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Bouche-à-bouche et réanimation cardiorespiratoire

Réaction à l'article intitulé "Réanimation cardiorespiratoire: oubliez le bouche-à-bouche!, Raoul Daoust recommande de ne pas suivre la directive internationale" paru dans Forum le 13 décembre 1999

À titre de président sortant de la Faculté des soins d'urgence cardiaque de la Fondation des maladies du coeur du Québec, urgentologue et professeur adjoint (FMCQ) à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, j'aimerais corriger certaines erreurs figurant dans cet article sur la réanimation et l'utilisation du bouche-à-bouche.

Malheureusement, plusieurs affirmations soutenues dans ce texte sont erronées ou citées hors contexte. Ainsi "Très souvent, la respiration artificielle achève la victime d'un arrêt cardiorespiratoire" est une affirmation totalement fausse et la littérature mondiale sur ce sujet démontre le contraire. Je crois que l'ensemble des commentaires de mon confrère porte plus sur l'importance de la défibrillation précoce, qui est démontrée comme l'élément le plus important de réduction de mortalité, au moment d'un arrêt cardiaque de l'adulte. Il est important de réaliser que l'arrêt cardiaque primaire en population pédiatrique est très rare et justement un problème respiratoire et d'oxygénation amenant une détresse respiratoire est à la base de l'arrêt chez l'enfant.

Également, la notion de "bon massage thoracique" est depuis les travaux de Sones mise en lumière sous la notion de "compression thoracique". La technique utilisée et la position idéale sont mises en seconde importance, car le plus essentiel de cette démarche demeure d'augmenter la pression intrathoracique par compression thoracique. De récentes publications canadiennes ont bien documenté ce point.

La notion de séquence CAB (circulation, airway, breathing) demeure une séquence dont la portée scientifique ne s'est pas montrée supérieure à celle de l'ABC enseignée depuis des années. Cette séquence sera d'ailleurs au coeur de la prochaine conférence internationale en février 2000 à Dallas. Personnellement, je crois que les récents travaux scientifiques devraient nous mener en août 2000 à la séquence suivante: D (défibrillation si possible ou nécessaire), A (voies respiratoires), B (respiration), C (circulation).

Concernant la médication, nous révisons également, pour août 2000, l'ensemble des travaux et des publications. Le rôle de l'amiodarone comme antiarythmique ne saurait remplacer l'adrénaline appartenant à une autre classe thérapeutique.

Les experts en réanimation cardiaque et cérébrale s'entendent pour souligner l'importance des manoeuvres de base effectuées par un témoin qui découvre la victime d'un arrêt cardiaque. Le rôle de ce dernier est non seulement de déclencher le système qui transportera les outils jugés les plus efficaces auprès du patient, mais de plus le témoin vient repousser les dommages anoxiques (cérébraux et autres) qui débutent à l'instant de l'arrêt, en permettant de gagner quelques secondes ou minutes. Bref, le témoin ralentit l'horloge biologique qui en quelques minutes va créer des dommages cérébraux et tissulaires irréversibles.

En conclusion, "ne pas suivre la directive internationale" est une affirmation dangereuse et non conforme à nos connaissances et, surtout, que je ne partage pas autant à titre d'urgentologue que de scientifique.

Ernest Prégent
Urgentologue à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal
Professeur adjoint à la Faculté de médecine
Président sortant de la Faculté des soins d'urgence cardiaque de la FMCQ


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