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Des enfants et des livres

Les filles ne lisent pas plus que les garçons, mais les ouvrages prisés ne sont pas les mêmes, selon Isabelle Leblanc.

Diplômée au deuxième cycle en anthropologie, Isabelle Leblanc mène actuellement des études doctorales en littérature comparée. Une de ses nombreuses passions: la littérature jeunesse.

Le système d'éducation québécois n'impose pas de lectures particulières avant l'école secondaire. Les enfants développent donc leur culture littéraire par la lecture individuelle. Mais comment les jeunes choisissent-ils leurs livres? Isabelle Leblanc, actuellement étudiante au troisième cycle en littérature comparée, s'est posé la question et en a fait le sujet de son mémoire de maîtrise.

"Les facteurs de choix se divisent en deux catégories, explique-t-elle. L'environnement d'abord, soit essentiellement l'influence qu'exercent les amis et les parents. Ensuite, ce que j'ai appelé les caractéristiques propres aux livres: l'auteur, l'apparence et le titre de l'ouvrage notamment." Mais ces facteurs varient beaucoup selon le sexe des enfants, ajoute la chercheuse. Les filles se fient davantage à leurs réseaux d'amis tandis que les garçons se disent plus influencés par l'apparence du livre et la collection dont il est issu.

Cela dit, qu'on soit fille ou garçon, les illustrations, les couleurs, l'épaisseur et le format du livre sont des critères jugés importants, précise Isabelle Leblanc. Même l'odeur du papier peut jouer un rôle dans le processus de sélection!

Selon les données recueillies par la chercheuse, les deux principaux facteurs de choix demeurent néanmoins les suggestions d'amis et l'appartenance à une collection. "Certains enfants se faisaient une fierté d'avoir lu tous les romans de La courte échelle ou encore les bandes dessinées Tom-Tom et Nana, Astérix, Tintin, Spirou et Fantasio. Mais il semble qu'avec l'âge l'enfant se fie de moins en moins à la collection pour choisir ses livres, souligne l'étudiante. Les conseils d'amis prennent alors davantage d'importance."

Les médias jouent-ils un rôle dans les choix de lectures? La chercheuse a noté une certaine influence de la télévision. Par exemple, après avoir vu le télé-film Anne ... La maison aux pignons verts, plusieurs fillettes se sont empressées d'aller chercher le livre à la bibliothèque. "Les médias et la publicité permettent aux enfants de connaître divers produits parmi lesquels les jeunes font, par la suite, leurs choix selon d'autres critères", selon Isabelle Leblanc.

Par contre, la télévision, avec tous ses programmes dédiés aux enfants et ses chaînes spécialisées, a certes une influence sur la quantité de livres lus. Mais contrairement à la croyance populaire, les filles ne lisent pas plus que les garçons, fait valoir la chercheuse. En moyenne, les jeunes lisent une dizaine de livres par année.

Contenus des menus de lectures
Les données recueillies auprès d'une trentaine d'enfants montréalais, âgés de six à neuf ans ne permettent pas de brosser un tableau exhaustif des facteurs de choix littéraires ni des tendances sur les genres de livres prisés. "Il s'agit d'une étude exploratoire dont la taille de l'échantillon restreint la représentativité", admet d'emblée l'étudiante. Mais une chose est sûre: les jeunes ne lisent pas n'importe quoi.

Parmi les enfants interrogés, les filles ont plus tendance que les garçons à lire des romans et des ouvrages documentaires. "Ces types de lectures représentent les trois quarts des livres lus par les enfants de sexe féminin. À peine 3% des livres lus par ces dernières sont des bandes dessinées alors que les BD sont nettement plus prisées par le sexe opposé", note-t-elle.

Ainsi, contrairement aux filles, les garçons seraient beaucoup moins friands de romans, lesquels ne composent qu'environ 45% de leurs lectures. Quant à la proportion des livres de référence, elle ne s'élèverait qu'à 23%. "Les garçons semblent choisir les livres de référence en fonction d'une recherche particulière et non pas comme lecture faite par plaisir. Ils lisent cependant avec un intérêt soutenu les ouvrages sur le sport comme la course automobile."

Mais les chiffres ne disent pas tout, soutient Isabelle Leblanc. À son avis, toute pratique culturelle ne peut s'intensifier avec l'âge que si la passion est communiquée. D'où l'importance des encouragements des parents pour cette activité et de leur participation aux choix de lectures.

De l'anthropologie à la littérature
C'est dans le cadre de ses études en anthropologie qu'elle a mené cette recherche sur les facteurs de choix littéraires des jeunes, sous la direction du professeur John Levitt. Mais quel est le lien entre la littérature et l'anthropologie? "De plus en plus, des penseurs repensent l'anthropologie autour de l'acte d'écriture et du texte, peut-on lire dans le mémoire. À la fois art, moyen de communication et de transmission de principes et de valeurs, l'écriture a une importance cruciale dans de nombreuses sociétés et cultures. Or, l'anthropologie a justement comme objet de recherche l'être humain."

L'intérêt d'Isabelle Leblanc pour la littérature est si marqué qu'elle fait aujourd'hui des études doctorales en littérature comparée. Et un grand défi anime cette jeune femme âgée de 24 ans. Elle a pour objectif de déposer sa thèse en mode hypertexte dès le printemps ou l'été prochain.

Contrairement aux universités McGill et Concordia, aucun étudiant de l'UdeM n'a encore fait ce saut technologique. Si l'étudiante atteint son objectif, elle aura rédigé sa thèse dans un délai d'à peine deux ans et demi!

Dominique Nancy



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