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C'est beau, les maths!

Stéphane Durand aime la peinture, la musique et... les mathématiques.

Stéphane Durand a obtenu un doctorat en physique théorique en 1990. Depuis, il se consacre à l'enseignement, à la recherche et à des travaux de vulgarisation scientifique. Mélomane à ses heures, il aime particulièrement Bach et Beethoven. "Le jour et la nuit."

Les taches sur le pelage des félins, les formes des flocons de neige, un dessin de Escher, les noeuds marins, le design de la coquille d'un escargot, la configuration des fougères le long de la tige ou celle des graines de tournesol au centre de la fleur ont bien peu de choses en commun. Sans la créativité et la culture d'un jeune physicien, Stéphane Durand, nul ne penserait regrouper tous ces éléments sous un même dénominateur. Ce dénominateur commun existe pourtant et n'a rien à voir avec la biologie. Il s'agit des mathématiques.

Lorsqu'il a décidé de participer au concours international d'affiches organisé par la Société mathématique européenne, le chercheur a tenu à exploiter cette idée des mathématiques omniprésentes, entrant dans la composition des plus belles choses que la nature ait produites... Judicieuse idée puisque Stéphane Durand a gagné le premier prix du concours. On peut apercevoir trois affiches inspirées de son travail dans le métro de Montréal depuis le début de l'Année mathématique mondiale. Des affiches qui ont été mises à la disposition des sections locales des associations de matheux partout dans le monde.

"L'efficacité des mathématiques est absolument extraordinaire, dit le chercheur rattaché au Centre de recherches mathématiques de l'Université de Montréal et professeur de physique au cégep Édouard-Montpetit. On connaît depuis longtemps leur importance en physique, mais on découvre aussi tout leur pouvoir en biologie et en botanique. Des phénomènes qu'on croyait être dus au hasard ou aux gènes se révèlent être la conséquence d'une dynamique mathématique. Cela est tout à fait fascinant."

Il reste que, étant donné la tradition, c'est en physique que les succès des mathématiques sont les plus spectaculaires. Par exemple, la précision de certaines théories est telle qu'elle correspond à l'épaisseur d'un cheveu sur la distance Montréal-Paris! "Cette adéquation apparemment si parfaite entre mathématiques et réalité nous amène naturellement à la fameuse question de leur nature: les mathématiques sont-elles une invention ou une découverte? Pour moi, il ne fait aucun doute que les mathématiques sont une découverte."

Un exemple classique: lorsque Einstein a mis au point sa théorie de la gravitation (la relativité générale), il s'est aperçu que des mathématiciens en avaient déjà établi les grands principes 100 ans plus tôt, sans penser que cela servirait un jour.

"Autre exemple, lorsqu'on sonde l'infiniment petit ou l'infiniment grand, des domaines inaccessibles à nos sens, on s'aperçoit que la logique en jeu n'est pas la même que celle de la vie de tous les jours.

"Notre intuition usuelle n'est donc plus adaptée pour décrire ce qui s'y passe. Le seul moyen de comprendre, c'est à l'aide des mathématiques."

Emporté par son enthousiasme, il lance cette phrase superbe: "Les mathématiques ont moins de limites que notre imagination."

Les vertus de la vulgarisation
Bien entendu, Stéphane Durand peut déchiffrer un tableau rempli de symboles savants sans avoir l'impression de se torturer les méninges. Il peut discuter fractales, principe du nombre d'or et théorie du chaos avec certains des plus grands experts du monde. Les mathématiques forment d'ailleurs, comme le fait valoir l'UNESCO, un langage universel qui transcende la barrière des langues. Mais pour lui, cette science mal connue, rébarbative pour le plus grand nombre, est porteuse d'une grande beauté qu'il faut savoir apprécier au risque d'être tenu à distance d'un volet capital de la pensée humaine.

"L'émotion qui nous étreint quand on fait des études de mathématiques est comparable à celle que nous ressentons à l'écoute de la musique de Bach et de Beethoven, dit-il. C'est extrêmement beau. Pour arriver à ressentir cela, j'en conviens, il faut déployer un certain effort. Mais est-ce différent lorsque nous gravissons une montagne pour découvrir un paysage à couper le souffle?"

Le chercheur sait de quoi il parle. Chez lui, les reproductions des oeuvres de Picasso voisinent avec les bustes des grands compositeurs. Il écoute différentes versions des partitas de Bach pour comparer les interprètes (Menuhin: 1, Kuijken: 0) et s'installe lui-même au piano pour se reposer de la physique quantique.

