, mais aussi événements traumatisants, divorces, pertes d'emploi, etc. Cette recherche pourrait nous en apprendre beaucoup sur les vrais déclencheurs du passage à l'acte. La drogue pourrait ne pas être la première coupable...

600 000$ sur trois ans
Professeur à l'Université de Montréal depuis 1986, Serge Brochu a beaucoup étudié la relation entre la drogue et le crime. Ses travaux l'ont amené à travailler de près avec les services communautaires et les centres de désintoxication de sorte que même la recherche fondamentale, dans sa discipline, se basait sur la "vraie vie".

Ce n'est pas par hasard que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) a attribué 600 000$ sur trois ans au collectif qu'il a mis sur pied avec Michel Landry, directeur du centre Dollard-Cormier, dans le cadre des alliances de recherche université-communauté (ARUC), une nouvelle formule de financement élaborée par l'organisme gouvernemental. La compétition était forte puisque 178 groupes avaient posé leur candidature pour obtenir des fonds en vertu de ce programme. Seulement 22 ont été retenus d'un océan à l'autre.

"Pourquoi nous? J'imagine que nous avions une longueur d'avance sur les autres, ayant déjà répondu au voeu du CRSH de rapprocher l'université de la communauté", explique M. Brochu.

Un exemple concret des fruits de cette collaboration est la création d'une unité spécialisée à l'intérieur du centre Dollard-Cormier. Les chercheurs ont constaté que les personnes qui connaissaient des problèmes avec la justice avaient besoin d'une approche thérapeutique particulière. "Les juges ne diront pas nécessairement que c'est la prison ou la cure. Mais ils laissent entendre que, si l'accusé est prêt à suivre une cure de désintoxication, la sentence sera diminuée. Les avocats le savent bien et conseillent la chose à leurs clients. Résultat: ces gens n'ont pas toujours la même motivation que les autres."

L'unité Toxico et justice du centre Dollard-Cormier a été mise sur pied pour répondre à ces besoins. En assurant un suivi plus attentif des personnes admises, on essaie de faire passer la motivation venant de l'extérieur, soit du système judiciaire, à un niveau plus intrinsèque.

Une première étude d'impact de l'unité a été faite et l'on a observé une amélioration notable du taux de réussite parmi les clients après un an.

Le centre ira plus loin
Grâce au financement provenant du CRSH, le Collectif de recherche sur les aspects sociosanitaires de la toxicomanie (CRASST) pourra s'agrandir et "aller plus loin", comme le dit son responsable. Déjà, on prévoit engager un coordonnateur, un agent de communication et une secrétaire. "Et ce n'est pas parce qu'on est une ARUC qu'on ne fera pas de recherche fondamentale", signale M. Brochu. Des étudiants aux cycles supérieurs prévoient mener des recherches sur différents aspects de la prévention et du traitement des toxicomanies.

Les 14 professeurs qui participent à cette ARUC proviennent principalement de la Faculté des arts et des sciences (criminologie, psychologie, psychoéducation, sociologie et travail social) mais également d'autres secteurs et d'autres universités. "Nous sommes au moins trois générations de chercheurs, dit M. Brochu, puisqu'un de mes professeurs du Département de psychologie et un de mes anciens étudiants, qui travaille aujourd'hui à l'Université du Québec à Hull, sont du nombre."

Ayant pour mission de mettre en place un programme de recherche, de formation et de diffusion des résultats, le CRASST travaillera en partenariat avec six organismes: la Fédération des centres de réadaptation pour personnes alcooliques et autres toxicomanes du Québec, Diogène (qui intervient auprès des personnes "judiciarisées" souffrant de maladie mentale et de toxicomanie), la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la région de Québec, le centre Dollard-Cormier, l'Association des centres jeunesse du Québec et le Centre hospitalier Louis-Hippolyte Lafontaine.

Mathieu-Robert Sauvé


[Accueil Forum][Calendrier][Etudiants]