Malheureusement, les mathématiques ne sont pas aussi faciles à "vulgariser" que la musique, où le profane n'a besoin que d'un sofa et de bons haut-parleurs. Toutefois, la vulgarisation a toujours représenté pour Stéphane Durand un défi intéressant. Sa carrière compte déjà quelques bons coups à ce chapitre.

Après avoir été durant sept ans conférencier au Planétarium de Montréal, il a remporté en 1994 un prix de vulgarisation scientifique de l'ACFAS pour un article intitulé "Qu'est-ce qui fait courir les physiciens?" Depuis, les projets se sont succédé: publications dans Québec Science, participation au livre La science par ceux qui la font (Liber), interviews à des émissions de radio et de télévision... Son plus récent livre, La relativité animée, relève brillamment le défi d'expliquer la théorie de la relativité aux "enfants de 15 à 95 ans et leurs parents", comme l'indique l'éditeur en quatrième de couverture (voir l'encadré).

Les taches du léopard
En vulgarisant des théories complexes, l'homme de science emprunte inévitablement des raccourcis. Mais l'objectif est toujours d'être juste. Par exemple, l'une des questions que les usagers du métro de Montréal auront sous les yeux dans les wagons jusqu'au 4 février est: Pourquoi le léopard est-il tacheté et le tigre rayé?

Voyons où se trouvent les maths là-dedans.

Pour avoir une fourrure tachetée ou rayée, chaque individu subit un processus survenant durant la phase embryonnaire. Ce processus, on peut l'illustrer avec une formule mathématique.

Stéphane Durand explique qu'il s'agit d'un modèle simple appelé "système d'équations différentielles". Il permet de décrire la façon dont réagissent et se propagent sur la peau deux produits chimiques différents: un qui colore la peau, un qui ne la colore pas. "Ou plus exactement: un qui stimule la production de mélanine, un colorant de peau, et un qui inhibe cette production."

La même équation de base explique presque tous les motifs qu'on retrouve chez les animaux. Le moment où se déroule le phénomène est déterminant. Pour l'un, c'est dès le début de la gestation; pour l'autre, beaucoup plus tard. "Plus précisément, poursuit le chercheur, les équations montrent qu'il ne se forme pas de motif si l'embryon est très petit, qu'il se forme un motif rayé si l'embryon est un peu plus gros, un motif tacheté si l'embryon est encore plus gros et pas de motif non plus s'il est trop gros."

Certes, ce genre d'explication ne satisfait pas les plus exigeants. "Dans cette campagne publicitaire, j'ai voulu insister sur les mondes végétal et animal parce que peu de gens savent que les mathématiques y sont très présentes. Mais mon objectif est de vulgariser des concepts en donnant des pistes. On ne peut pas trop en dire sur les affiches."

Les curieux qui veulent approfondir des concepts sont invités à consulter le site Web du Centre de recherches mathématiques: www.crm.umontreal.ca/math2000. Les sept affiches gagnantes de M. Durand y figurent.

Mathieu-Robert Sauvé


La relativité accessible à tous"

La théorie de la relativité a remis en question notre conception de l'espace et du temps. L'écoulement du temps peut ralentir; l'espace peut se contracter; le futur de l'un peut être le passé de l'autre..."

Ainsi commence le dernier livre de Stéphane Durand, La relativité animée. Destiné au grand public, cet ouvrage veut présenter simplement une théorie archiconnue... que personne ne connaît. L'auteur pousse l'audace jusqu'à proposer à ses lecteurs une "feuille d'animation" qui permet à chacun d'ajouter une dimension (le temps) aux trois autres qu'il a apprises. Ni holographie, ni multimédia, ni imagerie virtuelle, mais un simple cache troué qu'on bouge de bas en haut pour voir s'animer le "monde sensible". Le lecteur peut donc saisir les principes de base de l'espace-temps.

"Il existe de nombreux livres de vulgarisation sur la théorie de la relativité. Mais ils commencent inévitablement par des dizaines de pages d'explications historiques préliminaires. Moi, j'ai voulu faire entrer le lecteur dès les premières pages dans le vif du sujet."

Très facile à lire jusqu'à la page 83, où commence un "approfondissement à l'intention des physiciens amateurs", l'ouvrage se limite à la théorie de la relativité restreinte, élaborée par Einstein en 1905. Il ne s'agit pas de la relativité générale, énoncée 10 ans plus tard, qui conduira à des prédictions sur l'existence de trous noirs et "peut-être même d'univers parallèles". Le livre compte quelque 40 pages d'illustrations.

Stéphane Durand dédie l'ouvrage à sa fille Fannie, 12 ans, "qui me démontre chaque jour que tout n'est pas relatif".

M.-R.S.


Stéphane Durand, La relativité animée, Un livre interactif, Montréal, Le griffon d'argile, 1999, 100 pages.


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